Enquête indépendante sur l'événement survenu à Montréal le 28 mars 2024 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 4 mars 2025 /CNW/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par un policier du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).
L'analyse portait sur l'événement survenu à Montréal le 28 mars 2024 entourant le décès de deux adolescents.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à une procureure aux poursuites criminelles et pénales (procureure). Cette dernière a procédé à un examen complet de la preuve, afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. La procureure a rencontré et informé les proches d'une des personnes décédées des motifs de la décision. Malgré de nombreuses tentatives pour joindre les proches de la deuxième personne décédée, ceux-ci n'ont pu être informés des motifs de la décision.
Événement
Le 28 mars 2024 vers 5 h du matin, des appels sont faits au 911 par des automobilistes circulant à Montréal dans le secteur du boulevard Pie-IX à la hauteur de la rue de Bellechasse. Les appelants relatent qu'une personne conduirait dangereusement un véhicule et que des coups de feu auraient été tirés en provenance de ce véhicule. Un des appelants relate avoir été blessé à l'épaule. Le véhicule est décrit par les appelants comme un véhicule utilitaire sport (VUS) gris, accidenté et la plaque d'immatriculation du véhicule est identifiée.
Suivant la description du véhicule recherché donnée sur les ondes radio, un policier du SPVM circulant en autopatrouille dans ce secteur indique sur les ondes radio qu'il a localisé un véhicule correspondant à la description donnée vers 5 h 30. Selon une preuve vidéo au dossier, l'autopatrouille a allumé ses gyrophares et a poursuivi le VUS. La preuve vidéo révèle aussi que les deux véhicules roulent sur un feu rouge, le premier étant le VUS et le deuxième, l'autopatrouille, à peine quelques secondes plus tard. Le policier qui conduit l'autopatrouille indique rapidement sur les ondes radio qu'il perd de vue le VUS. Il n'est pas possible de savoir sur quelle distance la poursuite a eu lieu avant que l'autopatrouille perde de vue le VUS1.
Simultanément au moment où l'autopatrouille perd de vue le VUS, des appels sont faits au 911 par des résidents de la rue Saint-Zotique. Ceux-ci indiquent qu'un véhicule vient de percuter un arbre situé devant l'immeuble à logements et qu'il est gravement endommagé. La description du véhicule est donnée et correspond au VUS. Des appelants mentionnent qu'une autopatrouille avec les gyrophares allumés est passée devant le lieu de l'accident environ une minute suivant celui-ci, sans s'arrêter. Un appelant mentionne que le VUS est sorti de la voie publique et qu'il est difficile de le voir de la rue. Des véhicules sont stationnés devant le lieu de l'accident.2
Plusieurs véhicules de patrouille se sont rendus sur les lieux très peu de temps après l'accident. Après avoir sécurisé les lieux, les policiers présents sont allés secourir le conducteur et le passager avec l'aide des ambulanciers présents.
Le décès du conducteur a rapidement été constaté sur les lieux. Le passager a été transporté à l'hôpital où son décès a également été constaté.
Analyse du DPCP
L'infraction de conduite dangereuse, décrite à l'article 320.13 du Code criminel, se définit comme le fait de conduire un véhicule à moteur d'une façon dangereuse pour le public, en tenant compte des circonstances, incluant l'utilisation qui en est faite, la nature et l'état du lieu ainsi que l'intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu. Le test applicable en matière de conduite dangereuse a été établi par la Cour suprême et prévoit que la preuve doit démontrer que la façon de conduire était objectivement dangereuse pour le public. À cet égard, c'est le risque de dommage ou de préjudice créé par la conduite qui doit être évalué, indépendamment des conséquences d'une collision ou d'un accident survenu à l'occasion de la conduite du véhicule.
La preuve doit également établir que la conduite objectivement dangereuse adoptée par le conducteur constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait un conducteur raisonnable dans les mêmes circonstances, en l'occurrence, un policier. Le critère de l'écart marqué souligne le haut degré de négligence nécessaire pour engager la responsabilité criminelle. Ainsi, une imprudence, une simple négligence ou une erreur de jugement sont insuffisantes pour engager la responsabilité criminelle d'un individu.
L'accusation de conduite dangereuse causant des lésions corporelles ou la mort exige la preuve d'un lien de causalité entre la conduite du véhicule et de telles conséquences. À cet égard, la norme juridique applicable est que la conduite doit avoir contribué de manière appréciable aux lésions corporelles ou à la mort.
Par ailleurs, le Code de la sécurité routière (CSR) contient certaines dispositions relatives à la conduite d'un véhicule d'urgence. L'article 378 précise que le conducteur d'un véhicule d'urgence ne doit actionner les feux clignotants ou pivotants, ou les avertisseurs sonores, ou un dispositif de changement des signaux lumineux de circulation visés à l'article 255 dont est muni son véhicule, que dans l'exercice de ses fonctions et si les circonstances l'exigent. Il n'est alors pas tenu de respecter certaines dispositions du CSR.
Dans ce dossier, le reconstitutionniste conclut que le conducteur du VUS a tenté une manœuvre de virage vers la droite, qui était trop prononcée pour la vitesse de déplacement du véhicule, ce qui a engendré un dérapage de celui-ci. La vitesse enregistrée avant l'éveil du module de contrôle des dispositifs de sécurité était de 128 km/h, 1,40 seconde avant la collision avec l'arbre. La collision du VUS avec l'arbre est donc attribuable à une manœuvre de virage effectuée alors que la vitesse de déplacement du véhicule était trop élevée.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par le policier du SPVM dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant de toute considération de nature politique, et ce, de façon à préserver l'intégrité du processus judiciaire tout en assurant la protection de la société, dans la recherche de l'intérêt de la justice et de l'intérêt public, de même que dans le respect de la règle de droit et des intérêts légitimes des personnes victimes et des témoins.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
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1 Depuis la décision de la Cour d'appel le 30 avril 2024 (PGQ c. Fédération des policiers et policières municipaux du Québec et al.), les policiers impliqués n'ont plus l'obligation de rédiger un compte rendu sur les faits survenus lors de l'événement à l'intention du BEI devant ensuite être transmis par le corps de police au BEI en vertu du Règlement sur les enquêtes indépendantes. Ainsi, dans ce dossier, ayant déjà obtenu les comptes rendus du policier impliqué, le BEI a retiré ceux-ci du dossier, celui-ci ayant été soumis au DPCP après le 30 avril 2024. Le dossier ne comporte aucune preuve relativement aux notes policières du policier conduisant l'autopatrouille qui a fait la poursuite du VUS. |
2 Le dossier ne comporte aucune preuve relativement aux notes policières du policier qui est passé devant l'accident sans s'arrêter. |
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales

Source : Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
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