Enquête indépendante sur l'événement survenu à Montréal le 17 septembre 2022 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 13 sept. 2024 /CNW/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par le policier du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).
L'analyse portait sur l'événement survenu à Montréal le 17 septembre 2022 entourant le décès d'un homme.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à une procureure aux poursuites criminelles et pénales (procureure). Cette dernière a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. La procureure a rencontré et informé les proches de la personne décédée des motifs de la décision.
Événement
Le 17 septembre 2022, une proche d'un homme se présente chez ce dernier. Un conflit éclate entre l'homme et la femme et celle-ci appelle la police à 12 h 12.
À 12 h 14, l'homme téléphone à sa superviseure et tient des propos suicidaires. Lorsqu'ils raccrochent, sa superviseure fait des démarches pour obtenir l'adresse de l'homme et appelle le 911 à 12 h 25. Au même moment, l'homme téléphone à une proche et tient à nouveau des propos suicidaires. Il lui mentionne qu'aujourd'hui, soit il se tue, soit c'est la police qui va le tuer.
À 12 h 44, un premier duo de policiers se présente au domicile de l'homme. Dès les premiers contacts des policiers avec l'homme, celui-ci verbalise des propos suicidaires. Un des policiers sort de l'appartement pour appeler les services d'urgence en vue d'obtenir des soins pour l'homme. Pendant ce temps, l'homme dit à la policière qu'il veut qu'elle le tue en regardant son arme de service. La policière remarque que l'homme met ses mains derrière son dos. Elle lui ordonne de montrer ses mains. Alerté par le ton de sa partenaire, le policier qui était sorti de l'appartement ouvre la porte. La policière ordonne à nouveau à l'homme de montrer ses mains. L'homme sort une petite arme à feu noire de ses pantalons.
Les policiers sortent rapidement de l'appartement et se dirigent vers l'extérieur. Ils sont suivis par l'homme qui a toujours son arme à feu à la main. L'homme poursuit le policier sur plusieurs mètres puis, à 12 h 50, il est perdu de vue par les policiers. Sur les ondes radio, les policiers précisent que l'homme leur demande clairement de le tirer et que son arme serait possiblement une arme à feu jouet, sans toutefois pouvoir le confirmer.
Dans les minutes qui suivent, des policiers arrivent en renfort et forment un quadrilatère afin de repérer l'homme.
À 12 h 58, trois policiers repèrent l'homme qui se situe à une quinzaine de mètres d'eux. Celui-ci change brusquement de direction pour foncer vers eux lorsqu'il les aperçoit. Les policiers se barricadent derrière une autopatrouille, sortent leur arme de service et pointent l'homme. Un policier lui ordonne de ne pas avancer et de jeter son arme au sol. L'homme continue d'avancer rapidement vers eux en pointant son arme dans la direction des policiers. Les policiers tentent de se déplacer autour du véhicule pour gagner du temps et de la distance par rapport à l'homme. Pendant ce temps, un policier continue de lui ordonner de lâcher son arme à plusieurs reprises. L'homme n'obtempère pas et contourne le véhicule afin de s'approcher des policiers. Alors que l'homme se trouve à une distance d'environ trois mètres des policiers, un de ceux-ci fait feu à trois reprises vers l'homme. Celui-ci tombe au sol. Il est alors 12 h 59. Les policiers demandent qu'une ambulance soit appelée sur les lieux immédiatement et prodiguent les premiers soins à l'homme. Une arme jouet de couleur noire en plastique se trouve au sol, à proximité de l'homme. Son décès est constaté à l'hôpital à 13 h 45.
Analyse du DPCP
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25(3) du Code criminel sont remplies.
L'article 25(3) précise qu'un policier peut, s'il agit sur la foi de motifs raisonnables, utiliser une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves s'il croit que cela est nécessaire afin de se protéger ou encore de protéger les personnes sous sa protection contre de telles conséquences.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
Dans ce dossier, la preuve révèle que l'homme a foncé vers les policiers en feignant d'être armé d'une véritable arme à feu dans le but que ceux-ci utilisent la force à son endroit et provoquent sa mort. Les policiers n'ont eu que quelques secondes pour réagir face au danger imminent que représentait l'homme à leur endroit. Ils ont cherché à se servir de l'autopatrouille comme barricade et à se déplacer autour du véhicule pour s'éloigner de l'homme, mais en vain. L'emploi de la force était justifié afin d'assurer la sécurité et la vie des personnes. Considérant que l'homme représentait une menace imminente pour la vie des policiers puisqu'il pointait en leur direction ce qui ressemblait à une arme à feu, qu'il ne réagissait pas aux ordres des policiers et qu'il fonçait délibérément vers eux, les policiers avaient des motifs raisonnables d'estimer que la force appliquée à l'endroit de l'homme était nécessaire pour leur protection contre des lésions corporelles graves ou la mort.
Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par le policier était justifié en vertu de l'article 25(3) du Code criminel. L'analyse de la preuve ne révèle pas à son avis la commission d'une infraction criminelle par le policier du SPVM impliqué dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant de toute considération de nature politique, et ce, de façon à préserver l'intégrité du processus judiciaire tout en assurant la protection de la société, dans la recherche de l'intérêt de la justice et de l'intérêt public, de même que dans le respect de la règle de droit et des intérêts légitimes des personnes victimes et des témoins.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Source : Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
Partager cet article