Enquête indépendante sur l'événement survenu à Québec le 20 mars 2023 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 6 déc. 2023 /CNW/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police de la Ville de Québec (SPVQ).
L'analyse portait sur l'événement survenu à Québec le 20 mars 2023 entourant le décès d'un homme.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à une procureure aux poursuites criminelles et pénales (procureure). Cette dernière a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. Des tentatives pour joindre une proche de la personne décédée ont été faites pour l'informer des motifs de la décision.
Le 20 mars 2023 à 17 h 24, un premier appel est fait au 911 concernant une dispute conjugale. L'appelante est toujours en ligne avec la répartitrice, lorsqu'il est constaté qu'il s'agit plutôt d'une agression au couteau survenue dans un immeuble à logements situé sur le chemin Sainte-Foy à Québec.
La preuve révèle que plusieurs autres appels sont faits au 911 entre 17 h 25 et 17 h 38, dont deux concernant une femme poignardée à proximité de l'immeuble visé par le premier appel. Un chien a également été poignardé dans un logement.
Un duo de policiers du SPVQ est assigné à l'appel. Durant le trajet, une demande de renfort est faite ainsi qu'une demande pour un opérateur d'arme à impulsion électrique. Vers 17 h 28, le véhicule de patrouille est immobilisé devant l'immeuble concerné et l'homme suspecté de l'agression est rapidement localisé.
Un homme se trouve dans le stationnement de l'immeuble concerné. Il tient un couteau dans chaque main ayant chacun une lame d'environ 8 pouces. Il est immobile et brandit les couteaux dans ses mains en les levant par moments dans les airs et en les pointant vers les policiers de manière menaçante.
De l'autre côté de la rue, une femme est couchée sur le côté nord du trottoir et son manteau est taché d'une importante quantité de sang. Quelques personnes lui portent assistance.
Le policier positionne son véhicule de patrouille de biais dans le milieu de la rue afin de bloquer le passage de l'homme vers la femme blessée au sol. Après le déplacement du véhicule, l'homme arrête d'avancer et se trouve alors dans le stationnement à environ 10 mètres du trottoir.
Pour des raisons de sécurité, les policiers demeurent à l'intérieur du véhicule. Le policier passager abaisse sa vitre à deux reprises et somme l'homme de lâcher ses couteaux et de se coucher au sol. Ce dernier n'obtempère pas.
L'homme crie des propos incompréhensibles et regarde le conducteur dans les yeux en brandissant toujours les deux couteaux devant lui.
Craignant que l'homme décide de traverser la rue afin de s'en prendre à nouveau à la femme, le policier conducteur le pointe avec son arme à feu devant le pare-brise. L'homme le regarde fixement, ne bouge pas, mais pointe ses couteaux vers les policiers en criant à plusieurs reprises « tire-moi ».
Le policier repositionne alors son véhicule un peu plus loin afin de se distancer, de gagner du temps et pour bloquer la circulation.
Les policiers sortent du véhicule et se barricadent derrière leur portière respective en pointant chacun leur arme à feu en direction de l'homme.
Dans les instants qui suivent, plusieurs véhicules de patrouille du SPVQ arrivent sur les lieux et des policiers portent assistance à la femme blessée couchée au sol.
L'homme s'avance vers les policiers barricadés, en tenant toujours ses couteaux à la main, pour se trouver maintenant à deux ou trois mètres du trottoir.
L'un des policiers crie à l'homme de lâcher les couteaux et de se coucher par terre en le pointant avec son arme à feu. L'homme ne collabore pas et répète sans cesse : « tire-moi, tire-moi ». Le policier réitère les ordres à plusieurs reprises sans succès.
L'homme demeure debout avec les couteaux dans ses mains. Constatant que des personnes sortant de l'immeuble se trouvent dans sa ligne de tir, le policier va rejoindre son collègue du côté passager en passant par l'arrière du véhicule.
Un lieutenant s'approche du véhicule de patrouille l'arme à feu à la main en criant « trottoir, zone de tolérance ».
L'homme se trouve maintenant en bordure du trottoir à environ 5 mètres des policiers. Soudainement, ce dernier avance rapidement en direction des deux policiers en les pointant toujours avec ses couteaux.
Vers 17 h 32, au moment où l'homme s'avance et quitte le trottoir pour mettre les pieds dans la rue en direction des policiers, un des deux policiers fait feu à deux reprises en direction de l'homme. Ce dernier est atteint et tombe au sol en lâchant les couteaux, qui sont par la suite éloignés à coup de pied par le policier ayant fait feu. L'homme se relève brièvement pour être ensuite maîtrisé et menotté par plusieurs policiers.
Des ambulanciers arrivent sur les lieux et portent assistance à la femme blessée au sol. Une seconde ambulance prend en charge l'homme atteint par un des tirs. Les blessés sont conduits vers un centre hospitalier où le décès de l'homme est constaté.
Une vidéo filmée par une citoyenne montre la séquence relative au comportement menaçant de l'homme et aux coups de feu qui ont suivi.
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25(3) du Code criminel sont remplies.
L'article 25(3) précise qu'un policier peut, s'il agit sur la foi de motifs raisonnables, utiliser une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves s'il croit que cela est nécessaire afin de se protéger ou encore de protéger les personnes sous sa protection contre de telles conséquences.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
Dans ce dossier, l'intervention auprès de l'homme était légale. Les policiers devaient intervenir auprès de celui-ci afin de tenter de le désarmer et de procéder à son arrestation, puisqu'il venait d'attaquer deux personnes et qu'il constituait manifestement un danger pour autrui.
La preuve révèle que l'homme armé de deux couteaux s'est avancé rapidement en direction des policiers. Le policier qui a fait feu avait des motifs raisonnables d'estimer que la force appliquée à l'endroit de l'homme était nécessaire pour sa protection et celle de son collègue contre des lésions corporelles graves ou la mort.
Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par les policiers était justifié en vertu de l'article 25(3) du Code criminel. L'analyse de la preuve ne révèle pas à son avis la commission d'une infraction criminelle par les policiers du SPVQ dans cet événement.
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant de toute considération de nature politique, et ce, de façon à préserver l'intégrité du processus judiciaire tout en assurant la protection de la société, dans la recherche de l'intérêt de la justice et de l'intérêt public, de même que dans le respect de la règle de droit et des intérêts légitimes des personnes victimes et des témoins.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Source : Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
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