Enquête indépendante sur l'événement survenu à Puvirnituq le 30 septembre 2022 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 2 mars 2023 /CNW/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Police Service Nunavik (PSN).
L'analyse portait sur l'événement survenu à Puvirnituq le 30 septembre 2022 entourant le décès d'une femme.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à une procureure aux poursuites criminelles et pénales (procureure). Cette dernière a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle-ci révèle la commission d'infractions criminelles. Malgré de nombreuses tentatives pour les joindre, les proches de la personne décédée n'ont pu être informés des motifs de la décision.
Le 30 septembre 2022 à 17 h 15, un appel est fait au poste de police de Puvirnituq. Le plaignant demande l'assistance des policiers, car deux femmes se disputent dans le stationnement de la coopérative (CO-OP). Deux agents de la Sûreté du Québec (SQ) et deux agents du PSN arrivent sur les lieux quelques minutes plus tard. L'intervention des policiers n'est plus requise car une des femmes impliquées a déjà quitté les lieux. Les agents quittent la CO-OP.
Le plaignant rappelle au poste vers 17 h 35 pour les informer que la femme est de nouveau à la CO-OP. Les deux agents du PSN retournent sur les lieux et localisent la femme près de l'entrée. Les agents placent la femme en état d'arrestation pour ivresse sur la voie publique et l'escortent jusqu'au véhicule de patrouille. Les policiers la conduisent au poste afin qu'elle puisse dégriser, une démarche qui s'avère fréquente au sein du PSN en pareille situation. Durant le transport, à l'insu des agents, la femme sort une petite bouteille d'alcool camouflée dans son soutien-gorge et en consomme quelques onces avant de la lancer au fond du véhicule de patrouille.
Arrivée au centre de détention en compagnie des agents, la femme est placée en cellule. Cette dernière se couche sur le matelas dans la cellule, se tourne sur le côté et s'endort. Un agent civil est présent au poste afin d'effectuer la surveillance de la femme pendant que les agents quittent pour répondre à d'autres appels. L'agent civil vérifie l'état de la femme à travers la porte de la cellule à 17 h 51 et ne constate rien d'anormal. Une caméra qui filme l'intérieur de la cellule permet de constater que la femme se tourne sur son matelas à 18 h 39. L'agent civil vérifie de nouveau l'état de la femme à travers la porte à 19 h 15 et constate qu'elle ne semble plus respirer. Il appelle les agents afin qu'ils reviennent au poste.
Vers 19 h 20, les deux agents du PSN ainsi que des agents de la SQ arrivent au poste de police pour vérifier l'état de la femme. Cette dernière n'a plus de pouls, les agents débutent les manœuvres de réanimation. La femme est transportée à l'hôpital où son décès est constaté à 19 h 52.
Le rapport d'autopsie conclut que la femme est décédée à la suite d'une asphyxie causée par du contenu gastrique, le tout étant attribuable à son état d'intoxication.
La preuve au dossier d'enquête ne permet pas de conclure que les policiers impliqués ont fait preuve de négligence criminelle causant la mort.
En matière de négligence criminelle, il est interdit à une personne d'accomplir un geste ou d'omettre de poser un geste que la loi exige qu'il pose, lorsque cela montre une insouciance déréglée ou téméraire à l'égard de la vie ou de la sécurité d'autrui.
La simple négligence dans l'accomplissement d'un acte, ou le fait de ne pas remplir une obligation imposée par la loi, sont toutefois insuffisants pour conclure à la négligence criminelle. La conduite doit représenter « un écart marqué et important par rapport à la conduite d'une personne raisonnablement prudente », en l'occurrence, un policier placé dans la même situation, distinguant ainsi la faute civile de la faute criminelle.
Par ailleurs, la négligence criminelle ne constitue pas une infraction autonome. La négligence, pour être de nature criminelle, doit conduire à la mort ou à des lésions corporelles. De plus, toute forme de contribution à la mort ou aux lésions corporelles n'est pas criminelle. Pour être punissables, les gestes ou les omissions doivent avoir contribué de façon appréciable, c'est-à-dire plus que mineure aux lésions corporelles ou encore au décès d'une autre personne.
La preuve au dossier d'enquête permet d'exclure tout usage de la force comme élément contributif du décès. La preuve démontre que la femme était seule dans la cellule au moment de son décès et que les policiers n'ont pas contrevenu à leurs obligations qui concernent l'incarcération des personnes sous garde. L'autopsie n'a démontré aucune cause anatomique ou traumatique de décès.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les agents du PSN impliqués dans cet événement.
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
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