Bilan d'une rentrée scolaire en contexte de pandémie : des élèves en difficulté laissés à eux-mêmes et des enseignants en détresse
MONTRÉAL, le 24 nov. 2020 /CNW Telbec/ - Des enseignants en détresse, des élèves ostracisés atteints de la COVID-19, d'autres qui n'ont pas accès à des orthopédagogues, de l'agressivité et un manque de motivation, le bilan de la rentrée scolaire en pleine pandémie s'avère inquiétant. Certaines conclusions préoccupantes seront présentées, le 24 novembre prochain, lors d'un colloque de la Fondation Jasmin Roy Sophie Desmarais, en collaboration avec le Comité québécois pour les jeunes en difficulté de comportement (CQJDC), sous l'égide de la Commission canadienne de l'UNESCO.
La rentrée 2020-2021 s'est déroulée dans un contexte exceptionnel. Malgré les consignes de la Direction de la santé publique, l'arrivée de la deuxième vague a forcé les autorités à s'adapter. Des classes ou écoles ont été fermées en alternance. Des jeunes du secondaire ont dû assister à leurs cours un jour sur deux par visioconférence.
Constats inquiétants
« Certaines données des chercheurs restent encore préliminaires, mais la situation est différente du printemps dernier. En mai et juin, la pandémie aurait eu un effet négatif sur les relations, les besoins scolaires et sociaux et la concentration des élèves, constate Jasmin Roy, président et fondateur de la Fondation. Cet impact est parfois lié à l'enseignement à distance. Cela peut s'expliquer par le manque de contact direct. Les professeurs disent que l'engagement actif des élèves leur a paru plus passif au retour du confinement. Est-ce que l'absence d'évaluation pourrait expliquer ce désengagement ? La question se pose », ajoute-t-il.
Les élèves en difficulté sont particulièrement touchés. Les parents ont déclaré à certains chercheurs qu'ils n'ont pas eu de suivis en orthopédagogie ou de soutien pendant le confinement et à la rentrée. Plusieurs se trouvaient en situation d'échec, mais ils ont été promus pour respecter les bulles-classes. Ils se retrouvent donc avec un écart encore plus grand par rapport à leurs pairs.
« Les enseignants nous disent que les élèves sont heureux à l'école et qu'ils respectent les consignes pour y passer plus de temps », affirme Anne Lessard, enseignante aux Études en adaptation scolaire et sociale, à l'Université de Sherbrooke. Les étudiants sont plus engagés quand ils viennent à l'école. Même constat pour les enseignants. Ils sont peu motivés et ne se sentent pas particulièrement compétents pour enseigner en ligne. Certains d'entre eux observent même une baisse de la moyenne générale dans certaines matières. »
Nouvelle réalité
Dans le but de bien répondre aux besoins de jeunes, les enseignants ont élargi leurs façons de communiquer, incluant des SMS, des visites sans contact à domicile, des courriels et des appels vocaux. Cette nouvelle réalité affecte le temps de travail et la vie privée des enseignants. Les contraintes logistiques de l'éducation hybride impliquent les changements de locaux. Les professeurs doivent enseigner l'utilisation des outils technologiques plutôt que leur matière, sans pour autant être compétents.
« Les derniers mois ont été imprégnés d'inconnu et ont demandé beaucoup d'adaptation, tant pour les jeunes que pour le personnel enseignant, les intervenants et les parents mentionne Joudie Dubois, directrice générale du CQJDC. Toute cette nouvelle réalité influence certainement le bien-être de tous ».
« L'augmentation de l'agressivité chez les élèves est aussi palpable. Les enseignants ont identifié les sources de ce problème. Par exemple, en étant confinés dans leur classe, ils ne peuvent évacuer leur énergie. De plus, l'usage accru des appareils mobiles et le temps passé sur les réseaux sociaux lors du confinement ont contribué à développer un nouveau phénomène : celui des disputes qui débutent sur les réseaux pour se poursuivre en classe », explique Anne Lessard.
Les experts craignent que les mesures de confinement affectent la santé mentale des jeunes. La détresse psychologique et les symptômes d'anxiété des élèves ont bondi au cours des derniers mois. Les analyses statistiques révèlent, entre autres, qu'entre avril et juin 2020, la majorité des enfants ont semblé s'adapter au contexte de pandémie (65,8 %). Durant le confinement, les garçons ont présenté plus de difficultés d'attention et de comportements agressifs que les filles.
« Cette période particulière et inhabituelle qui perdure depuis plusieurs mois nécessite que nous nous attardions aux problématiques qui s'avèrent désormais de véritables enjeux majeurs de notre société précise Julie Beaulieu, présidente du CQJDC. Tous ces défis sociaux, éducatifs et psychologiques découlant de ces mois pandémiques ajoutent ainsi une pression indue sur les différents acteurs faisant œuvre d'éducation auprès des jeunes. Tant les chercheurs que les décideurs doivent tendre la main à tous ceux et celles qui se dévouent quotidiennement pour limiter les impacts sur le futur de ces jeunes. Nous nous devons de supporter et d'appuyer concrètement le personnel enseignant, les intervenants et les parents dans toutes ces actions visant à fournir à ces jeunes ainsi qu'à ces acteurs le contexte éducatif, social, familial et psychologique le plus favorable possible. Il importe désormais de reconstruire leur avenir, notre avenir ».
Mesures urgentes à mettre en place par le gouvernement
Identifier les enfants et les adolescents avec le plus de besoins permettra de bien diriger les ressources disponibles dans les écoles et les communautés, mais il faut aussi appuyer le gouvernement dans les choix sur la répartition des montants annoncés en santé mentale.
À cause de son rôle de protection et de ses missions (socialisation, soutien aux familles, aide alimentaire, services divers), garder les écoles ouvertes est nécessaire. Dans le cas où la situation venait à empirer, il serait pertinent de suivre les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) en ouvrant les écoles des demi-journées en alternance à des groupes réduits de moitié.
Suivant les impacts du printemps et des mesures en place depuis la rentrée, il faut réévaluer les élèves à risque. La liste dressée avant la pandémie ne correspond plus aux besoins d'aujourd'hui. Il importe de soutenir les familles avec les services qui sont normalement offerts à l'école.
Le sport et les activités physiques extérieures présentent des occasions sanitaires et pédagogiques qu'il convient de ne pas négliger dans l'établissement des priorités.
Des données d'une étude canadienne montrent que les enseignants sont stressés et fatigués et que ce stress risque de se transmettre aux élèves. Il est nécessaire de les soutenir, et de mettre en place des initiatives d'appui au bien-être des enseignants.
La Fondation Jasmin Roy Sophie Desmarais
Créée en 2010, la Fondation Jasmin Roy Sophie Desmarais est à la fois un organisme de bienfaisance et un organisme communautaire dont la mission consiste à créer des milieux positifs et bienveillants en cohérence avec les objectifs (SDG) fixés par les Nations Unies. L'équipe de la Fondation a le mandat de sensibiliser, d'éduquer, de soutenir et de contribuer à la recherche de solutions durables aux problèmes de violence, de discrimination et d'intimidation dans tous les milieux de vie, qu'il s'agisse des milieux éducatifs, des milieux de travail ainsi que de tous les environnements dans lesquels évoluent nos aînés. La mise en place de saines habitudes de vie émotionnelles et relationnelles est au cœur de son approche, qui a pour but de favoriser l'inclusion de tous et de prévenir les problèmes de santé mentale, et ce, tant au Canada que partout ailleurs dans le monde. Jasmin Roy et Sophie Desmarais, marraine de la Fondation, sont désormais enregistrés auprès des Nations Unies comme représentants de la société civile ECOSOC.
Le Comité québécois pour les jeunes en difficulté de comportement (CQJDC)
Fondé en 1994, le CQJDC est un organisme de bienfaisance et communautaire qui a pour mission de favoriser le bien-être des jeunes qui vivent des difficultés d'ordre social, émotif et comportemental, et de faire progresser la qualité des services éducatifs qui leur sont offerts. Les objectifs du CQJDC sont d'informer, de sensibiliser et d'outiller les intervenants qui œuvrent auprès des jeunes qui vivent des difficultés d'ordre social, émotif et comportemental, de soutenir les actions pour aider ces jeunes à mieux s'adapter à leur vie sociale et scolaire, de promouvoir la recherche et d'encourager le transfert des connaissances de pointe notamment celles concernant les pratiques efficaces auprès de ces jeunes, de favoriser les échanges et la collaboration entre chercheurs et praticiens des milieux scolaires, de la santé et des services sociaux et d'agir auprès des autorités concernées afin de défendre la qualité des services éducatifs auxquels ces jeunes ont droit et d'en favoriser le développement.
SOURCE Fondation Jasmin Roy
Raphaël Rochette, [email protected], +1 514-923-9092
Partager cet article