DÉCARBONER L'ÉCONOMIE ET CRÉER DE LA RICHESSE MISSION POSSIBLE POUR LE QUÉBEC ?
MONTRÉAL, le 12 juin 2024 /CNW/ - On vante souvent la bonne performance environnementale du Québec en soulignant que ses habitants y émettent moins de gaz à effet de serre (GES) que dans les juridictions voisines. Mais cet avantage pourrait bien disparaître si le Québec tente de créer de la richesse sans changer ses façons de faire. C'est ce que révèle un rapport publié aujourd'hui par l'Institut du Québec, premier d'une série d'analyses réalisées dans le cadre d'un vaste de projet de recherche soutenu par Environnement et Changement climatique Canada et ayant pour objectif de fournir une information nouvelle et stratégique pour parvenir à la carboneutralité au Québec, tout en préservant le niveau de vie de ses citoyens.
« Notre analyse révèle que rattraper l'écart de richesse avec l'Ontario comme le vise actuellement le gouvernement du Québec engendrerait une hausse des émissions de GES au Québec car étonnamment, notre économie émet la même quantité de GES par dollar de PIB que son voisin », déclare Emna Braham, directrice générale de l'Institut du Québec et coautrice de l'étude. Si le gouvernement québécois veut à la fois répondre aux objectifs environnementaux et économiques qu'il s'est fixés, il lui faudra réviser en profondeur ses politiques publiques. »
À ce chapitre, rappelons qu'au cours des dernières années, le Québec s'est doté de deux politiques particulièrement ambitieuses : la Vision économique du Québec qui a pour objectif d'éliminer l'écart de richesse avec l'Ontario et le Plan pour une économie verte qui cherche à réduire de 37,5 % les émissions de GES du Québec d'ici 2030 et d'atteindre la carboneutralité d'ici 2050.
Considérés individuellement, ces objectifs représentent déjà un défi d'envergure et les dernières données disponibles indiquent que le Québec n'est pas en voie de les réaliser. Toutefois, le présent rapport nous apprend que les atteindre conjointement représente un tour de force car il faudra à la fois réduire les émissions de GES que génèrent les activités économiques actuelles et limiter les émissions engendrées par la croissance économique future.
Pour apporter plus de cohérence à leurs politiques, les décideurs devront donc recourir à de nouveaux outils qui offrent une meilleure vue d'ensemble en intégrant à la fois la performance économique et environnementale. Par la présente étude, l'IDQ propose de recourir à l'intensité carbone du Québec, un indicateur encore peu utilisé qui mesure la quantité d'émissions de GES pour chaque million de dollars de PIB.
« Si l'intensité carbone de l'économie québécoise a diminué de moitié entre 1990 et 2021, cette baisse a été plus rapide en Ontario, explique Luc Belzile, économiste principal et coauteur de l'étude. Si bien que la province voisine, qui affichait auparavant une économie plus intense en carbone, est désormais à égalité avec le Québec à ce chapitre. »
Par conséquent, pour réaliser à la fois ses objectifs de création de richesse et de décarbonation, le Québec devra accélérer la cadence et abaisser son intensité carbone de 42 % d'ici 2030. Il s'agit d'un défi considérable puisque si la tendance récente se poursuivait, une baisse de 16 % seulement serait accomplie. Précisons également que les efforts de réduction de l'intensité carbone sont plus difficiles et coûteux à fournir au fur et à mesure que l'on approche des dernières tonnes de GES à éliminer.
L'intensité carbone d'une économie peut s'atténuer lorsque des industries moins efficaces cèdent leur place à des secteurs plus performants. C'est d'ailleurs ce qui s'est produit au cours des dernières décennies lorsque les services (commerce, finance, culture, etc.) ont peu à peu remplacé la production de biens. Mais l'intensité carbone peut également diminuer lorsque les industries déjà en place performent mieux tant du point de vue économique qu'environnemental.
Dans cette perspective, l'IDQ a effectué, grâce à un traitement inédit des données économiques et environnementales, une analyse sectorielle qui révèle des disparités fort intéressantes. Alors que plusieurs industries québécoises ont vu leur intensité carbone diminuer, peu d'entre elles ont réussi à se développer tout en réduisant leurs émissions de GES.
Le commerce de gros et la fabrication font partie des industries qui ont le mieux performé avec une baisse satisfaisante de leur intensité carbone pour permettre à la fois une croissance économique et une réduction de leurs émissions de GES.
Toutefois, la réduction de l'intensité carbone s'est avérée insuffisante pour les industries des cultures agricoles et de l'élevage, de la construction, de la première transformation des métaux (qui inclut principalement l'aluminium) et du transport par camion. La croissance de leur activité économique a plutôt entrainé une hausse des émissions de GES.
Par ailleurs, d'autres industries ont, quant à elles, carrément enregistré une augmentation de leur intensité carbone, c'est le cas de l'extraction minière, du ciment et béton, et de la fabrication de matériel de transport. Pour chaque dollar de PIB réalisé dans ces industries, les émissions de GES ont été plus élevées en 2021 qu'en 2009.
« À la lumière de ces constats, une évidence s'impose : pour assurer plus de cohérence entre les politiques économiques et environnementales, il faudra utiliser de nouvelles lunettes pour évaluer nos politiques industrielles, conclut Emna Braham. L'intensité carbone mesurée et analysée par industrie grâce à la présente étude pourra outiller les décideurs dans le développement, voire le redéploiement lorsque nécessaire, des secteurs économiques. »
Pour en savoir plus
Téléchargez le rapport: Créer de la richesse tout en décarbonant le Québec : mission possible ?
L'Institut du Québec est un organisme à but non lucratif qui axe ses recherches et ses études sur les enjeux socioéconomiques auxquels le Québec fait face. Il vise à fournir aux autorités publiques et au secteur privé les outils nécessaires pour prendre des décisions éclairées, et ainsi contribuer à bâtir une société plus dynamique, compétitive et prospère.
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Soutenu financièrement par le Fonds d'action et de sensibilisation pour le climat du gouvernement du Canada, l'Institut du Québec a entrepris, en collaboration avec Delorme Lajoie Consultation et Dunsky Énergie + Climat, un vaste projet de recherche visant à développer et à diffuser de l'information socioéconomique nouvelle et opérationnelle afin de favoriser les trajectoires vers la carboneutralité. Ces travaux ont pour objectif d'appuyer les parties prenantes dans la définition et la révision des politiques publiques qui influencent ces trajectoires. Tout au long du projet, l'équipe de recherche est accompagnée par un comité consultatif multidisciplinaire présidé par Paul Lanoie, ancien commissaire au développement durable du Québec du Vérificateur général du Québec.
SOURCE Institut du Québec
Source : Liette D'Amours, Responsable des relations avec les médias, 514 649-2347, [email protected]
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