Enquête indépendante sur l'événement survenu à Cowansville le 31 août 2022 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 15 déc. 2023 /CNW/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par le policier de la Sûreté du Québec (SQ).
L'analyse portait sur l'événement entourant les blessures subies par un homme à Cowansville le 31 août 2022.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à une procureure aux poursuites criminelles et pénales (procureure). Cette dernière a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. La procureure a informé la personne blessée de la décision.
Le 31 août 2022, à 20 h 25, un appel est fait au 911 au sujet d'un homme qui circule à pied, en possession d'une arme à feu, près du Campus Brome-Missisquoi à Cowansville.
À 20 h 35, deux policiers de la SQ arrivent sur les lieux et interceptent un homme qui correspond à la description du suspect. Ils actionnent les gyrophares de leur autopatrouille, sortent de celui-ci, pointent leur arme à feu en direction de l'homme et le somment de montrer ses mains.
L'homme met ses mains derrière son dos et sort un pistolet noir. Il pointe celui-ci au sol.
Alors que les policiers se barricadent derrière l'autopatrouille, l'homme s'approche d'eux. À plusieurs reprises, les policiers l'enjoignent de déposer son arme. Ils l'avertissent qu'ils devront tirer à défaut d'obtempérer à cet ordre.
L'homme n'obéit pas aux consignes des policiers et contourne l'autopatrouille. Il s'approche rapidement d'un des agents de police et pointe son fusil dans sa direction. À cet instant, l'agent de police fait feu à plusieurs reprises vers l'homme.
Atteint par deux projectiles, l'homme tombe par terre. Il est blessé, mais toujours conscient. Les policiers se dirigent immédiatement à ses côtés et lui prodiguent des soins. Ils demandent du renfort et l'assistance des services d'urgence.
Toujours étendu au sol, l'homme mentionne aux policiers qu'il voulait mettre fin à ses jours, que c'est lui qui a fait l'appel au 911 et qu'il a une lettre de suicide sur lui.
À 20 h 57, les services d'urgence prennent en charge l'homme et le transportent vers un centre hospitalier. Il souffre de blessures à la hanche et à la jambe droite.
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées aux articles 25(1) et 25(3) du Code criminel sont remplies.
L'article 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
L'article 25(3) précise qu'un policier peut, s'il agit sur la foi de motifs raisonnables, utiliser une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves s'il croit que cela est nécessaire afin de se protéger ou encore de protéger les personnes sous sa protection contre de telles conséquences.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
Dans ce dossier, l'intervention était légale. Elle se fondait sur le pouvoir des policiers d'interception et de détention pour fins d'enquête issu de la common law, et sur leur devoir d'assurer la sécurité et la vie des personnes. Considérant le danger imminent auquel il faisait face et le défaut de l'homme d'obtempérer à de nombreuses reprises, le policier avait des motifs raisonnables d'estimer que l'utilisation de son arme de service à l'endroit de l'homme était nécessaire pour sa protection contre des lésions corporelles graves ou la mort, et ce, tant que la menace posée par l'homme n'était pas neutralisée.
Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par le policier était justifié en vertu des articles 25(1) et 25(3) du Code criminel. L'analyse de la preuve ne révèle pas à son avis la commission d'une infraction criminelle par le policier de la SQ impliqué dans cet événement.
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
Partager cet article