QUÉBEC, le 9 nov. 2022 /CNW Telbec/ - Le Bureau du coroner annonce le dépôt du rapport d'enquête de la coroner Kamel sur le décès de M. Riley Fairholm, survenu le 25 juillet 2018 à la suite d'une intervention policière au Lac-Brome. Cette enquête publique avait été ordonnée le 31 mars 2021 par la coroner en chef du Québec, Me Pascale Descary. Me Kamel était assistée de Me Julie Roberge, procureure aux enquêtes publiques, elle-même assistée de son collègue Me Dave Kimpton.
Riley Fairholm était un adolescent de 17 ans. Le 25 juillet 2018, à 1 h 21, un appel est fait au 911 concernant un homme armé, blanc, ne mesurant pas plus de 6 pieds, dodu, vêtu de noir et portant un sac à dos. On rapporte qu'il crie, qu'il est seul, à pied, se dirigeant vers Cowansville, sur le chemin Knowlton au Lac-Brome. On apprendra plus tard que l'appelant est Riley.
Pour répondre à l'appel d'urgence, trois autopatrouilles et six policiers se rendent sur les lieux. Riley est localisé vers 1 h 43 alors qu'il se trouve sur le chemin Knowlton près de la rue Victoria, dans le stationnement d'un restaurant désaffecté. Les policiers constatent que Riley est effectivement muni d'une arme à feu. Les policiers tentent de communiquer avec lui pendant environ une minute et lui demandent de lâcher son arme de manière répétée. Riley n'obtempère pas, il est en crise et agite son arme dans tous les sens, entre autres en direction des policiers. Les six policiers sur place sortent leur arme. Un policier mire Riley, barricadé derrière son autopatrouille. Vers 1 h 44, il fait feu une fois, atteignant Riley. Aucune manœuvre de réanimation ne sera effectuée par les policiers en attendant l'arrivée des ambulanciers. Il est transporté à l'Hôpital Brome-Missisquoi-Perkins, où son décès est constaté par un médecin. L'arme de Riley s'avèrera être un pistolet à air comprimé, information qui ne sera connue des policiers qu'après le tir.
M. Riley Fairholm est décédé des suites d'une hémorragie secondaire au passage d'un projectile d'arme à feu. Il s'agit d'une mort violente.
La sphère médicale
En mai 2015, Riley présente des symptômes de dépression. Son médecin de famille transmet une demande pour que le jeune homme obtienne des services en santé mentale jeunesse. La décision du Centre de santé et de services sociaux de la Haute-Yamaska est de faire préalablement évaluer Riley par un psychologue et de le référer à un psychiatre, si besoin est. Ne pouvant poser de diagnostic précis dès la première évaluation, la psychologue a recommandé de suivre Riley sur une plus longue période pour poursuivre son évaluation, ce qu'elle fera entre 2015 et 2016. Elle s'inquiète cependant de la présence d'un trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité (TDAH) et demande que cette évaluation se fasse en milieu scolaire par un psychologue de l'école. Cette évaluation ne sera pas faite à l'école. Le 25 septembre 2015, après trois rencontres avec Riley, la psychologue soumet son rapport d'évaluation neuropsychologique au médecin de famille. À la suite de la remise de ce rapport, la psychologue rencontrera Riley à trois autres reprises. Puis, le 22 janvier 2016, Riley ne se présente pas à son rendez-vous. En avril 2016, Riley met un terme à son suivi en psychologie.
À la réception du rapport d'évaluation, le médecin de famille ne voit rien d'alarmant dans ce que la psychologue relate avoir évalué. Cependant, comme il ne communique pas avec la psychologue, il ignore que Riley a mis fin à son suivi.
En début d'année 2018, Riley sera évalué par un neuropsychologue, qui recommandera un plan de traitement dans son rapport d'évaluation soumis au médecin de famille. Cependant, aucun suivi ne sera fait de la prise de médication. Riley ne sera pas non plus évalué pour un risque suicidaire.
Le psychiatre expert qui a mené une autopsie psychologique du cas de Riley, basée notamment sur le rapport de police, l'autopsie, les entrevues avec les parents et des amis et les dossiers médicaux, est éloquent. Il déplore que, malgré la présence idéale de multiples intervenants et d'individus au fait des difficultés de Riley, ces professionnels n'aient pas fait de suivi afin de vérifier comment se portait Riley. Il explique que, dans un état de détresse, un événement même anodin peut déclencher une crise suicidaire. Sa conclusion est que si Riley avait pris la médication prescrite, encouragé par un suivi étroit de professionnels en collaboration avec la famille, et s'il avait suivi simultanément une psychothérapie, dans les deux cas avec une consultation continue avec un psychiatre, une surveillance et un plan de sécurité du risque suicidaire, il aurait été exposé aux meilleures pratiques et aurait pu bénéficier d'amélioration de son état dépressif majeur et d'une réduction du risque suicidaire.
L'appel au 911
L'analyste du 911, lorsqu'il reçoit l'appel, ne se questionne pas sur les détails donnés par l'appelant, qui s'identifie comme étant Riley Fairholm. Par ailleurs, selon les témoignages entendus lors de l'enquête, tous les policiers ont estimé que l'appel au 911 était inusité, notamment du fait que l'appelant décrivait avec minutie la scène à laquelle il assistait et les détails qu'il relatait auraient également dû soulever un doute dans l'esprit du policier.
L'intervention policière et la formation des policiers
La coroner Kamel constate que, lors de l'intervention policière, les policiers ont agi comme cela leur a été enseigné à l'École nationale de police du Québec. Quant à la négociation avec des personnes en crise, il apparaît fondamental à la coroner Kamel d'outiller les policiers avec les meilleures pratiques en matière de santé mentale. D'autres coroners ont aussi formulé des recommandations en ce sens par le passé et ont demandé une meilleure formation des policiers pour faire face à ce genre de situation.
Une fois Riley au sol, aucune manœuvre n'a par ailleurs été prodiguée par les policiers, leur compréhension étant qu'ils étaient devant un cas de mort évidente alors que ce n'était pas le cas. De plus, certains policiers ont indiqué en audiences que la trousse de premiers soins disponible aux policiers gagnerait à faire l'objet d'une révision. Cependant, il est impossible de savoir si Riley aurait eu des chances de survie si des manœuvres avaient été données précocement ou si les policiers avaient eu une trousse de premiers soins plus complète.
Finalement, la coroner ne retient pas la thèse du suicide par policier interposé qui lui a été présentée par certains témoins. Elle souligne que bien qu'il ait été justifié pour les policiers de tirer devant une menace, elle est d'avis que s'il y avait eu une meilleure communication en amont, dès l'appel du 911, si les professionnels de la santé et du milieu scolaire avaient établi des ponts significatifs, si ses parents n'avaient pas été laissés seuls avec leur impuissance, le décès de M. Fairholm aurait peut-être été évité. Afin de mieux protéger la vie humaine, Me Kamel formule les recommandations suivantes :
- Au ministère de la Sécurité publique du Québec :
- De munir les autopatrouilles d'une trousse de premiers soins modernisée permettant de mieux subvenir aux besoins urgents et immédiats ;
- De mettre en œuvre des campagnes de sensibilisation sur la dangerosité que représente la possession d'armes à air comprimé ;
- De mettre en place dans les meilleurs délais une formation annuelle pour tous les corps policiers pour être aptes à intervenir auprès des personnes en crise ;
- De s'assurer que les policiers connaissent les concepts de la mort évidente et, qu'en cas de doute, prodiguent les manœuvres de réanimation telles qu'elles sont enseignées ;
- De poursuivre et d'accentuer la formation de l'École nationale de police du Québec et aux différents corps de police quant aux nouvelles stratégies et tactiques policières spécifiques à l'intervention auprès d'une personne en crise ;
- D'ajouter au cursus académique des répartiteurs d'appel 911 ou d'un service d'urgence une formation visant à déceler les appels provenant d'une personne en crise suicidaire et recueillir le maximum d'informations ;
- D'ajouter une formation visant à établir des mesures de recherche et de vérification additionnelles pouvant être menées lorsqu'un appelant semble être le sujet de son propre appel.
- Au ministère de la Santé et des Services sociaux :
- De s'assurer de règles et de communications optimales entre les différents acteurs du réseau de la santé, notamment lors d'une prise en charge d'une personne qui a des problèmes de santé mentale ;
- D'offrir un accès aux soins en santé mentale pour répondre aux besoins des clientèles anglophones.
- Au ministère de la Santé et des Services sociaux et au ministère de l'Éducation :
- De mettre de l'avant des mécanismes clairs de transmission de l'information entre le réseau de la santé et le réseau scolaire en encourageant les communications utiles pour la prise en charge d'un adolescent en difficulté.
Le rapport d'enquête est accessible ici. Prenez note que Me Kamel n'accordera aucune entrevue.
Source :
Jake Lamotta Granato
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@CoronerQuébec
SOURCE Bureau du coroner
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