Enquête indépendante sur l'événement survenu à Lingwick le 26 octobre 2022 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 6 sept. 2023 /CNW/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers de la Sûreté du Québec (SQ).
L'analyse portait sur l'événement survenu à Lingwick le 26 octobre 2022 entourant le décès d'un homme.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à un procureur aux poursuites criminelles et pénales (procureur). Ce dernier a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. Le procureur a rencontré et informé les proches de la personne décédée des motifs de la décision.
Le 26 octobre 2022, deux policiers de la SQ circulent dans un véhicule de patrouille sur la route 108, dans une zone où la vitesse maximale permise est de 90 km/h. Vers 1 h 30, ils croisent une moto qui circule dans la voie inverse à environ 83 km/h. Les policiers constatent que le feu arrière de la moto n'est pas en fonction.
Les policiers font demi-tour afin d'intercepter la moto. Le véhicule de patrouille accélère, atteint une vitesse d'environ 125 km/h pendant quelques secondes, puis rattrape la moto. Alors qu'une distance d'environ quatre automobiles sépare le véhicule de patrouille de la moto, les policiers activent les gyrophares et réduisent leur vitesse à environ 90 km/h.
La moto accélère, puis tourne ensuite brusquement sur la route 257. Le véhicule de patrouille s'y engage également. Après avoir roulé environ 200 mètres, les policiers constatent que le motocycliste, qui se déplace à haute vitesse, n'a pas l'intention de s'immobiliser. Les policiers décident alors de mettre fin à l'intervention. Ils éteignent les gyrophares, puis rebroussent chemin.
Le motocycliste poursuit sa course. Selon l'analyse d'un reconstitutionniste, alors que le motocycliste circule à plus de 97 km/h dans une zone de 70 km/h, il freine au point de bloquer la roue arrière de la moto. La roue reste bloquée sur une distance d'environ 29 mètres. La moto tombe ensuite sur son côté droit. Le motocycliste chute, glisse au sol, puis entre en collision avec un poteau métallique soutenant une glissière de sécurité. L'impact cause des blessures fatales. L'accident se déroule à environ cinq kilomètres de l'endroit où les policiers ont mis fin à l'intervention.
À 5 h 39, une citoyenne contacte le 911 pour rapporter un accident impliquant une moto sur la route 257. À 6 h 03, des ambulanciers arrivent sur les lieux et trouvent le corps sans vie du motocycliste.
L'infraction de conduite dangereuse, décrite à l'article 320.13 du Code criminel, se définit comme le fait de conduire un véhicule à moteur d'une façon dangereuse pour le public, en tenant compte des circonstances, incluant l'utilisation qui en est faite, la nature et l'état du lieu ainsi que l'intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu. Le test applicable en matière de conduite dangereuse a été établi par la Cour suprême et prévoit que la preuve doit démontrer que la façon de conduire était objectivement dangereuse pour le public. À cet égard, c'est le risque de dommage ou de préjudice créé par la conduite qui doit être évalué, indépendamment des conséquences d'une collision ou d'un accident survenu à l'occasion de la conduite du véhicule.
La preuve doit également établir que la conduite objectivement dangereuse adoptée par le conducteur constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait un conducteur raisonnable dans les mêmes circonstances, en l'occurrence, un policier. Le critère de l'écart marqué souligne le haut degré de négligence nécessaire pour engager la responsabilité criminelle. Ainsi, une imprudence, une simple négligence ou une erreur de jugement sont insuffisantes pour engager la responsabilité criminelle d'un individu.
L'accusation de conduite dangereuse causant des lésions corporelles ou la mort exige la preuve d'un lien de causalité entre la conduite du véhicule et de telles conséquences. À cet égard, la norme juridique applicable est que la conduite doit avoir contribué de manière appréciable aux lésions corporelles ou à la mort.
Par ailleurs, le Code de la sécurité routière (CSR) contient certaines dispositions relatives à la conduite d'un véhicule d'urgence. L'article 378 précise que le conducteur d'un véhicule d'urgence ne doit actionner les feux clignotants ou pivotants, ou les avertisseurs sonores, ou un dispositif de changement des signaux lumineux de circulation visés à l'article 255 dont est muni son véhicule, que dans l'exercice de ses fonctions et si les circonstances l'exigent. Il n'est alors pas tenu de respecter certaines dispositions du CSR.
Dans ce dossier, l'intervention policière était légale. Lorsqu'ils ont décidé d'intercepter la moto, les policiers avaient constaté la commission d'une infraction au CSR.
Le véhicule de patrouille a brièvement circulé à haute vitesse, alors que les conditions routières étaient optimales et qu'il n'y avait pas d'autres usagers de la route.
Après avoir rattrapé la moto, les policiers ont ralenti au point de respecter la limite de vitesse applicable et activé les gyrophares afin de signaler au motocycliste qu'il devait s'immobiliser. La distance qui séparait alors le véhicule de patrouille de la moto était sécuritaire.
Dès qu'ils ont réalisé que le motocycliste prenait la fuite, les policiers ont mis fin à l'intervention. Les policiers ont décidé que la nature de l'infraction constatée ne justifiait pas d'entamer une poursuite et de mettre en péril leur sécurité ainsi que celle du motocycliste.
L'accident n'est pas attribuable à la conduite des policiers. Il résulte plutôt des manœuvres effectuées par le motocycliste après la fin de l'intervention policière.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'infractions criminelles par les policiers de la SQ impliqués dans cet événement.
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Source : Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
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