QUÉBEC, le 20 févr. 2023 /CNW/ - Me Géhane Kamel dépose son rapport d'enquête sur le décès de Thomas Audet, 2 ans, survenu le 18 juin 2016 à Alma. Au terme des audiences publiques, qui ont eu lieu en septembre et octobre 2022, elle formule des constats et recommandations afin de mieux protéger les enfants vulnérables.
Le 18 juin 2016, vers 9 h, au domicile de la mère de Thomas, le beau-père de l'enfant l'aurait trouvé en position ventrale. L'enfant était un peu chaud au toucher, mais éveillé. Il lui aurait administré ses pompes et de l'acétaminophène, puis lui aurait donné du lait et l'aurait laissé au lit. Il serait revenu dans la chambre une trentaine de minutes plus tard et Thomas était inconscient. Il aurait débuté les manœuvres de réanimation. À l'arrivée des policiers et des ambulanciers, Thomas était en asystolie. Il a été transporté à l'Hôpital d'Alma. Son décès a été constaté par un médecin du centre hospitalier.
Dans la soirée du 17 juin 2016, Thomas aurait grimpé sur un petit vélo avec roues stationnaires. Il aurait fait une chute de sa propre hauteur et serait tombé sur le côté droit de sa tête. Lors des audiences, la chute du vélo a été soulevée comme l'une des hypothèses pour expliquer les blessures de l'enfant. Cependant, Thomas est décédé d'un traumatisme abdominal contondant. Pour expliquer ces lésions abdominales particulières, l'enfant doit avoir reçu un coup directement à la région supérieure de l'abdomen. Pour le Dr Dazé, qui a fait l'autopsie, et la Dre Leclerc, chirurgienne pédiatrique, l'histoire de la chute n'est donc pas compatible avec les lésions mortelles objectivées à l'autopsie. Cependant, la preuve recueillie lors de l'enquête ne permet pas de déterminer la cause probable des traumatismes subis par l'enfant.
L'enquête de la Sûreté du Québec
Le décès de Thomas a fait l'objet d'une enquête par les enquêteurs des crimes contre la personne de la Sûreté du Québec. Dans le cadre des procédures judiciaires dans le dossier de Thomas, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) a déposé le 29 septembre 2021 un arrêt des procédures visant un sujet d'intérêt. Les enquêteurs de la Sûreté du Québec ont par la suite traité ce dossier en assistance au coroner.
La Direction de la protection de la jeunesse (DPJ)
Le 17 mai 2016, un signalement est fait à la DPJ. Le 26 mai 2016, la DPJ retient le signalement, qui a été codé en priorité 3, ce qui indique une prise en charge au service d'évaluation du signalement dans les 4 jours de la rétention de celui-ci. Le témoignage du spécialiste en activités cliniques a indiqué que les codes 3 étaient à cette époque plutôt traités dans un délai de plus ou moins 30 jours.
Le dossier de Thomas ne sera pas attribué et sera mis sur une liste d'attente. Le chef de service de l'époque prend connaissance de la liste d'attente le ou vers le 16 juin 2016. Quand il a pris connaissance de l'âge de l'enfant et de la nature du signalement, il a requis de son spécialiste en activité clinique qu'il fasse le pont avec son homologue de Chicoutimi pour l'évaluation de la situation de Thomas. Malheureusement, Thomas est décédé la veille de l'assignation à un intervenant.
Mentionnons qu'à la suite de son décès, des mesures exceptionnelles ont été mises en place par le directeur général adjoint.
La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse
Le 13 juillet 2016, la ministre déléguée à la Réadaptation, à la Protection de la jeunesse, à la Santé publique et aux Saines habitudes de vie demandait à la CDPDJ de procéder à une enquête à la suite des évènements médiatisés concernant un enfant du Saguenay-Lac-Saint-Jean décédé alors qu'il attendait que sa situation soit évaluée.
La CDPDJ a déposé son rapport le 12 septembre 2017 et a soulevé plusieurs problèmes, notamment sur le plan de la rétention des signalements. La CDPDJ est d'avis que le signalement du 17 mai 2016, retenu en négligence sur le plan éducatif, aurait plutôt dû l'être en abus physique, ce qui aurait permis de déployer l'Entente multisectorielle. Me Kamel reproduit dans son rapport les recommandations spécifiques de la CDPDJ à la Direction du CIUSSS Saguenay-Lac-Saint-Jean et à la DPJ.
À la lumière des recommandations de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse (avril 2021) et des témoignages entendus lors de cette audience, la coroner Kamel croit que les critères d'évaluation auraient dû tendre vers une cote de priorité 1 et qu'à cet égard, le délai pour l'attribution du dossier n'aurait pas été un enjeu.
Selon Me Kamel, l'offre de services en protection de la jeunesse doit être améliorée dans les plus brefs délais. Ainsi, elle formule quatre recommandations afin de mieux protéger les enfants sous la loupe de la Direction de la protection de la jeunesse.
Au ministère de la Santé et des Services sociaux :
- De mettre en place, au niveau des Directions de la protection de la jeunesse (DPJ) de son réseau, une mesure d'exception indiquant que tous les enfants âgés de 5 ans et moins qui font l'objet d'un signalement doivent faire l'objet d'une évaluation sans délai et d'un suivi journalier de la situation ;
- De valoriser la pratique professionnelle au sein des Directions de la protection de la jeunesse (DPJ) par le biais du recrutement et de la rétention du personnel, notamment en s'assurant de ratios adaptés aux besoins des clientèles visées ;
- De définir de façon précise le « point de rupture » pour lequel le nombre de signalements reçus est considéré comme étant excessif et déterminant pour le début des mesures de contingence.
Au Collège des médecins du Québec :
- De rappeler à ses membres l'article 39 de la Loi sur la protection de la jeunesse qui prévoit que : « Tout professionnel qui, par la nature même de sa profession, prodigue des soins ou toute autre forme d'assistance à des enfants et qui, dans l'exercice de sa profession, a un motif raisonnable de croire que la sécurité ou le développement d'un enfant est ou peut être considéré comme compromis au sens de l'article 38 ou au sens de l'article 38.1, est tenu de signaler sans délai la situation au directeur de la protection de la jeunesse ».
Le rapport d'enquête complet est disponible ici. Vous pouvez également le consulter dans la section Calendrier des enquêtes publiques du site Web du Bureau du coroner.
Source :
Jake Lamotta Granato
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@CoronerQuébec
SOURCE Bureau du coroner
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