Enquête indépendante sur l'événement survenu à Gatineau le 11 juillet 2023 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 28 août 2024 /CNW/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par la policière et les policiers du Service de police de la Ville de Gatineau (SPVG).
L'analyse portait sur l'événement survenu à Gatineau le 11 juillet 2023 entourant le décès d'un homme.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à un procureur aux poursuites criminelles et pénales (procureur). Ce dernier a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. Le procureur a rencontré et informé les proches de la personne décédée des motifs de la décision.
Le 11 juillet 2023 vers 0 h 58, un appel est fait au 911 pour demander l'assistance des policiers dans un hôpital à Gatineau. Un homme désorganisé est dans une pièce du 4e étage. L'homme initialement dans la salle d'attente de l'urgence quitte pour se rendre au 4e étage. Il s'empare d'un extincteur et en répand le contenu (poudre) dans le corridor et en direction d'agents de sécurité avant de trouver refuge dans un laboratoire contenant des produits inflammables. Les agents de sécurité de l'hôpital appelés sur place constatent rapidement que la situation dépasse leurs moyens. Ils demandent immédiatement l'aide des policiers.
À l'arrivée des premiers policiers, l'homme est dans la pièce, a fracassé la fenêtre extérieure avec divers objets et tente d'allumer une bombonne grise avec un briquet. Les policiers essaient d'établir un contact avec l'homme, mais en vain. Il est mécontent de la présence de ces derniers dont il ne reconnaît pas le statut, et ce, peu importe le moyen utilisé, pour en faire la preuve.
L'arrivée de deux autres policiers fait en sorte qu'une policière est en mesure d'entamer des discussions avec l'homme de l'extérieur de l'hôpital au sol. Ses tentatives pour raisonner l'homme sont infructueuses. La policière en renfort se joint aux policiers en poste au 4e étage, mais ne pouvant rien faire de plus, décide de retourner à l'extérieur pour demander l'aide des pompiers craignant un incendie si l'homme en venait à enflammer les produits qui se trouvent dans la pièce. Un autre policier tente de raisonner l'homme, sans succès. L'homme est désorganisé et a les moyens de causer des blessures avec plusieurs objets à sa disposition à quiconque s'approchera de lui. Il a aussi un briquet dans les mains.
Il est tantôt assis sur le rebord de la fenêtre, les jambes dans le vide, tantôt dans la pièce, debout, tenant des propos agressifs et abordant une posture de confrontation. Il est blessé aux mains et aux jambes, probablement par les éclats de verre. Il donne l'impression d'être insensible à la douleur. Durant toute l'intervention, il est agressif verbalement et ne répond pas aux demandes des policiers. Ses paroles sont en majorité incompréhensibles et toutes tentatives de communiquer avec lui sont vaines.
Comme demandé par une policière, les pompiers déploient l'échelle de leur camion jusqu'à une vingtaine de pieds de la fenêtre où se trouve l'homme. L'option d'y envoyer un pompier est écartée en raison des risques pour sa sécurité. Ce déploiement assure qu'on puisse réduire le délai d'intervention si requis. Puis, sans avertissement, l'homme sort les deux pieds dans le vide, se pend par les mains sur le bord de la fenêtre et se laisse tomber dans le vide. Il ne dira qu'un mot avant de lâcher prise : « Goodbye ». Il atterrit tête première.
Très rapidement, sa respiration cesse et les manœuvres de réanimation sont commencées. L'homme est transporté à l'urgence par les ambulanciers. Malgré les efforts du personnel médical, son décès est constaté par une médecin vingt minutes après l'incident.
La preuve révèle que les policiers appelés en renfort sont arrivés en temps opportun et ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour raisonner l'homme et l'empêcher de commettre l'irréparable. Pas moins de six policiers auront tenté de communiquer avec l'homme et de le raisonner, sans succès. Une arme à impulsion électrique était disponible, mais ne pouvait pas être utilisée efficacement eu égard à la disposition des lieux. Les pompiers sont aussi intervenus et ont déployé une échelle pour la disposer de manière à pouvoir l'utiliser le cas échéant. Toutefois, aucun pompier ne fut envoyé dans l'échelle étant donné le risque que représentait l'homme.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par la policière et les policiers du SPVG impliqués dans cet événement.
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant de toute considération de nature politique, et ce, de façon à préserver l'intégrité du processus judiciaire tout en assurant la protection de la société, dans la recherche de l'intérêt de la justice et de l'intérêt public, de même que dans le respect de la règle de droit et des intérêts légitimes des personnes victimes et des témoins.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Source : Me Annabelle Sheppard, Porte-parole, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
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