Crise étudiante - L'INM se prononce : Créer une commission indépendante sur le financement des universités et l'accès à l'éducation supérieure
MONTRÉAL, le 27 mai 2012 /CNW Telbec/ - Pour sortir de l'impasse de la crise étudiante, le gouvernement et les associations étudiantes n'ont plus le choix que d'accepter de remettre au jeu leurs positions respectives sur la hausse des frais de scolarité dans le cadre d'une commission indépendante de consultation sur le financement des universités et l'accès à l'éducation supérieure. La fin de la grève et l'abrogation de la loi 78, sauf pour les dispositions relatives à la refonte du calendrier, sont des conditions préalables à le reprise du dialogue.
Voilà l'essentiel d'une proposition exprimée aujourd'hui par l'Institut du Nouveau Monde (INM) s'appuyant sur son expertise en participation citoyenne et sur sa connaissance particulière des jeunes Québécois. Le texte est disponible sur le site Web de l'INM : www.inm.qc.ca
Dans une lettre ouverte diffusée partout aujourd'hui au Québec, l'INM, sous la plume de son directeur général Michel Venne, observe que l'impasse dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui découle essentiellement du refus de reconnaître un rôle à la participation citoyenne, notamment celle des jeunes, dans le processus menant à une décision publique. « C'est à partir du moment où l'on a fait la sourde oreille aux étudiants, qui jouissaient alors d'un appui massif, même s'il n'a jamais été unanime ni même majoritaire, que le conflit s'est enlisé, remarque Michel Venne. La contestation s'est par la suite étendue et s'est cristallisée lorsque la Loi 78 a été adoptée et que des mesures restreignant l'expression par des citoyens de leur désaccord ont été promulguées.
« L'Institut du Nouveau Monde est une organisation non partisane qui fait la promotion de la participation des citoyens à la vie démocratique. L'INM ne prend pas position sur les enjeux d'actualité. Il s'est d'ailleurs gardé de le faire sur les droits de scolarité. Nous intervenons maintenant parce que le débat public a glissé de la question universitaire à celle de l'exercice de notre démocratie », explique Michel Venne.
La résolution du conflit passe donc par une solution qui fait place à la participation et, de ce fait, la canalise. Elle passe par un retour au débat de fond, dans le cadre d'un mécanisme ouvert et participatif, portant sur l'enjeu initial.
La négociation bilatérale n'est pas la solution
Le financement des universités et l'accès à l'éducation relèvent de choix de société qui concernent tout le monde. Cette question de fond ne peut être réglée dans le cadre d'une négociation à huis clos de type syndical entre l'État et une seule partie prenante, soutient le directeur général de l'INM.
C'est pourquoi l'INM ne croit pas que la négociation bilatérale entre le gouvernement et les étudiants sur l'objet même du conflit soit la meilleure solution, ni même une médiation entre ces deux seules parties. « En outre, décider d'une politique sur un coin de table, au milieu d'une nuit de négociation tendue, en s'appuyant sur des sondages, n'est vraiment pas la meilleure façon de prendre une décision politique », ajoute Michel Venne .
Les chances réelles de succès de tels pourparlers dans les circonstances ne sont pas évidentes. La marge de manœuvre des parties s'est considérablement rétrécie.
Une démarche participative indépendante
Selon le directeur général de l'INM, il y a au moins un consensus sur lequel peut redémarrer la discussion : l'importance de financer convenablement nos universités tout en protégeant, voire en améliorant, l'accès aux études supérieures. « C'est là qu'il faut retourner, écrit-il. Ceux qui affirment que ce débat a déjà été fait, ou qu'il a assez duré, n'ont d'autre choix maintenant que d'admettre qu'il n'est pas terminé. »
La commission sur le financement des universités et l'accès à l'éducation supérieure, présidée par une personnalité reconnue pour ses compétences et son indépendance, se verrait confier les moyens et le temps nécessaires pour élaborer une solution qui susciterait la plus large adhésion possible. « Ni le gouvernement ni les associations étudiantes ne renonceraient à leurs positions respectives, explique Michel Venne. Les parties accepteraient simplement de renvoyer à cette commisssion le soin d'examiner l'ensemble des scénarios, y compris les leurs. » Il va de soi qu'entre-temps, la hausse annoncée serait suspendue.
Cette démarche reposerait d'abord sur l'information et la connaissance. Depuis trois mois, les citoyens ont eu accès à beaucoup d'information, et à un grand nombre d'opinions sur l'enjeu initial du conflit. Les gens sont ainsi sans doute mieux équipés pour participer au débat public. Mais dans le flot médiatique se sont glissés aussi beaucoup de préjugés, de désinformation, de vérités proclamées sans être appuyées sur des données probantes. Il faut commencer par faire le ménage dans les faits.
L'étape suivante consiste à débattre des questions fondamentales, des valeurs et des objectifs poursuivis par les moyens qui sont proposés pour les atteindre. Cette délibération doit se faire dans un contexte ouvert mais balisé, serein et réfléchi. Non seulement les étudiants, les recteurs, les directions de collèges, les syndicats auront leur mot à dire, mais les citoyens, les groupes, les experts, seront invités à participer à des forums, en personne et sur le Web, à des conférences, à des audiences publiques.
Avant de conclure, la commission produirait un rapport contenant des recommandations issues des recherches et des discussions préalables. Chacun pourrait se prononcer sur leur contenu, avant qu'une version finale soit déposée auprès de l'Assemblée nationale.
L'appui des partis à l'Assemblée nationale
La conflit a duré si longtemps et a soulevé tant d'enjeux importants que son dénouement ne peut se résoudre uniquement entre les étudiants et le gouvernement. Il serait opportun, souligne Michel Venne, que l'accord conclu soit entériné par l'Assemblée nationale. « La création de la commission indépendante pourrait faire l'objet d'une loi, la mettant ainsi à l'abri du déclenchement des élections, écrit-il. L'adhésion de tous les partis représentés à l'Assemblée nationale à cette initiative rassurerait tout le monde quant à sa continuité. »
Cette solution aurait pour effet de faire tomber les deux principales raisons qui motivent les manifestations récurrentes. Elle faciliterait le retour en classe en août prochain et ramènerait sûrement un peu de quiétude au centre-ville de Montréal. Si, au long du conflit, d'autres motifs de contestation se sont fait jour et ont mobilisé des citoyens contre le gouvernement, eh bien ces récriminations s'exprimeront désormais en leur propre nom et les prochaines élections donneront à tous l'occasion de faire leur choix.
La consultation est pourtant au cœur des politiques du gouvernement
Le gouvernement du Québec a déjà intégré dans plusieurs de ses lois ou projets de loi récents des obligations de consulter la population et les parties concernées : la Loi sur le développement durable, le projet de loi sur l'aménagement durable et l'urbanisme, la nouvelle loi sur les mines, la Loi sur la santé et les services sociaux. C'est à la suite d'une démarche de consultation élargie et itinérante qu'une commission parlementaire vient d'accoucher d'une position commune sur le droit de mourir dans la dignité.
Le gouvernement a aussi adopté une Stratégie d'action jeunesse qui reconnaît sans réserve la participation citoyenne des jeunes comme une condition du développement.
Dans ce contexte, « il est d'autant plus malheureux que, durant les 100 derniers jours, tant de commentateurs aient discrédité la participation citoyenne des étudiants affirmant que leur place était en classe et pas ailleurs, déplore le directeur général de l'INM. Dans les médias, combien de gens ont recommandé au gouvernement de tenir la dragée haute à ces jeunes, qualifiés d'enfants rois, qui, aux yeux de certains, faisaient un power trip ou avaient le malheur de "déranger" le confort ordinaire ».
Reconnaître la participation citoyenne des jeunes
Le printemps québécois « a fait apparaître au grand jour la confiance que les jeunes ont en eux-mêmes, insiste M. Venne. La persévérance dont ils sont capables. L'assurance avec laquelle ils s'expriment. Le sérieux avec lequel ils ont construit et défendu une argumentation au soutien de leur cause ou à l'encontre de cette cause. La détermination avec laquelle ils ont revendiqué leur place dans la vie démocratique, dans un camp comme dans l'autre.
« Ces jeunes-là détruisent le mythe du jeune cynique, désabusé et fermé aux enjeux politiques, ajoute le directeur général de l'INM. Ils nous ont donné une leçon. Ils nous ont réveillés. J'inclus dans ce groupe les jeunes portant le carré rouge autant que ceux qui, portant le carré vert, ou pas de carré du tout, ont eux aussi participé au débat en affirmant leur appui à la position gouvernementale ou en battant, en assemblées générales, des votes de grève. Rouges, verts ou autres, tous les jeunes qui ont mené ce débat entre eux et qui nous y ont invités, méritent notre considération.
« Déjà, aux dernières élections, moins d'un jeune sur deux s'est prévalu de son droit de vote, souligne Michel Venne. Ceux-ci iront voter s'ils sont reconnus, si on leur donne confiance dans nos institutions et dans nos organisations, si on leur fait la place qui leur revient sans les infantiliser. Bref, si on les repecte et qu'on les invite à la table comme les autres, sur les questions de politique publique comme sur le reste. Quelle société a besoin d'une jeunesse dépolitisée? »
En résumé
Si dans ses lois et ses stratégies, le gouvernement reconnaît le bien-fondé de la participation publique et de la participation citoyenne des jeunes, pourquoi ne pas simplement mettre en pratique ces principes? « Notre recommandation va dans ce sens, conclut le directeur général de l'INM. Elle consiste d'abord à reconnaître que la grève étudiante a agi comme un révélateur que le débat de fond sur le financement des universités et sur l'accès à l'éducation supérieure n'est pas terminé. Ensuite, à accepter le principe que la participation publique complète et renforce la démocratie représentative. Elle n'y est pas opposée, elle en est le corrolaire dans une société moderne. Enfin, que l'avenir de nos universités est un enjeu crucial qui concerne tout le monde et que le débat à ce sujet doit être fait de manière ouverte et inclusive, dans un cadre qui respecte les meilleures pratiques et offre la possibilité de bâtir une solution qui suscitera une meilleure adhésion. »
Source : Institut du Nouveau Monde
Relations médias : Roch Bilodeau - 1 855 347-7622 - [email protected]
Partager cet article