Deux ans après le décès d'Alain Magloire: comment mieux aider et prévenir ? - Propositions des «gars» de l'Accueil Bonneau
MONTRÉAL, le 25 janv. 2016 /CNW Telbec/ - Au décès d'Alain Magloire le 3 février 2014, c'était la désolation et la révolte chez les «gars» de l'Accueil Bonneau. Il avait si souvent demandé de l'aide, pourquoi une mort si tragique? Représentait-il un réel danger ou nécessitait-il simplement des soins adaptés? On revivait le drame de Mario Hamel, résident de la maison Eugénie-Bernier, décédé de façon similaire lors d'une intervention policière en 2011.
Le Coroner produira bientôt son rapport et les «gars» de l'Accueil Bonneau qui connaissent la rue et qui se reconnaissent dans les histoires d'Alain Magloire et de Mario Hamel souhaitent émettre des idées pour éviter d'autres drames du genre. Nous croyons que chacun peut contribuer à sa façon, c'est pourquoi nous désirons partager leurs propos avec vous, recueillis lors d'ateliers avec Exeko à l'Accueil Bonneau.
À qui la responsabilité d'une personne qui ne peut prendre soin d'elle?
Cette question a suscité plusieurs histoires et commentaires, en voici quelques-uns:
- «C'est facile de déjouer le système. Si on veut être hospitalisé, on a qu'à dire qu'on va se tuer ou tuer une autre personne. À l'inverse, si on veut sortir, on dit que tout va bien et qu'on ne présente un danger pour personne.»
- «Pour recevoir de l'aide, il faut constamment répéter son histoire à plusieurs intervenants différents. Il y a un manque de suivi et de coordination, c'est décourageant, on perd espoir, on tourne en rond et on reste dans la rue.»
- «Quand on vit une psychose, le monde réel n'existe plus. La famille, les amis, les passants deviennent tous des personnages, tu ne distingues plus le vrai du faux. Personne ne sait comment nous aider…»
Johanne Magloire, sœur d'Alain Magloire, a partagé l'histoire de son frère avec les «gars» et mentionnait de façon très touchante que «Alain était une personne douce et intelligente. Il n'était pas violent, mais il avait besoin de soins et de suivi. Avec l'approche appropriée, je suis persuadée qu'on aurait pu le ramener à lui sans violence et sans arme».
Les propositions des «gars» de Bonneau
Sur le rôle du réseau de la santé (public et communautaire) |
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1) |
Revoir les critères de l'évaluation psychiatrique pour que la dangerosité immédiate ne soit pas le seul critère qui détermine la garde de la personne en établissement. |
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2) |
Impliquer les intervenants des organismes fréquentés qui connaissent la personne lors de l'évaluation psychiatrique afin qu'elle soit plus globale, approfondie et juste. |
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3) |
Mettre en place des mécanismes de suivi entre le réseau de la santé et les organismes pour favoriser un soutien de la personne plus structuré et mieux coordonné. |
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4) |
Assurer l'accompagnement de la personne à sa sortie de l'établissement, soit par un proche ou un intervenant, en vue d'offrir un filet de sécurité. |
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5) |
Mettre en place une équipe d'intervention psychiatrique d'urgence (infirmière spécialisée, psychiatre, etc.) pouvant intervenir en situation de crise, mais aussi en prévention de façon coordonnée avec les organismes. |
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Sur le rôle des services policiers |
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1) |
Intégrer au programme de techniques policières davantage de formation axée sur les problématiques sociales (toxicomanie, santé mentale, itinérance, prostitution, etc.) afin d'intervenir de façon adaptée. |
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2) |
Privilégier les techniques de désescalade et éviter l'utilisation de la force ou d'arme envers |
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3) |
Exiger que les policiers affectés au centre-ville élargi de Montréal : |
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a. |
possèdent un minimum de 5 ans d'expérience ; |
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b. |
suivent une formation spécialisée en intervention psychosociale ; |
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c. |
bénéficient d'une formation continue axée sur les problématiques sociales vécues au centre-ville de Montréal ; |
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d. |
soient soumis à une attestation renouvelable aux deux ans. |
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Sur le rôle de la famille et les proches |
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1) |
Impliquer les proches lors de l'évaluation psychiatrique afin qu'elle soit plus globale, approfondie et juste, puis les tenir informés des suivis. |
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2) |
Que les équipes d'intervention puissent joindre la famille et les proches rapidement de façon préventive et lors de situations d'urgence. |
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Comment s'aider entre nous? |
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1) |
Que le public soit sensibilisé aux problématiques de l'itinérance et qu'il ait une ressource (comme une ligne téléphonique directe) pour pouvoir aider à la prévention des crises et signaler des personnes qui semblent avoir besoin d'aide. |
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2) |
Créer un système de parrainage entre des personnes qui vivent l'itinérance et ceux qui l'ont vécue. Ce parrainage aiderait à prévenir les cas de crise et à lutter contre l'isolement. |
Aider les organismes à prévenir et intervenir
L'Accueil Bonneau accueille de 700 à 800 personnes chaque jour, dont environ 70% souffrent de problèmes de santé mentale. Le manque de services préventifs et de proximité fait en sorte que souvent, notre dernier recours est l'application de la loi P-38, mais pour ce faire, il doit y avoir présence de danger immédiat pour la personne ou pour autrui. La désorganisation, le changement de comportement, la détérioration de la santé: ce sont des signes annonçant la psychose ou la crise. Avec des moyens adaptés, nous pourrions mieux prévenir et intervenir.
L'Accueil Bonneau souhaite que les personnes, par procuration et sur une base totalement volontaire, aient le pouvoir de mandater un organisme à demander la garde provisoire et l'évaluation psychiatrique lorsqu'un danger non immédiat, mais prévisible et certain, est pressenti par l'organisme.
À propos de l'Accueil Bonneau | www.accueilbonneau.com
Fondé à Montréal en 1877, l'Accueil Bonneau accueille la personne en situation ou à risque d'itinérance en l'accompagnant au quotidien dans la réponse à ses besoins essentiels et la recherche d'une meilleure qualité de vie et d'un mieux-être. Plusieurs façons de donner sur www.fondationaccueilbonneau.org.
SOURCE Accueil Bonneau
Geneviève Kieffer Després | Accueil Bonneau, Téléphone : 514.845.3906, poste 261 | 514.808.6825, Courriel : [email protected]
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