Enquête indépendante sur l'événement survenu à Montréal le 16 octobre 2022 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 29 nov. 2023 /CNW/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).
L'analyse portait sur l'événement survenu à Montréal le 16 octobre 2022 entourant la perte de conscience d'un homme.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à une procureure aux poursuites criminelles et pénales (procureure). Cette dernière a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. La procureure a informé la personne blessée de la décision.
Le 16 octobre 2022, vers 4 h 25 du matin, des policiers du SPVM répondent à un appel pour une bagarre générale à Montréal.
Le premier duo de policiers arrive sur le lieu et constate que la situation est chaotique. Ils voient un homme torse nu au visage ensanglanté prendre la fuite vers une ruelle. Ils poursuivent l'homme et lui demandent de se coucher au sol. L'homme collabore et est ensuite menotté. Les policiers constatent qu'il dégage une forte odeur d'alcool. Il déclare s'être battu et refuse de porter plainte. Il refuse également toute assistance médicale. Les policiers le libèrent et lui demandent de ne pas revenir sur les lieux de la bagarre.
Les deux policiers retournent sur le lieu de l'événement initial et poursuivent leur intervention en ordonnant aux personnes présentes de quitter les lieux. À un moment, ils aperçoivent d'autres policiers en présence d'un groupe d'individus semblant agressifs envers eux. Ils constatent également que l'homme arrêté et libéré est revenu sur les lieux et fait partie du groupe.
Le duo de policiers s'approche de leurs collègues et constate que l'homme arrêté auparavant se dirige rapidement avec des signes précurseurs d'assaut vers les agents qui tentent de maîtriser un autre individu. Les deux policiers s'interposent entre l'homme et les autres agents. Ils lui ordonnent à quelques reprises de reculer, mais il continue d'avancer. Un des policiers le pousse, ce qui le fait reculer, mais il refuse de collaborer et continue à avancer plus près d'eux. Il les insulte et les met au défi de le frapper et de l'arrêter. Il est alors à une distance d'un bras des policiers.
Les agents amorcent un contact initial pour le maîtriser. L'homme résiste activement. Ils sont incapables de prendre le contrôle de ses bras puisqu'il les bouge dans tous les sens. Ils tentent de l'amener au sol une première fois, sans succès puisqu'il perd l'équilibre mais ne tombe pas. À la seconde tentative, l'homme cède et penche son corps vers l'avant. Déséquilibrés, les policiers tombent avec lui. Sa tête atterrit sur l'asphalte et il est inconscient durant quelques secondes, puis se réveille à la suite des stimulations par frottement faites par l'un des policiers. Il est en mesure de parler et de bouger. Il est ensuite amené à l'hôpital où une fracture du crâne et une fracture du nez sont constatées.
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25(1) du Code criminel sont remplies.
L'article 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
Dans ce cas, chacune des interventions était légale. Les policiers étaient d'abord justifiés d'employer la force contre l'individu lors de sa première arrestation afin de mettre fin à une situation incontrôlée risquant de provoquer des blessures aux belligérants. Quant à la seconde arrestation, les policiers étaient tout aussi justifiés d'agir auprès de l'homme qui était sur le point de commettre une agression et, de surcroît, en flagrant délit d'entrave au travail des agents puisqu'il se trouvait à un endroit interdit. Alors qu'ils tentaient de maîtriser l'homme en l'amenant au sol, sa résistance active a contribué au déséquilibre de tous et par conséquent, à sa chute au sol. La force utilisée par les policiers était raisonnable et avait pour unique but de le maîtriser. Le fait que sa tête ait heurté le sol s'explique par les entraves et la résistance de l'homme.
Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par les policiers était justifié en vertu de l'article 25(1) du Code criminel. L'analyse de la preuve ne révèle pas à son avis la commission d'une infraction criminelle par les policiers du SPVM impliqués dans cet événement.
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant de toute considération de nature politique, et ce, de façon à préserver l'intégrité du processus judiciaire tout en assurant la protection de la société, dans la recherche de l'intérêt de la justice et de l'intérêt public, de même que dans le respect de la règle de droit et des intérêts légitimes des personnes victimes et des témoins.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Source : Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
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