Enquête indépendante sur l'événement survenu à Chicoutimi le 28 novembre 2023 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 10 sept. 2024 /CNW/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police de Saguenay (SPS).
L'analyse portait sur l'événement survenu à Chicoutimi le 28 novembre 2023 entourant le décès d'un homme.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à une procureure aux poursuites criminelles et pénales (procureure). Cette dernière a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. La procureure a rencontré et informé les proches de la personne décédée des motifs de la décision.
Le 28 novembre 2023 vers 10 h 10, un premier appel est fait au 911 concernant un individu qui viendrait de se faire poignarder sur la rue des Hospitalières. L'individu est sorti ensanglanté de son logement, a appelé à l'aide et s'est réfugié dans un autre immeuble à logements avoisinant. Un autre appelant mentionne qu'un homme marche sur la rue et qu'il est torse nu, vêtu d'un pantalon et qu'il tient un couteau dans une de ses mains.
La preuve révèle que plusieurs autres appels sont faits au 911 vers 10 h 10. L'ensemble des appels concerne un homme torse nu, couteau à la main, marchant sur la rue des Hospitalières.
La répartition demande sur les ondes une patrouille sur la rue des Hospitalières pour un individu qui vient de se faire poignarder. Deux policiers du SPS qui se trouvent à proximité entendent la demande et se rendent sur les lieux. Durant le trajet, un des policiers demande une description physique du suspect. L'homme aurait la peau noire et ne porterait pas de chandail.
Vers 10 h 12, les policiers arrivent sur place et identifient un homme qui correspond à la description donnée. Il est du côté ouest de la rue des Hospitalières et marche en leur direction. Les policiers remarquent que l'homme tient un couteau dans sa main droite, avec une lame mesurant entre 6 et 10 pouces.
Le policier qui conduit immobilise le véhicule de patrouille à environ 30 mètres de l'homme. Les policiers sortent du véhicule et se placent devant celui-ci, de chaque côté du véhicule. Les policiers remarquent que l'homme est couvert de sang et que son regard est vide.
Les policiers donnent l'ordre à l'homme de s'immobiliser et de lâcher son couteau à plusieurs reprises. Un des policiers (côté passager) pointe son arme de service et l'autre (côté conducteur) son arme à impulsion électrique (AIE). L'homme n'obtempère pas et continue de marcher en leur direction.
L'homme se dirige vers le policier placé du côté passager du véhicule en tenant son couteau à la main. Ce policier recule afin de se donner une distance sécuritaire et l'homme se met à courir en sa direction. Une tentative d'utiliser l'AIE est faite par le policier se trouvant du côté conducteur, mais ne fonctionne pas. Une cartouche contenant deux sondes est tirée, mais n'atteignent pas l'homme. L'homme continue de courir et le policier se trouvant du côté passager du véhicule fait feu à cinq reprises en direction de l'homme. L'homme est atteint par trois balles et tombe au sol derrière le véhicule de patrouille. Le couteau est par la suite éloigné à coup de pied par l'autre policier.
L'homme est ensuite placé contre le sol par le policier n'ayant pas tiré. Rapidement, l'assistance d'une ambulance est demandée et plusieurs autres véhicules de patrouille arrivent sur place.
Des policiers portent assistance à l'homme couché au sol et débutent des manœuvres de réanimation. Les ambulanciers arrivent à 10 h 17 et tentent des manœuvres de réanimation. Vers 10 h 20, les ambulanciers constatent que l'homme n'a plus de pouls et arrêtent les manœuvres de réanimation. Un constat de décès est par la suite émis.
Une vidéo filmée par une citoyenne montre la séquence relative au comportement menaçant de l'homme et aux coups de feu qui ont suivi.
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25(3) du Code criminel sont remplies.
L'article 25(3) du Code criminel précise qu'un policier peut, s'il agit sur la foi de motifs raisonnables, utiliser une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves s'il croit que cela est nécessaire afin de se protéger ou encore de protéger les personnes sous sa protection contre de telles conséquences.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
Dans ce dossier, l'intervention auprès de l'homme était légale. Les policiers devaient intervenir auprès de celui-ci afin de tenter de le désarmer et de procéder à son arrestation, puisqu'il venait d'attaquer un individu et qu'il constituait manifestement un danger pour autrui.
La preuve révèle que l'homme armé d'un couteau s'est avancé en courant en direction des policiers. Le policier qui a fait feu avait des motifs raisonnables d'estimer que la force appliquée à l'endroit de l'homme était nécessaire pour sa protection et celle de son collègue contre des lésions corporelles graves ou la mort.
Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par les policiers était justifié en vertu de l'article 25(3) du Code criminel. L'analyse de la preuve ne révèle pas à son avis la commission d'une infraction criminelle par les policiers du SPS dans cet événement.
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant de toute considération de nature politique, et ce, de façon à préserver l'intégrité du processus judiciaire tout en assurant la protection de la société, dans la recherche de l'intérêt de la justice et de l'intérêt public, de même que dans le respect de la règle de droit et des intérêts légitimes des personnes victimes et des témoins.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Source : Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
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