Enquête indépendante sur l'événement survenu à Laval le 4 août 2022 : motifs pour lesquels aucune accusation n'a été portée
QUÉBEC, le 27 sept. 2023 /CNW/ - Un verdict ayant été rendu par le tribunal, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) expose les motifs l'ayant mené à ne pas déposer d'accusation dans ce dossier.
Rappelons qu'il concluait, dans son communiqué intérimaire du 6 juillet 2023, que l'analyse de la preuve ne révélait pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police de Laval (SPL). Cette décision faisait suite à l'examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec l'événement entourant les blessures subies par un adolescent à Laval le 4 août 2022.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI avait été confié à un procureur aux poursuites criminelles et pénales (procureur). Ce dernier avait procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révélait la commission d'infractions criminelles. Le procureur a rencontré et informé la personne blessée de la décision.
Le 4 août 2022, un véhicule, commettant des infractions au Code de la sécurité routière (CSR), attire l'attention de patrouilleurs du SPL.
Ceux-ci tentent d'intercepter le véhicule, à bord duquel se trouvent quatre personnes, mais le conducteur refuse de s'immobiliser.
Les patrouilleurs décident alors d'entamer une poursuite. Toutefois, considérant la vitesse à laquelle circule le véhicule fuyard, ils décident d'y mettre fin, à peine quelques secondes après son début pour des motifs de sécurité.
D'une façon concomitante à l'arrêt de la poursuite, le conducteur réfractaire heurte une mobylette conduite par un adolescent. Ce dernier est gravement blessé.
La preuve révèle que le véhicule de police n'a pas heurté la mobylette. La collision résulte de la vitesse à laquelle circulait le conducteur réfractaire - environ 168 km/h dans une zone limitée à 50 km/h - ainsi que son non-respect de la signalisation routière; ces infractions ont engendré la collision.
À la suite de l'événement, le conducteur réfractaire a été arrêté et accusé de conduite dangereuse causant des lésions corporelles. Il a été reconnu coupable.
L'infraction de conduite dangereuse, décrite à l'article 320.13 du Code criminel, se définit comme le fait de conduire un véhicule à moteur d'une façon dangereuse pour le public, en tenant compte des circonstances, incluant l'utilisation qui en est faite, la nature et l'état du lieu ainsi que l'intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu. Le test applicable en matière de conduite dangereuse a été établi par la Cour suprême et prévoit que la preuve doit démontrer que la façon de conduire était objectivement dangereuse pour le public. À cet égard, c'est le risque de dommage ou de préjudice créé par la conduite qui doit être évalué, indépendamment des conséquences d'une collision ou d'un accident survenu à l'occasion de la conduite du véhicule.
La preuve doit également établir que la conduite objectivement dangereuse adoptée par le conducteur constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait un conducteur raisonnable dans les mêmes circonstances, en l'occurrence, un policier. Le critère de l'écart marqué souligne le haut degré de négligence nécessaire pour engager la responsabilité criminelle. Ainsi, une imprudence, une simple négligence ou une erreur de jugement sont insuffisantes pour engager la responsabilité criminelle d'un individu.
L'accusation de conduite dangereuse causant des lésions corporelles ou la mort exige la preuve d'un lien de causalité entre la conduite du véhicule et de telles conséquences. À cet égard, la norme juridique applicable est que la conduite doit avoir contribué de manière appréciable aux lésions corporelles ou à la mort.
Par ailleurs, le CSR contient certaines dispositions relatives à la conduite d'un véhicule d'urgence. L'article 378 précise que le conducteur d'un véhicule d'urgence ne doit actionner les feux clignotants ou pivotants, ou les avertisseurs sonores, ou un dispositif de changement des signaux lumineux de circulation visés à l'article 255 dont est muni son véhicule, que dans l'exercice de ses fonctions et si les circonstances l'exigent. Il n'est alors pas tenu de respecter certaines dispositions du CSR.
Dans ce dossier, la preuve - les ondes radio, les rapports des policiers impliqués et les déclarations des passagers du véhicule fuyard - révèle que la poursuite policière n'a duré que quelques secondes. Les patrouilleurs y ont mis rapidement un terme lorsqu'ils ont constaté la vitesse à laquelle le conducteur réfractaire circulait.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du SPL impliqués dans cet événement.
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Source : Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
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