Blocus d'opérations forestières : la nation atikamekw exige le respect de ses droits
NITASKINAN, QC, le 26 juin 2012 /CNW Telbec/ - Lasse d'être invisible et ignorée, la nation atikamekw amorce aujourd'hui une campagne visant la reconnaissance pleine et entière de son statut de peuple distinct, possédant notamment des droits ancestraux, dont un titre aborigène sur son territoire ancestral, le Nitaskinan. Les premières actions de cette campagne seront le blocage d'opérations forestières et du transport de bois en Haute- Mauricie. « C'est fini le temps où on pouvait exploiter notre territoire au détriment de nos droits. Dorénavant, le développement des ressources naturelles sur notre territoire ancestral doit se faire avec notre consentement et notre participation », a déclaré le Chef d'Opitciwan, Christian Awashish.
Les Atikamekw, avec le soutien de leurs autorités politiques, amorcent ainsi diverses actions de blocage, visant principalement l'entreprise Kruger, dont les activités s'effectuent sans le consentement des Atikamekw, ni même une réelle consultation préalable. Les premières opérations s'effectueront en forêt, afin d'y bloquer les coupes ainsi que l'extraction de la ressource forestière. Les Atikamekw de Wemotaci bloqueront également la voie ferrée du CN qui traverse leur communauté et qui sert notamment au transport des arbres coupés vers la scierie de Parent et vers Trois-Rivières. Si les Chefs atikamekw n'obtiennent pas les réponses attendues de la part de l'entreprise et du gouvernement du Québec, ils entendent accroître ces mesures qui prendront la forme d'un blocus routier, visant le transport de la ressource forestière. « Face à l'intransigeance de l'entreprise et au laxisme du gouvernement québécois à répondre à nos demandes légitimes, nous n'avons pas d'autres choix que de prendre de telles mesures », précise le Chef de Wemotaci, David Boivin. « Ce n'est pas de gaité de coeur que nous posons ce geste mais par nécessité, précise le Chef de Manawan, Paul-Émile Ottawa. Pendant que nos besoins augmentent, les gouvernements coupent dans le financement de nos programmes et nous imposent de plus en plus de limites. Plutôt que de nous aider, les gouvernements nuisent à notre développement. »
Les Chefs atikamekw expliquent que leur population n'accepte plus de voir tous les projets d'exploitation des ressources naturelles réalisés sans égard à leurs droits, pourtant reconnus en droit constitutionnel canadien, en droit international, ainsi que dans le cadre de la négociation territoriale qui perdure depuis plus de 33 ans. Tout récemment encore, le ministre des Ressources naturelles et de la Faune, Clément Gignac, a permis que soit rapatrié au bénéfice de Kruger l'ensemble des volumes de coupe vacants depuis la fermeture de la Scierie Gérard Crête et Fils de St-Séverin, sans même consulter les communautés atikamekw. « Ma communauté subit depuis plus de 100 ans des préjudices sociaux sur son territoire, et ce, sans aucune compensation, ni dédommagement », explique le Chef Awashish, rappelant que sa communauté a subi une première inondation en 1920, et une deuxième dans les années 1940, pour la création du réservoir Gouin. La communauté a été déplacée à deux reprises. « Nos territoires ont fait l'objet d'acquisition par des intérêts privés. Aucun bénéfice à ce jour pour les Atikamekw. Ça suffit!! », soutient le Chef Awashish.
Rappelons qu'un volume de 268 500 m³ a été récemment libéré par la fermeture de la Scierie de St- Séverin. Dès l'annonce de cette fermeture, le Conseil d'Opitciwan a manifesté son intérêt de récupérer ce volume afin d'alimenter sa scierie qui emploie présentement 130 personnes. « Avec ce volume additionnel, on pourrait créer beaucoup plus d'emplois, explique le Chef. Nous avons présentement 500 jeunes qui se tournent les pouces et qui ne demanderaient pas mieux que de travailler. Nous avons besoin de ce bois, pour notre développement, pour nos jeunes et pour notre avenir. »
Les Chefs déplorent tout particulièrement le manque de cohérence entre les actions gouvernementales sur le territoire et les propositions faisant l'objet de négociation territoriale entre la Nation Atikamekw, le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada. « La négociation territoriale, ce n'est pas un permis de bafouer nos droits. Pendant qu'on négocie, il faut tenir compte des droits et des dispositions du futur traité », a déclaré le Chef Boivin. Plusieurs décisions de la Cour suprême du Canada stipulent d'ailleurs que les gouvernements ont une obligation particulière de consulter et d'accommoder les groupes autochtones qui sont en négociation territoriale, affirmant que son contenu variait selon les circonstances : de la simple « obligation de discuter des décisions importantes (…) lorsque le manquement est moins grave ou relativement mineur », en passant par l'obligation nécessitant « beaucoup plus qu'une simple consultation » qui s'impose « [d]ans la plupart des cas », jusqu'à la nécessité d'obtenir le « consentement [de la] nation autochtone » sur les questions très importantes. « Pour nous, il est clair que l'exploitation des ressources forestières sur notre territoire nécessite notre consentement », affirme Christian Awashish.
Une « Paix des Braves » Atikamekw
Les Atikamekw poursuivront leurs actions tant et aussi longtemps que leurs demandes ne feront pas l'objet de réponses. Ces demandes consistent essentiellement à :
- création d'une relation de nation à nation ;
- établissement d'une formule de cogestion du territoire ;
- mise en place de mécanismes permettant aux communautés atikamekw de tirer profits des activités d'exploitation du territoire.
En somme, les Atikamekw demandent la négociation d'une entente semblable à celle de la « Paix des Braves » conclue avec la nation Crie. Ce type d'entente politique et économique peut être conclue indépendamment des négociations territoriales visant la conclusion d'un traité. « Nous ne sommes pas contre le développement, au contraire. Nous voulons faire partie de ce développement, d'une manière qui reconnaît notre statut de nation distincte et nos droits sur ces territoires », ajoute le Chef Ottawa.
Les actions annoncées aujourd'hui sont aussi conformes à la Déclaration de l'ONU sur les droits des peuples autochtones, qui reconnaît notamment le droit au « consentement libre et éclairé » des peuples autochtones affectés par des activités d'extraction sur leur territoire. Elles seront menées de manière pacifique et ordonnée. « Nous demandons le respect intégral de nos droits inhérents, reconnus en droit canadien et en droit international. Concrètement, nous voulons notamment conserver l'accès, sans entrave, à nos territoires ancestraux, favoriser l'harmonisation des opérations forestières et de nos activités traditionnelles, retirer des bénéfices de l'exploitation des ressources, ainsi que devenir des partenaires du développement, ce qui nous permettra de développer notre économie et mettre fin à nos situations chroniques de pauvreté », a conclu le Chef Boivin.
À propos de Manawan, d'Opitciwan et de Wemotaci
Située dans la partie nord de la région de Lanaudière, Manawan compte 2400 personnes. Sa gouvernance est assurée par le Conseil des Atikamekw de Manawan. Située au nord du Réservoir Gouin, à 300 km à l'ouest de Roberval, la communauté d'Opitciwan compte 2592 membres, dont 2169 vivant sur la réserve, et est administrée par le Conseil des Atikamekw d'Opitciwan. La communauté de Wemotaci est située sur les bords de la rivière Saint-Maurice, compte quelque 1700 membres, et est administrée par le Conseil des Atikamekw de Wemotaci. Le Peuple Atikamekw occupe le Nitaskinan depuis des millénaires.
AVIS AUX MÉDIAS : Un point de presse sera tenu par les Chefs Atikamekw devant l'usine de Kruger, située à Parent, 201 Chemin de la scierie, mardi, 26 juin, à 10h30.
Source :
Éric Cardinal
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Suzanne Bourdon
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