Deux ans plus tard, qu'en est-il du nouvel Haïti?
MONTRÉAL, le 12 janv. 2012 /CNW Telbec/ - Deux ans déjà depuis le séisme survenu le 12 janvier 2010 en Haïti. À l'occasion de ce triste anniversaire, les membres de la Concertation pour Haïti (CPH) s'inquiètent de la lenteur des déboursements des fonds promis pour Haïti, de la fragilité de la situation prévalant dans ce pays et du peu de gestes concrets du nouveau gouvernement Martelly/Conille en faveur du développement du pays.
La nouvelle analyse du bureau de l'Envoyé spécial pour Haïti aux Nations Unies révèle un taux de déboursement parmi les donateurs du secteur public de 52,9% pour la période 2010-2011 contrairement à un taux de 33% l'année précédente. Il s'agit ici du pourcentage des promesses faites lors de la Conférence des donateurs de New York et non des fonds promis pour l'aide humanitaire. Malgré cette faible progression des fonds déboursés, les promesses d'aide étant loin d'être totalement remplies, la reconstruction d'Haïti accuse un sérieux retard.
En 2011, d'autres séismes ont secoué Haïti. Il suffit d'évoquer, pour s'en convaincre, les ravages de l'épidémie du choléra, les cinq mois d'impasse politique, l'onde de choc créée par le retour surprise de l'ancien dictateur Jean-Claude Duvalier. Malgré cela, des malades du choléra ont pu être traités, des écoles et des hôpitaux reconstruits, des personnes déplacées relocalisées, des femmes et des fillettes violentées prises en charge grâce à la vigilance de groupes de femmes. Au chapitre de la lutte contre l'impunité, des plaintes ont été déposées à l'encontre de Duvalier devant les tribunaux haïtiens, plusieurs de ces plaintes pour crimes contre l'humanité. Plusieurs organismes haïtiens ont, d'une part, appelé à une application rigoureuse de la justice contre l'ex-dictateur et, d'autre part, se sont investis de façon très active dans la relance du pays.
Malgré ces avancées significatives, le pays continue de faire face à d'énormes défis. L'élaboration d'un nouveau projet de société avec les forces vives de la nation relève de la compétence et de la responsabilité du gouvernement en place. Au delà des mots, plusieurs attendent des gestes concrets favorisant l'accessibilité de la population aux services de base (eau potable, santé, éducation) et au travail, la réhabilitation des infrastructures, la réforme de la justice, la lutte contre l'impunité et la mise en place d'un état de droit.
La reconstruction d'Haïti ne peut être menée que par les Haïtiennes et les Haïtiens. Elle passe par la lutte pour la survie des populations, spécialement celles expulsées des camps, par la lutte contre la flambée des prix, par la création d'emplois décents, par une vigoureuse relance de l'agriculture et de l'économie des régions et par une scolarisation rapide et adéquate de l'ensemble de la population.
En ce qui concerne le Canada, l'abandon de son rôle de leader dans la défense des droits humains au profit d'une approche sécuritaire s'est confirmé au cours de l'année 2011. En font foi la poursuite des projets liés à la stabilisation et la sécurisation d'Haïti, le budget consolidé du Groupe pour la stabilisation et la reconstruction (GTSR), le prolongement de sa contribution à la MINUSTAH et le maintien de ses effectifs policiers et agents correctionnels. Contrairement aux membres de la CPH, le Canada n'a pas formellement appuyé la mise en accusation de l'ex-dictateur Duvalier, ni réclamé qu'il soit jugé pour crimes contre l'humanité.
La lenteur du financement de la reconstruction par les bailleurs internationaux dont le Canada est aussi décriée. L'Agence canadienne du développement international (ACDI) a continué de se limiter à ses trois priorités thématiques dictées par le gouvernement Harper : accroître la sécurité alimentaire, assurer l'avenir des jeunes et des enfants, favoriser une croissance économique durable, l'ACDI écartant tout projet visant à défendre les droits humains et à renforcer la démocratie haïtienne, deux secteurs qui étaient pourtant prioritaires dans l'engagement du Canada en Haïti depuis des décennies.
Convaincue que le nouvel Haïti viendra d'abord de la volonté de sa population, la CPH souhaite que le gouvernement haïtien fasse preuve de leadership dans l'élaboration d'un nouveau projet de société et que les organisations de la société civile haïtienne actives dans la relance du pays soient davantage soutenues.
La CPH recommande à nouveau* au gouvernement canadien d'appuyer la création de nouveaux espaces de concertation et de coordination avec l'État haïtien et la société civile haïtienne, tout en facilitant l'appui direct aux acteurs locaux, de réorienter son aide en tenant compte de stratégies alternatives de développement ; de revenir à une approche axée sur les droits humains et sur l'instauration d'un État de droit.
*Cf. http://www.web.net/~emi/Plaidoyer%20Politique_Concertation%20pour%20Haiti_10%20janvier%202011.pdf
À propos de la Concertation pour Haïti
Fondée en 1994, la CPH est un regroupement d'organisations non gouvernementales, d'organisations de la société civile et de membres individuels du Québec qui participent au mouvement de solidarité avec le peuple haïtien.
Les organisations membres de la CPH sont Alternatives, Amnistie internationale, Association Québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI), Centre Justice et Foi (CJF), Centre international de solidarité ouvrière (CISO), Coalition pour la protection de l'environnement et le développement durable en Haïti (COPEDH), Comité de Solidarité/Trois-Rivières (CSTR), Développement et Paix, Église Unie du Canada, Equitas, Handicap International, L'Entraide missionnaire, Regroupement des organismes canado-haïtiens pour le développement (ROCADH), SUCO, YMCA du Québec.
Suzanne Loiselle et Marlène Rateau (514) 270-6089
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