Avis juridiques sur la charte de la laïcité - Le projet de charte reposait sur des bases juridiques solides; la ministre de la Justice essaie de brouiller les cartes
QUÉBEC, le 1er mai 2014 /CNW Telbec/ - Tout au long du processus d'élaboration qui a mené au dépôt du projet de charte de la laïcité par le gouvernement Marois, d'éminents juristes ont été consultés pour s'assurer que celui-ci repose sur des bases juridiques solides. Parmi eux, mentionnons Me Henri Brun, professeur à la Faculté de droit de l'Université Laval, l'honorable Claire L'Heureux‑Dubé, ancienne juge à la Cour suprême, et Me Julie Latour, ancienne bâtonnière du Barreau de Montréal.
La porte-parole de l'opposition officielle pour la charte de la laïcité et députée de Taschereau, Agnès Maltais, tient à rappeler que le projet de charte des valeurs est un choix de société qui relevait d'abord de la population québécoise et de ses représentants dûment élus. « Les élus de l'Assemblée nationale n'ont pu terminer leur travail sur la charte de la laïcité. Une fois ce travail législatif terminé, les tribunaux auraient ensuite pu faire leur travail, au besoin. Par ailleurs, le gouvernement du Parti Québécois a toujours été confiant de la solidité des assises juridiques de la charte. D'ailleurs, lors de la commission parlementaire, plusieurs juristes l'ont considérée constitutionnelle », a indiqué la députée.
À l'occasion du processus de consultation en commission parlementaire, Me Henri Brun déclarait, le 7 février 2014 : « Pour ce qui est de la validité, rapidement, nous croyons tous que le projet de loi n° 60 est valide, y compris en ce qui regarde son article 5, qui restreint le droit de porter des signes religieux dans certaines circonstances bien limitées. Cette conviction, nous la fondons sur l'évolution récente du droit constitutionnel, de la jurisprudence, et nous la fondons aussi sur l'évolution à venir, si je peux dire, du droit constitutionnel. L'état de la jurisprudence constitutionnelle, à un moment donné, ne peut pas et ne doit pas être considéré comme la fin de l'histoire, d'autant plus que ce dont traite le projet de loi n° 60 n'a jamais été soumis aux tribunaux. On est en matière nouvelle. Il ne faudrait pas, en tout cas, que ce débat, que le débat légaliste sur la validité en vienne à inhiber ou à brouiller le débat essentiel qui doit avoir lieu sur l'opportunité du projet de loi n° 60. »
« Faudra-t-il ou non utiliser la clause de dérogation expresse? Moi, ma réponse juridique, c'est non, poursuivait Me Henri Brun. Pour les raisons qu'on a mentionnées, nous croyons que ce projet de loi, dans son intégralité, est constitutionnel, est valide. Mais, devant tout ce qui est dit par ailleurs, on ne peut quand même pas se boucher les oreilles; je pense qu'il y aura aussi une décision de nature exclusivement politique et non plus juridique du tout, absolument politique et administrative, de dire : Allons-nous vivre avec 10 années de batailles judiciaires sur le même sujet? Et ça, ça pourrait gâcher cette paix qu'on anticipe. Mais là, il y a une décision politique, là, qui nous échappe. »
Toujours lors des consultations en commission parlementaire, l'ex-juge à la Cour suprême Claire L'Heureux‑Dubé ajoutait : « Ce débat juridique se réduit, à mon avis, essentiellement aux opinions divergentes des juristes sur l'interprétation par les tribunaux des limites aux libertés civiles garanties par les chartes. Certains, tels le Barreau et la Commission des droits de la personne, entre autres, s'appuient sur une interprétation large et expansive de ces libertés civiles par les juges, interprétation basée sur la croyance sincère uniquement, totalement subjective, d'une personne à l'effet que ses pratiques relèvent d'une obligation religieuse sans autres critères; les arrêts Amselem et Multani dont on a beaucoup discuté. Pour les Juristes pour la laïcité et la neutralité de l'État, dont je suis, cette interprétation large et totalement subjective est révolue depuis les arrêts subséquents à ces deux décisions dont nous faisons état dans notre mémoire. »
« Tous les employés de l'État sont sujets entre autres à des normes de loyauté et à des restrictions dans leur liberté d'expression politique, ce qui a été jugé valide d'ailleurs par les cours de justice, a‑t‑elle ajouté. En quoi une restriction similaire quant à leur liberté d'expression religieuse serait-elle différente? Et là, je réponds peut-être à quelqu'un qui a mis ça en doute en disant : Oui, restriction par rapport à un État laïc. Il faut toujours mettre ce paramètre-là. »
Enfin, rappelons que Roger Tassé, ancien sous-ministre de la Justice du gouvernement fédéral à l'époque de la rédaction de la Charte canadienne des droits et libertés, déclarait en entrevue en décembre 2013 : « Ici, de quoi parle-t-on? Nous parlons d'une prohibition qui en fin de compte est assez minime. […] D'après moi, contrairement à ce que certains ont dit, dont la Commission des droits de la personne du Québec, "c'est entendu que ce sera illégal", je ne suis pas convaincu de ça. Je pense qu'un argument pourrait être développé. [...] C'est pour ça que c'est important que le débat ait lieu au plan politique, que tous ceux qui ont des vues là-dessus puissent être entendus. Et qu'ensuite on tire les conclusions, et que le législateur décide de ce qu'il y aura dans la charte, et dans quelles conditions. Cela me paraît fondamental. »
(Source : http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/societe/2013/12/28/002-pere-charte-canadienne-droits-libertes-charte-valeur-quebecoise-laicite-roger-tasse.shtml)
La ministre de la Justice essaie de brouiller les cartes
Il existe une distinction entre des avis juridiques formels et les opinions juridiques recueillies tout au long du processus d'élaboration qui a mené à la rédaction de la charte de la laïcité. La confidentialité des avis juridiques formels du gouvernement est un principe fondamental.
« Les libéraux tentent de se cacher derrière un faux débat sur les avis juridiques formels par rapport aux opinions juridiques formelles pour dissimuler leur opposition à l'établissement au Québec d'une véritable laïcité. Comment assurer l'égalité entre les hommes et les femmes, garantir une véritable neutralité religieuse de l'État et encadrer les accommodements raisonnables, voilà le vrai débat que veulent les Québécois », a conclu Agnès Maltais.
SOURCE : Aile parlementaire du Parti Québécois
Sébastien Marcil, Attaché de presse, Aile parlementaire du Parti Québécois, 418 643-2301
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