Allocution de la présidente de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), Dre Diane Francoeur, à l'occasion du point de presse concernant l'adoption du projet de loi 10 sous bâillon : réaction de la FMSQ
MONTRÉAL, le 6 févr. 2015 /CNW Telbec/ - Aujourd'hui, la FMSQ tient à unir sa voix à toutes celles qui dénoncent l'imposition du bâillon pour forcer l'adoption du projet de loi n°10.
Comme nous l'avons dit en commission parlementaire, ce projet de loi no 10 est irrecevable. En fait, il a tellement été mal pensé et mal écrit que le ministre de la Santé a dû ajouter 150 amendements aux 165 articles initiaux et ses deux annexes. Du jamais vu! Pas surprenant que l'étude de cette énorme pièce législative en commission parlementaire exige du temps. En fait, après 10 jours ouvrables (77 heures selon le ministre lui-même) d'études en commission parlementaire, le ministre Barrette a déjà atteint son quota…
Le gouvernement Couillard décide aujourd'hui de procéder, tête baissée, en dépit de toutes les objections et mises en garde formulées par l'ensemble des acteurs du réseau de la santé. C'est une triste journée pour la démocratie.
Nous assistons, impuissants, à un autre brassage de structures imposé à la va-vite pour des raisons essentiellement budgétaires. Aujourd'hui, on nous sert un discours comptable pour justifier l'adoption du projet de loi n°10 à toute vapeur. Mais une réforme d'une telle ampleur ne peut se faire en muselant tout le monde et en bâclant le travail.
J'invite les Québécois à se souvenir que le passé est garant de l'avenir : le dernier grand chambardement de structures est survenu en 2003, alors que Philippe Couillard était ministre de la Santé.
Les régies régionales devaient disparaître et on nous promettait mer et monde : le patient serait au cœur des décisions, il y aurait plus de proximité, plus d'efficience, de meilleurs services, moins de bureaucratie et, évidemment, on faisait miroiter d'importantes économies. Que s'est-il passé? Les régies sont devenues des agences, les CSSS sont apparus, les économies se sont volatilisées. Aujourd'hui, Gaétan Barrette fait les mêmes promesses à la population, mais en défaisant ce que Philippe Couillard avait fait.
Plutôt que de s'attaquer aux problèmes concrets du réseau, le ministre choisit de faire du spectacle, de ridiculiser, de caricaturer, de dénigrer, d'ignorer tous ceux qui ne pensent pas comme lui. Ce n'est pas en insultant les femmes, les jeunes, les médecins de famille et les médecins spécialistes que le ministre sert les intérêts de la population.
Dans son projet de loi, le ministre a choisi de créer des superstructures régionales au lieu d'accroître l'autonomie des établissements locaux.
Plusieurs questions demeurent sans réponses, tant sur l'administration de ces nouveaux établissements que sur l'organisation des soins et la dispensation des services médicaux. Pensons, entre autres, que certains établissements régionaux regrouperont des milliers de médecins, répartis dans plusieurs installations différentes, parfois séparées par des centaines de kilomètres.
À ce chapitre, il est impératif que les départements et services des hôpitaux conservent une représentativité locale favorisant l'engagement du personnel et des médecins dans leur milieu. Qu'en sera-t-il? Le ministre a oublié de se prononcer…
Dans son projet de loi, le ministre s'est accordé des pouvoirs et des responsabilités démesurés. Parlant de pouvoirs, nous en avons une belle démonstration aujourd'hui; ce bâillon n'était pas justifié. En plus, le ministre accorde au gouvernement un pouvoir politique presque illimité d'adopter des règlements sur toute mesure qu'il estime nécessaire ou utile à l'application de la loi ou à sa réalisation pour arriver à ses fins.
Le discours du ministre de la Santé est populiste et ne vise qu'à séduire les électeurs. Le discours des médecins est réaliste et vise à soigner les patients. Les gens qui travaillent dans le réseau de la Santé ne peuvent pas tous avoir tort! Nous, qui vivons dans ce réseau et qui tenons à la pérennité du système public, sommes en mesure de témoigner qu'il est déjà mal en point. Cette réforme pourrait l'achever.
À vouloir tout réécrire, M. Barrette, vous oubliez l'essentiel.
SOURCE Fédération des médecins spécialistes du Québec
Nicole Pelletier, ARP, Directrice des Affaires publiques et des Communications, Ligne média :514 350-5160
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