Enquête conjointe de La Presse et Cogeco dans l'affaire Julien Lacroix : la commission d'appel maintient la décision de première instance
MONTRÉAL, le 20 juin 2024 /CNW/ - Le Conseil de presse du Québec publie aujourd'hui sept décisions concernant des plaintes du public visant plusieurs médias du Québec, dont une de la commission d'appel, la plus haute instance du Conseil, qui a procédé à la révision d'une décision de première instance, à la demande de La Presse. Cette décision, qui comporte trois griefs retenus contre La Presse, Cogeco et leurs journalistes, est maintenue.
Parmi les six autres dossiers de plaintes soumis au comité des plaintes, trois ont été retenus, en tout ou en partie, et trois ont été rejetés.
D2022-11-220 / D2023-01-004 (2) : La Presse c. Améli Pineda, journaliste au Devoir, et Suzanne Cholette
La commission d'appel maintient la décision de première instance visant l'enquête conjointe des journalistes Isabelle Hachey, du quotidien La Presse, et Marie-Ève Tremblay, de la station radiophonique 98,5 FM de Cogeco Média, pour l'article « L'affaire Julien Lacroix, deux ans plus tard - Des cicatrices et des regrets » et le balado en quatre épisodes « L'affaire Julien Lacroix, deux ans plus tard », diffusés le 16 novembre 2022.
En première instance, le comité des plaintes a retenu à l'unanimité l'un des griefs d'informations incomplètes ainsi que le grief de manque d'équilibre et a blâmé les journalistes Isabelle Hachey et Marie-Ève Tremblay ainsi que La Presse et le 98,5 FM. Le comité des plaintes a également retenu à l'unanimité le grief d'apparence de conflit d'intérêts et a blâmé Marie-Ève Tremblay, La Presse et le 98,5 FM. Le Conseil a par ailleurs rejeté à l'unanimité les cinq autres griefs d'informations incomplètes ainsi que les griefs d'information inexacte et de partialité.
La Presse a fait appel de la décision de première instance relativement aux trois griefs retenus par le comité des plaintes. Cogeco n'a pas fait appel de la décision.
Les membres de la commission d'appel confirment à l'unanimité que le comité des plaintes a bien appliqué le principe de complétude en retenant le grief d'information incomplète portant sur les raisons pour lesquelles Le Devoir a refusé d'accorder une entrevue aux journalistes Isabelle Hachey et Marie-Ève Tremblay. Comme le mentionnait la décision de première instance, « affirmer simplement que "le quotidien a accepté notre demande, à condition d'obtenir nos questions à l'avance" faisait abstraction de plusieurs raisons importantes du refus et empêchait le public de bien comprendre ce refus" ».
La commission d'appel confirme également à l'unanimité que le comité des plaintes a bien appliqué le principe d'équilibre en retenant le grief de manque d'équilibre portant sur l'absence du point de vue du Devoir dans l'article et le balado visés par les plaintes. « En ne présentant pas clairement au Devoir les faits qui pouvaient lui être reprochés et qui pouvaient expliquer le changement de perspective des femmes interviewées, La Presse et le 98,5 FM ne lui ont pas donné la chance de répondre en toute connaissance de cause à leur demande d'entrevue. »
Finalement, la commission d'appel confirme à l'unanimité que le comité des plaintes a bien appliqué le principe de conflit d'intérêts en retenant le grief d'apparence de conflit d'intérêts portant sur la relation entre la journaliste Marie-Ève Tremblay et la conjointe de Julien Lacroix, Maude Sabbagh, interviewée dans l'article et le balado visés par la plainte. « Ce n'est pas le simple échange de messages sur les réseaux sociaux mais bien la nature personnelle de ces messages et le cumul de réactions d'ordre intime entre Marie-Ève Tremblay et Maude Sabbagh au sujet d'événements de la vie privée de Maude Sabbagh qui plaçaient la journaliste dans une apparence de conflit d'intérêts, alors qu'elle interviewait Mme Sabbagh dans le cadre de l'enquête conjointe qui visait directement le conjoint de celle-ci. [...] Afin d'éviter toute apparence de conflit d'intérêts, Marie-Ève Tremblay aurait pu préciser aux lecteurs et aux auditeurs la nature de sa relation avec Maude Sabbagh, ou encore laisser cette entrevue à une autre journaliste, afin d'évacuer tout doute sur un possible manque d'indépendance. »
D2023-09-064 : Jean-François Lisée c. Thomas Mulcair, Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec
Le Conseil de presse retient la plainte de Jean-François Lisée visant la chronique « Paul St-Pierre Poilievre ou l'intolérance comme arme politique », publiée le 14 septembre 2023, et blâme le chroniqueur Thomas Mulcair ainsi que les quotidiens Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec concernant un grief d'information inexacte. Dans la chronique en cause, M. Mulcair critique une sortie publique du chef du Parti québécois (PQ), Paul St-Pierre Plamondon, au sujet de l'identité de genre. Il affirme qu'il s'agit d'« un lamentable retour à ce populisme contre une minorité prise pour cible à des fins électorales » et trace un parallèle avec la course à la chefferie du PQ en 2016. Bien qu'il ne le nomme pas, M. Mulcair fait référence au plaignant, Jean-François Lisée, en soutenant qu'en 2016, « un candidat à la chefferie du parti avait affirmé que les musulmanes qui portaient le voile intégral constituaient une menace pour la sécurité ». Le Conseil a constaté que M. Lisée n'avait pas fait une telle déclaration. Il avait plutôt évoqué, à l'époque, « que des personnes malveillantes pourraient utiliser des burqas pour commettre des actes dangereux sans être reconnues. Bien qu'on puisse être en vif désaccord avec cet avis, on ne peut pas faire dire à M. Lisée ce qu'il n'a pas dit », souligne-t-on dans la décision. D'autre part, un second grief d'information inexacte est rejeté.
D2023-07-055 : Isabelle Gérin-Lajoie c. Jean Siag et La Presse
Le Conseil de presse rejette la plainte d'Isabelle Gérin-Lajoie à propos de l'article « Les Contes interdits transposés au petit écran », du journaliste Jean Siag, publié dans le quotidien La Presse le 24 juillet 2023, concernant des griefs de mention injustifiée d'antécédents judiciaires et de sensationnalisme. Dans cet article, M. Siag rapporte que la maison de production télévisuelle Attraction adaptera pour le petit écran la série de livres d'horreur québécois Les Contes interdits. La plaignante déplorait que M. Siag rappelle « inutilement » et de manière « sensationnaliste » les démêlés avec la justice de l'auteur Yvan Godbout, qui a signé trois romans de cette série, dont Hansel et Gretel, un titre qui ne sera pas adapté pour la télévision en raison de la controverse qu'il a suscitée. En 2019, M. Godbout a été accusé de production et de distribution de pornographie juvénile après qu'une enseignante a porté plainte contre un passage de son livre Hansel et Gretel qui décrit l'agression sexuelle d'une fillette de 9 ans par son père. L'auteur a été acquitté sur toute la ligne en 2020, au terme d'un procès fort médiatisé. Le Conseil fait valoir dans sa décision que « de grandes questions d'ordre moral et juridique en ont découlé au sein de la société québécoise, notamment à savoir s'il est acceptable, éthique ou légal de mettre en scène le viol d'un enfant dans une œuvre de fiction. Cette affaire a provoqué un débat public de premier plan sur la liberté d'expression. En définitive, l'affaire Godbout aura eu un impact fondamental sur le droit criminel. [...] Bien que l'on comprenne que la plaignante ait pu être heurtée, voire choquée, par le rappel de la saga judiciaire d'Yvan Godbout [...] le fait de taire la raison pour laquelle le roman Hansel et Gretel n'a pas été retenu parmi les livres qui seront adaptés au petit écran par la maison de production Attraction n'aurait pas servi l'intérêt public, puisqu'il existe un lien évident entre la cause qui a été portée devant les tribunaux et le sujet de l'article. »
D2023-04-033 : Jason Keays c. Paul Larocque, émission « Le Bilan », LCN et TVA Nouvelles
Le Conseil de presse retient la plainte de Jason Keays au sujet d'une entrevue de l'animateur Paul Larocque avec l'expert en stratégies militaires Simon Leduc durant le segment « Fuite de documents secrets - Des dossiers liés à l'Ukraine impliqués », de l'émission « Le Bilan » diffusée le 11 avril 2023 sur les ondes de LCN, ainsi qu'au sujet de l'article non signé « Fuite de documents secrets : l'Ukraine sur le bord de la défaite? », publié sur le site Internet de TVA Nouvelles le même jour. Le plaignant reprochait aux mis en cause de ne pas avoir évalué la fiabilité des informations transmises par leur source, Simon Leduc, ainsi que d'avoir diffusé de l'information inexacte. Seul le grief de manque de fiabilité des informations transmises par les sources a été retenu. On peut notamment lire dans la décision : « Au moment où l'animateur Paul Larocque s'est entretenu avec l'expert en stratégies militaires Simon Leduc, [...] des informations circulaient depuis déjà cinq jours dans l'espace public et dans divers médias [...] à l'effet qu'il existait au moins deux versions des documents fuités du Pentagone, et que les données minimisant les pertes russes auxquelles M. Leduc fait référence provenaient, selon toute vraisemblance, de la version falsifiée de ces documents. [...] Le fait de consulter un expert pour ses connaissances dans un domaine précis ne dédouane pas les journalistes et les médias de leur devoir de vérifier la fiabilité des informations transmises par cette source. Il faut vérifier, par exemple, si un expert qu'on souhaite interviewer est au courant de la question d'actualité qui sera discutée. » Par conséquent, le Conseil blâme l'animateur Paul Larocque, LCN et TVA Nouvelles.
D2023-06-041 : Louise Côté c. Alyssia Rubertucci et CityNews Montreal
Le Conseil de presse rejette à la majorité (4 sur 6) la plainte de Louise Côté visant l'article et le reportage vidéo « Quebec's Bill 96 introduces new provisions affecting small to medium-sized businesses », de la journaliste Alyssia Rubertucci, diffusés sur le site Internet de CityNews Montreal le 1er juin 2023, concernant des griefs de manque d'équilibre, de partialité et d'information incomplète. Alors qu'entraient en vigueur de nouvelles dispositions de la Loi 96, aussi appelée Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français, Mme Rubertucci s'est rendue dans une pâtisserie de l'ouest de l'île de Montréal pour recueillir les propos du propriétaire anglophone et de deux de ses employés qui s'opposent vigoureusement à ces mesures. La plaignante déplorait entre autres : « Pourquoi nous n'avons que le point de vue de travailleurs d'une boulangerie? Où sont les interviews de politiciens, de Québécois francophones qui peinent de plus en plus à être servis en français à Montréal? » Dans sa décision, le Conseil estime que « la journaliste a présenté une juste pondération des points de vue des parties en présence en fonction de l'angle de traitement choisi puisqu'en plus du point de vue du commerçant et de ses employés, elle offre également la position du gouvernement québécois, instigateur des changements à la Loi, en expliquant l'objectif de ces changements, soit de faire du français "la langue de travail commune" dans la province. » Deux membres du comité des plaintes ont exprimé leur dissidence, estimant que le reportage manquait d'équilibre.
D2023-09-069 : Gabriel Bourget c. Cimon Charest et TVA Nouvelles
Le Conseil de presse retient la plainte de Gabriel Bourget contre l'article et le reportage vidéo « Trois décès à Blanc-Sablon : des pêcheurs voudraient se qualifier pour l'assurance-emploi », du journaliste Cimon Charest, publiés sur le site Internet de TVA Nouvelles le 27 septembre 2023, relativement à des griefs d'information inexacte et d'absence de correctif. Le journaliste affirme dans l'article et le reportage : « Depuis 2015, le gouvernement libéral de Justin Trudeau promet une réforme de l'assurance-emploi. Huit ans plus tard, trois mandats et deux ministres du Revenu national plus tard, la réforme se fait toujours attendre. » Le plaignant, qui est directeur des communications du cabinet de Diane Lebouthillier, l'actuelle ministre des Pêches et Océans et de la Garde côtière canadienne et l'ex-ministre du Revenu national, faisait valoir que « l'assurance-emploi tombe sous la responsabilité du ministre de l'Emploi et du Développement social » et non de la ministre du Revenu national. Le Conseil donne raison au plaignant sur ce point et retient les deux griefs. Il adresse un blâme au journaliste Cimon Charest et à TVA Nouvelles. Le Conseil rejette cependant l'argument du plaignant selon lequel il était inexact d'utiliser des images de Mme Lebouthillier dans le reportage vidéo. Bien qu'elle n'était pas concernée par la nouvelle en tant qu'ex-ministre du Revenu national, elle l'était à titre de ministre des Pêches et Océans.
D2023-11-080 : Félix Généreux-Marotte c. Loïc Tassé et Le Journal de Montréal
Le Conseil de presse rejette à la majorité (4 sur 6) la plainte de Félix Généreux-Marotte au sujet de la chronique « Combattre et stopper l'itinérance : une tâche urgente », du chroniqueur Loïc Tassé, publiée dans le quotidien Le Journal de Montréal le 6 novembre 2023, concernant deux griefs de discrimination. Le plaignant estimait que M. Tassé tenait dans cette chronique des propos discriminatoires susceptibles d'entretenir les préjugés ainsi que d'attiser la haine et le mépris envers les personnes itinérantes. « Bien sûr, les personnes en situation d'itinérance ne sont pas responsables des problèmes de la société. Comme l'affirme le plaignant, elles en sont même souvent plutôt les victimes. Mais le chroniqueur n'affirme pas que ces personnes sont responsables des problèmes, il soutient plutôt que leur situation accentue ces problèmes, ce qui relève de son opinion. [...] Les solutions qu'il avance sont controversées et peuvent vivement déplaire à certains lecteurs, mais il a droit à son opinion », souligne notamment le Conseil dans cette décision. Deux membres ont exprimé leur dissidence, estimant que certains propos ne respectaient pas le principe de discrimination.
Le Conseil de presse du Québec est un organisme privé, à but non lucratif, qui œuvre depuis 50 ans à la protection de la liberté de la presse et à la défense du droit du public à une information de qualité. Son action s'étend à tous les médias d'information distribués ou diffusés au Québec, qu'ils soient membres ou non du Conseil, qu'ils appartiennent à la presse écrite ou électronique. Le Conseil reçoit les plaintes du public et rend des décisions relativement à la déontologie journalistique. Mécanisme d'autorégulation de la presse, le Conseil ne peut être assimilé à un tribunal civil, il ne possède aucun pouvoir judiciaire, réglementaire, législatif ou coercitif; il n'impose aucune autre sanction que morale.
Le Conseil de presse remercie Cision d'avoir rendu possible l'envoi de ce communiqué.
SOURCE CONSEIL DE PRESSE DU QUEBEC
RENSEIGNEMENTS : Geneviève Michaud, Conseil de presse du Québec, [email protected]
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