Déclaration ministérielle du premier ministre
QUÉBEC, le 4 févr. 2025 /CNW/ - Dans une rare déclaration prononcée au Salon rouge de l'Assemblée nationale, le premier ministre du Québec, François Legault, a tenu à faire le point sur la menace tarifaire qui plane sur l'économie du Québec.
Voici le texte intégral de cette déclaration :
« Merci Mme la présidente,
Je tenais aujourd'hui à m'adresser à tous les élus de l'Assemblée nationale et à tous les Québécois parce qu'on fait face à une attaque économique brutale.
Une attaque brutale contre le Canada, contre le Québec.
Malgré le report des tarifs, la menace plane toujours au-dessus de nos têtes, comme une épée de Damoclès.
L'incertitude créée par M. Trump a déjà des effets négatifs sur l'économie du Canada et du Québec.
L'incertitude, c'est un poison pour l'économie.
L'incertitude, ça rend frileuses toutes les entreprises qui ont des projets d'investissement.
C'est un peu comme si l'économie du Canada et du Québec était sur pause.
Je répète qu'on doit commencer à renégocier notre entente de libre-échange avec les États-Unis au plus tôt.
Pas attendre la révision prévue en 2026.
Plus vite on mettra fin à l'incertitude, mieux ce sera.
L'économie, ce n'est pas anodin.
C'est l'économie qui nous permet de financer la santé, l'éducation, la culture et toutes les autres responsabilités de l'État.
L'économie, la création de richesse, ce n'est pas un but en soi, mais c'est ce qui nous permet d'avoir les moyens de nos ambitions.
Et là, notre principal partenaire économique nous menace de nous attaquer.
En quelques jours, notre monde a changé.
Pour qu'on soit en mesure de passer au travers, il va falloir un énorme effort collectif avec beaucoup de détermination, avec beaucoup d'endurance.
D'abord, sans dramatiser la situation, on ne doit pas se faire d'illusions.
Le Québec est une nation exportatrice.
Et les États-Unis sont de loin notre marché extérieur le plus important.
71 % de nos exportations sont destinées aux États-Unis.
Si l'administration Trump s'entête, ce qui nous attend dans les prochains mois, ce sont des milliers de travailleurs qui risquent de perdre leur emploi.
Ce qui nous attend, ce sont des chefs d'entreprises qui se démènent pour survivre.
Je suis déjà passé par là, en 1990, pendant la guerre du Golfe, quand je dirigeais une compagnie aérienne.
L'angoisse est grande chez les dirigeants d'entreprises, quand on se dit que si on échoue, on laisse tomber des employés qui nous ont fait confiance en se joignant à notre entreprise.
Je suis très sensible à ce que vivent actuellement les dirigeants de nos entreprises qui exportent aux États-Unis.
Ce qui nous attend, c'est que certaines de nos industries soient frappées de plein fouet.
Entre autres, certaines industries qui font vivre tellement de familles dans nos régions.
Dans l'industrie forestière, dans la transformation de l'aluminium, dans l'industrie agroalimentaire.
On ne va pas se dorer la pilule.
Si M. Trump nous impose des tarifs de 25 %, ce qui nous attend dans les prochains mois, ce sont des pertes d'emploi importantes.
Évidemment, on doit se tenir debout et répliquer à l'attaque de M. Trump.
Et on est prêt à le faire.
Mais on doit faire bien attention de ne pas nous faire mal à nous-mêmes.
Je comprends tous ceux qui veulent répliquer durement, mettre des contre-tarifs « dollar pour dollar ».
Mais on doit garder la tête froide.
Il va falloir être intelligent.
Faire mal au gouvernement Trump, oui, mais sans nous faire mal à nous-mêmes.
Par exemple, plusieurs de nos entreprises importent des intrants des États-Unis, des intrants qu'elles utilisent pour fabriquer leurs produits.
Si on met des tarifs sur ces intrants, on vient nuire à leur compétitivité.
Évidemment, on souhaite que ces tarifs ne soient jamais mis en place.
Mais quand on écoute M. Trump, on ne peut pas prendre le risque de miser sur ça.
On a le devoir aujourd'hui d'entamer un grand et long chantier pour rendre notre économie moins dépendante des États-Unis.
Comment on fait ça?
D'abord, nous ne sommes pas démunis.
Notre économie est plus forte depuis quelques années.
Depuis six ans, on a battu la croissance du PIB par habitant du reste du Canada.
On a aussi au Québec des instruments d'État puissants avec Hydro-Québec, avec la Caisse de dépôt, avec Investissement Québec.
On a des institutions financières solides avec la Banque Nationale, avec Desjardins.
On a nos compagnies d'assurance, nos fonds de travailleurs de la FTQ, de la CSN et plusieurs autres institutions solides.
Donc, qu'est-ce qu'on doit faire?
D'abord à court terme, si M. Trump persiste à vouloir imposer des tarifs, on va soutenir nos entreprises qui ont des problèmes de liquidités.
Mais à moyen terme, on doit surtout redéployer l'économie du Québec.
Et on doit redéployer l'économie du Québec, région par région.
Dans les dernières décennies, on a trop misé sur la proximité du plus grand marché au monde.
Il faut maintenant redéployer notre économie dans de nouveaux marchés internationaux.
Mais n'oublions pas que notre meilleur marché, ça reste le Québec.
Acheter québécois, c'est ce qui est le plus efficace pour protéger nos emplois.
C'est vrai pour le gouvernement, vrai pour les entreprises, vrai pour les consommateurs.
Je pense que c'est le premier chantier.
On doit miser avant tout sur nous-mêmes.
On doit développer ce réflexe de regarder d'abord vers le Québec, vers nos produits, nos technologies, notre savoir-faire.
Le 2e marché d'exportation du Québec, c'est le reste du Canada.
On a un chantier là aussi.
On doit augmenter nos échanges, on doit développer ce réflexe de regarder du côté du reste du Canada.
Eh oui, nous devons travailler sur le libre-échange au sein même du Canada.
Nos entreprises doivent aussi tout faire pour fabriquer ici des produits qu'on importe actuellement d'ailleurs.
Investissement Québec est prête à aider toutes les entreprises qui ont de bons projets.
On doit aussi redéployer notre économie dans des secteurs où on a des avantages compétitifs.
Et des avantages compétitifs, on en a :
On a développé une expertise en aérospatiale.
On a de grandes alumineries.
On a des minéraux critiques.
On est fort en intelligence artificielle.
On est fort en informatique, en électronique, dans le quantique.
Et surtout, on a de l'énergie renouvelable.
Ça fait plusieurs années que je travaille pour relancer le développement de grands projets chez Hydro-Québec.
Hydro-Québec, c'est la plus grande force du Québec.
Et on a maintenant chez Hydro-Québec un plan ambitieux pour doubler sa capacité.
C'est le plus grand chantier de l'histoire du Québec.
Et ce n'est pas dans dix ans, c'est maintenant.
En décembre dernier, on a conclu une entente avec le premier ministre de Terre-Neuve qui va nous faire économiser 200 milliards de dollars d'ici 2085.
On entend parfois que les politiciens pensent à court terme.
Cette entente, c'est pour les prochaines générations.
Et on travaille sur plein de projets dans les régions du Québec pour développer l'éolien et augmenter la puissance de nos centrales hydroélectriques.
Pas plus tard que la semaine passée, on a annoncé un grand projet éolien au Saguenay-Lac-St-Jean et sur la Côte-Nord avec une MRC et avec une nation innue.
L'immense chantier d'Hydro-Québec va créer un premier boom économique dans nos régions, lors de la construction.
Et on va avoir ensuite un deuxième boom économique quand les entreprises vont se développer ici avec un avantage compétitif incomparable : de l'énergie renouvelable à bas coût.
Il faut qu'on garde les yeux sur les prochaines décennies, sur le long terme.
Même s'il y a de la résistance en ce moment, l'économie de l'avenir, c'est l'électricité, c'est l'économie verte.
Et là-dessus, le Québec est dans une position extraordinaire!
On a des faiblesses qu'on traîne depuis des décennies et qu'on doit absolument corriger.
Notre productivité, la surréglementation, la bureaucratie, la taxation.
On a beaucoup travaillé là-dessus depuis 2018, mais il va falloir en faire plus.
Et on a surtout une trop grande dépendance au marché américain.
On a aussi des atouts, on a de grandes forces.
On a un gros chantier générationnel devant nous.
Un grand chantier chez Hydro-Québec, mais aussi un grand chantier pour redéployer l'économie de chaque région du Québec dans des nouveaux marchés et dans des secteurs où nous pouvons gagner.
Il va falloir que tout le Québec s'y mette.
Aujourd'hui, je tends la main à tous les députés qui siègent ici, à l'Assemblée nationale.
Je tends la main à nos entrepreneurs, à nos travailleurs, à nos chercheurs, à tous les Québécois.
On va avoir besoin de tout le monde dans cette grande corvée.
On est ouvert à toutes les idées, à toutes les suggestions.
Le monde, notre monde est en train de changer.
Je n'ai pas toutes les réponses.
Mais ce que je sais, c'est qu'on doit se relever les manches.
On doit se battre!
Puis, on doit le faire ensemble, intelligemment, à la québécoise.
Vive le Québec!
Merci. »
La version prononcée fait foi
SOURCE Cabinet du premier ministre
Source : Catherine Hamel, Attachée de presse, Cabinet du premier ministre du Québec, (514) 831-1393 , [email protected]
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