Enquête indépendante sur l'événement survenu à Montréal le 17 décembre 2021: le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 8 nov. 2022 /CNW Telbec/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers de la Sûreté du Québec (SQ).
L'analyse portait sur l'événement survenu à Montréal le 17 décembre 2021 entourant le décès d'un jeune homme et d'un adolescent.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à une procureure aux poursuites criminelles et pénales (procureure). Cette dernière a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. La procureure a rencontré et informé les proches des personnes décédées des motifs de la décision.
Dans la nuit du 17 décembre 2021, deux policiers de la SQ circulent sur l'autoroute Décarie à Montréal à bord d'un véhicule de patrouille. Ils se retrouvent derrière un véhicule bleu.
Une recherche au Centre de renseignements policiers du Québec est faite car, selon l'expérience du policier conducteur, ce modèle de véhicule est prisé par les voleurs. Le renseignement obtenu indique que ce véhicule appartient à une femme dans la quarantaine. En passant à côté du véhicule pour voir le conducteur, ils constatent que les deux personnes à bord sont des jeunes hommes. Ils décident alors de les intercepter afin de procéder à des vérifications. L'agent qui conduit ralentit afin de laisser passer le véhicule. Le conducteur du véhicule ralentit également et reste derrière le véhicule de patrouille.
L'agent actionne les gyrophares et utilise le porte-voix pour ordonner à plusieurs reprises en anglais et en français au conducteur du véhicule suspect d'aller dans l'accotement de droite. Le véhicule suspect continue sa route sans obtempérer aux demandes de l'agent.
À l'approche d'une zone de travaux, l'agent actionne la sirène pour signifier son intention d'intercepter le véhicule. Le conducteur du véhicule accélère et se faufile devant un camion. Étant dans une zone de rétrécissement, le véhicule de patrouille se retrouve ainsi derrière le camion et perd momentanément de vue le véhicule fuyard.
Lorsque les policiers réussissent à dépasser le camion, ils voient de loin le véhicule fuyard prendre une sortie en pente montante qui est suivie d'une courbe prononcée vers la gauche.
Ils voient le véhicule tourner à gauche. Ensuite, ils le perdent de vue en raison de la distance et de la courbe prononcée du virage. Quelques instants plus tard, ils aperçoivent un nuage d'étincelles. Ils s'approchent du lieu, mais ne voient pas le véhicule. Cependant, ils aperçoivent un parechoc au sol et concluent que le véhicule a dû passer au-dessus du viaduc. Ils entreprennent alors la recherche du véhicule dans le secteur.
Un duo de policiers venu en renfort localise le véhicule lourdement accidenté en bas du viaduc ainsi que deux personnes au sol à proximité qui semblent avoir été éjectées du véhicule. Les ambulanciers et les pompiers arrivent sur place. Le jeune homme et l'adolescent décèdent à la suite de cet accident.
L'infraction de conduite dangereuse, décrite à l'article 320.13 du Code criminel, se définit comme le fait de conduire un véhicule à moteur d'une façon dangereuse pour le public, en tenant compte des circonstances, incluant l'utilisation qui en est faite, la nature et l'état du lieu ainsi que l'intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu. Le test applicable en matière de conduite dangereuse a été établi par la Cour suprême et prévoit que la preuve doit démontrer que la façon de conduire était objectivement dangereuse pour le public. À cet égard, c'est le risque de dommage ou de préjudice créé par la conduite qui doit être évalué, indépendamment des conséquences d'un accident survenu à l'occasion de la conduite du véhicule.
La preuve doit également établir que la conduite objectivement dangereuse adoptée par le conducteur constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait un conducteur raisonnable dans les mêmes circonstances, en l'occurrence, un policier. Le critère de l'écart marqué souligne le haut degré de négligence nécessaire pour engager la responsabilité criminelle. Ainsi, une imprudence, une simple négligence ou une erreur de jugement sont insuffisantes pour engager la responsabilité criminelle d'un individu.
Par ailleurs, le Code de la sécurité routière contient certaines dispositions relatives à la conduite d'un véhicule d'urgence. L'article 378 précise que le conducteur d'un véhicule d'urgence ne doit actionner les feux clignotants ou pivotants ou les avertisseurs sonores ou un dispositif de changement des signaux lumineux de circulation visés à l'article 255 dont est muni son véhicule, que dans l'exercice de ses fonctions et si les circonstances l'exigent. Il n'est alors pas tenu de respecter certaines dispositions du Code.
Dans ce dossier, l'ensemble de la preuve démontre que la conduite des policiers n'est pas en cause dans l'accident. Le rapport d'un reconstitutionniste ainsi que les images captées par une caméra de surveillance du ministère des Transports du Québec corroborent la version des policiers à l'effet que le véhicule fuyard roulait à grande vitesse lorsqu'il a percuté le muret de ciment et que le véhicule de patrouille se trouvait à une bonne distance derrière celui-ci.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers de la SQ impliqués dans cet événement.
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, quebec.ca/gouv/dpcp
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