Enquête indépendante sur l'événement survenu à Montréal le 4 août 2022 : motifs pour lesquels aucune accusation n'a été portée
QUÉBEC, le 17 sept. 2024 /CNW/ - L'enquête du Bureau du coroner étant complétée, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) expose les motifs l'ayant mené à conclure, dans son communiqué intérimaire du 12 septembre 2023, que l'analyse de la preuve ne révélait pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).
Cette décision faisait suite à l'examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec l'événement survenu à Montréal (arrondissement Saint-Laurent) le 4 août 2022 entourant le décès d'un homme.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI avait été confié à une procureure aux poursuites criminelles et pénales (procureure). Cette dernière avait procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révélait la commission d'infractions criminelles. La procureure a informé les proches de la personne décédée des motifs de la décision.
Le 4 août 2022, tôt le matin, les agents du groupe tactique d'intervention (GTI) du SPVM planifient l'exécution d'une opération d'entrée dynamique visant à procéder à l'arrestation d'un homme suspecté d'avoir commis trois homicides dans les jours précédents.
L'homme est localisé dans une chambre d'un motel à Montréal. Avant que l'équipe du GTI, composée de huit agents, exécute l'opération planifiée, une évaluation de risque est complétée et un mandat d'entrée est obtenu.
Vers 6 h 50, deux agents du GTI défoncent la porte de la chambre à l'aide du bélier et annoncent leur présence. Au même moment, un troisième agent lance un dispositif de distraction dans la chambre.
Dans les secondes suivant l'ouverture de la porte, les agents constatent que l'homme se lève rapidement du lit et s'installe au pied de celui-ci. Il pointe une arme et fait feu en direction des policiers. Un des agents réplique de quatre coups de feu avec son arme longue.
Un autre des agents voit par l'embrasure de la porte que l'homme maintient encore les bras tendus vers l'avant. Il fait donc feu à une reprise avec son arme.
À la suite des coups de feu et en l'absence de réaction de l'homme, plusieurs actions sont entreprises afin de valider son état de conscience à savoir : tirs à l'aide d'une ARWEN de deux bâtons cinétiques sur la pointe visible d'une épaule de l'homme et déploiement d'un dispositif de distraction près des jambes. L'homme ne réagit pas aux stimuli utilisés.
Un robot est déployé afin de capter des images et la caméra télescopique corrobore l'absence de réaction de l'homme. N'ayant constaté aucun autre mouvement, les agents du GTI effectuent une entrée dans la chambre et constatent la présence de l'homme inanimé au sol.
Le GTI sécurise les lieux et l'équipe du groupe médical d'urgence se rend près de l'homme afin de lui prodiguer les soins nécessaires. Le décès de l'homme est constaté sur les lieux à 8 h.
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées aux articles 25(1) et 25(3) du Code criminel sont remplies.
L'article 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
L'article 25(3) précise qu'un policier peut, s'il agit sur la foi de motifs raisonnables, utiliser une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves s'il croit que cela est nécessaire afin de se protéger ou encore de protéger les personnes sous sa protection contre de telles conséquences.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
Dans ce dossier, l'intervention était légale et se fondait principalement sur le devoir imposé aux policiers d'assurer la sécurité du public et de procéder à l'arrestation de l'homme. Considérant le contexte menant à l'intervention policière, les armes en sa possession et ses enjeux connus de santé mentale, les policiers avaient des motifs raisonnables de prévoir que la force appliquée à l'endroit de l'homme était nécessaire pour la protection du public contre des lésions corporelles graves ou la mort.
Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par les policiers était justifié en vertu des articles 25(1) et 25(3) du Code criminel. L'analyse de la preuve ne révèle pas à son avis la commission d'une infraction criminelle par les policiers du SPVM impliqués dans cet événement.
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant de toute considération de nature politique, et ce, de façon à préserver l'intégrité du processus judiciaire tout en assurant la protection de la société, dans la recherche de l'intérêt de la justice et de l'intérêt public, de même que dans le respect de la règle de droit et des intérêts légitimes des personnes victimes et des témoins.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Source : Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
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