Audiences sur le projet d'interconnexion Québec - New-Hampshire - Les Innus de Pessamit manifestent leur opposition devant le BAPE
SHERBROOKE, QC, le 27 oct. 2016 /CNW Telbec/ - C'est preuves à l'appui que deux chefs innus ont démontré, lors d'une séance du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) tenue hier soir à Sherbrooke, que le projet d'interconnexion Québec - New-Hampshire va accentuer la destruction d'un cours d'eau emblématique sur la Côte-Nord, la rivière Betsiamites. Ils ont également soutenu qu'Hydro-Québec mentait au public concernant la préservation du saumon atlantique sur cette même rivière, et aussi quant au déplacement de familles innues de Pessamit lors de la mise en œuvre de projets hydroélectriques sur leur Nitassinan (territoire ancestral).
« Tout se passe comme si la Société d'État n'était pas assujettie aux lois fédérales et provinciales lorsqu'il est question d'accroître ses revenus, surtout quand il s'agit de le faire au détriment des Autochtones, » a affirmé le chef des Innus de Pessamit, M. René Simon. La mise en œuvre du projet d'interconnexion Québec - New- Hampshire impliquerait la contribution de centrales dites de pointe, utilisées pour répondre à des pics de demande de courte durée. La centrale Bersimis-2, située sur la Betsiamites, étant utilisée à cette fin, on peut s'attendre à ce que des exportations massives vers les États de la Nouvelle-Angleterre sanctionnent le maintien ou même l'accroissement du phénomène de dégradation de la rivière. Les deux chefs ont présenté au BAPE un mémoire bien étoffé faisant état de la mauvaise foi manifestée par Hydro-Québec dans ce dossier.
Mensonge!
La gestion hydraulique actuelle1 de la rivière Betsiamites a un impact dévastateur sur la productivité salmonicole. Et pourtant, Hydro-Québec affirmait dans un communiqué diffusé en Nouvelle Angleterre le 9 mars 2015, que : Le saumon atlantique n'a jamais été éliminé des rivières du Québec suite à l'implantation de projets hydroélectriques. (…) De plus, Hydro-Québec réduit les impacts sur les populations de poissons par une conception appropriée de ses installations de production et en contrôlant les variations de débit tout au long de l'année. Faux! La gestion hydraulique d'Hydro-Québec contribue à l'arrachement des œufs des frayères, au lessivage des alevins hors des sites d'alevinage et au colmatage des frayères par l'argile des berges mises à nue, en plus d'affecter directement le taux de survie des saumoneaux. Il en résulte une chute dramatique du nombre de saumons. Alors qu'on enregistrait entre 1940 et 1950, des captures de l'ordre de 1000 saumons par année, ce nombre a chuté de plus de la moitié dès la mise en place des barrages au début des années '60. Selon les critères du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs, le saumon de la rivière Betsiamites fait face à un risque d'extinction réel et, selon la courbe des tendances établie de 1948 à 2015, sa population pourrait entièrement disparaître dans un avenir immédiat. Il est clair que la performance du Canada, signifiée par la façon de faire d'Hydro-Québec sur la rivière Betsiamites va à l'encontre de ses engagements internationaux concernant le saumon2. La complaisance du Québec à cet égard est scandaleuse!3
Re-mensonge!
Dans une lettre publiée le 16 janvier 2016 dans le journal Concord Monitor du New-Hampshire, Hydro-Québec écrit : Le déplacement de populations autochtones dans le cadre de projets d'Hydro-Québec est un mythe. Hydro-Québec et les peuples aborigènes ont développé différents partenariats afin de procurer aux communautés des retombées économiques de ses projets (…). « Comment peut-on affirmer une telle chose, demande le chef de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador (APNQL), M. Ghislain Picard, alors qu'il a été clairement démontré que dès les années '50, le gouvernement exerçait des pressions afin de contraindre la sédentarisation des Pessamiu Ilnut (Innus de Pessamit)? » Ainsi, les familles qui amenaient leurs enfants sur le Nitassinan pour y pratiquer des activités traditionnelles, étaient privées d'allocations familiales. Et comme par hasard, c'est précisément à cette époque que furent mis en œuvre de nombreux mégaprojets hydroélectriques, tous complétés en 1978. Autre mensonge concernant cette fois les retombées économiques mentionnées dans la lettre d'Hydro-Québec au Concord Monitor : toutes les centrales mises en place sur le Nitassinan de Pessamit l'ont été sans étude d'impact, sans autorisation et sans compensation, ce qui contrevient à la Loi constitutionnelle de 1982. Dans le cadre du projet d'interconnexion QC-NH, Hydro-Québec compte donc exporter de l'électricité acquise inconstitutionnellement au détriment de Pessamit.
Les grands moyens
« Pessamit tente, depuis la seconde moitié du XIXe siècle, de faire respecter ses droits légitimes associés à la rivière Betsiamites, a conclu le chef Simon. Au cours des cinq dernières décennies, nous avons participé activement à tous les exercices démocratiques permettant de faire valoir nos droits : commissions parlementaires, mémoires au gouvernement du Québec, études scientifiques sur la précarité de la ressource saumon et audiences publiques comme celle-ci. Peine perdue : la mauvaise foi du Québec et d'Hydro-Québec aura toujours eu raison de nos efforts. Face à cette nouvelle menace que constitue le projet QC-NH et face à la complaisance séculaire du Québec, nous n'avons d'autre choix que d'entreprendre une action nationale et internationale afin de changer le cours de l'histoire. »
Précisions techniques et contextuelles
- Gestion hydraulique actuelle : la fréquence des variations de débit sont de 130 m3/s à 650 m3/s, jusqu'à sept fois par jour. Il en va de même pour les variations dans la vitesse des courants et des niveaux d'eau qui oscillent à répétition de 1,5 mètre dans une même journée, au gré de la demande énergétique.
- L'étude d'impact d'Hydro-Québec ne fait aucun cas de la Convention pour la conservation des saumons dans l'Atlantique Nord et de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, toutes deux ratifiées par le Canada en 2003. En matière de ressources biologiques, ces conventions sont fondées sur la pérennité d'exploitation, la protection et la restauration, et font appel à l'approche de précaution.
- Concernant le projet d'interconnexion QC-NH, on constate que la directive émise par le MDDELCC n'est qu'un modèle générique pour une ligne de 315 kv visant l'approvisionnement interne du Québec. On note de plus qu'elle est conçue selon la segmentation corporative d'Hydro-Québec, étant centrée sur les attributions administratives d'Hydro-Québec Transénergie, ce qui soustrait Hydro-Québec Production à toute analyse environnementale. C'est ainsi que le gouvernement contrevient à l'esprit de la Loi sur la qualité de l'environnement ainsi qu'à l'esprit de la Loi sur l'exportation de l'électricité, cette dernière prohibant clairement l'exportation d'électricité dans tout permis qui autorise l'installation d'une ligne de transmission, et stipulant tout aussi clairement que l'exportation d'électricité hors Québec est une mesure d'exception autorisée par décret de l'Assemblée Nationale seulement.
SOURCE CONSEIL DES INNUS DE PESSAMIT
Jack Picard, 418 445-0987, [email protected] ; Louis Archambault, 819 842-3333, [email protected]
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