Enquête indépendante sur l'événement survenu à Québec le 27 juillet 2023 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 5 août 2024 /CNW/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police de la Ville de Québec (SPVQ).
L'analyse portait sur l'événement survenu à Québec le 27 juillet 2023 entourant le décès d'un homme.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à une procureure aux poursuites criminelles et pénales (procureure). Cette dernière a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. La procureure a informé les proches de la personne décédée des motifs de la décision.
Événement
Le 27 juillet 2023, vers 11 h 21, une femme compose le 911 et s'adresse à la répartitrice de la centrale. Elle l'informe qu'un homme semblant intoxiqué erre devant l'entrée de l'édifice public où elle travaille. Il a un comportement instable, se parle à lui-même et est intimidant auprès des autres usagers.
Une fois les informations relayées sur les ondes policières du SPVQ, un policier et une policière se dirigent, en duo, vers l'adresse mentionnée. Arrivés au coin de la rue, ils constatent que l'homme en question est sur le trottoir et qu'il se dirige vers eux.
Les policiers tentent de discuter avec ce dernier, mais au moment où il lui est demandé de fournir une pièce d'identité, l'homme change d'attitude. Il réagit en se braquant et en bougeant frénétiquement de l'avant vers l'arrière. Il devient colérique et monte le ton en répétant connaître ses droits. Il exige qu'on le laisse tranquille. L'homme serre les poings, frappe dans le vide ainsi que sur son torse et jette son sac à dos sur le sol. Il continue de crier, puis commence à se dévêtir. Les policiers tentent de le calmer, en vain. Le policier dépose sa main sur son dispositif d'aérosol capsique (poivre de Cayenne) afin de maîtriser l'homme, mais celui-ci gesticule agressivement et ne cesse de lever les bras vers son visage. L'homme élève davantage la voix et n'obtempère à aucun des avertissements formulés. Il lève le poing et fixe les policiers avec un air menaçant avant de se saisir d'un couteau situé dans son pantalon, puis d'avancer à grande vitesse en direction de la policière.
Dès qu'elle aperçoit l'arme blanche, la policière en informe son partenaire qui est dorénavant derrière l'homme, puis somme fermement ce dernier de lâcher son arme. Dans le but de prendre barricade à l'arrière de son véhicule de patrouille, elle recule dans la voie publique où il y a de la circulation. L'homme continue d'avancer rapidement en pointant son couteau vers elle. Craignant sérieusement pour la sécurité de sa partenaire, alors positionnée à trois pieds seulement de l'homme, le policier fait feu à trois reprises en direction de ce dernier avec son arme de service. L'homme est atteint de trois balles dans le dos. Les coups de feu cessent immédiatement dès qu'il s'effondre au sol. Il est ensuite retourné sur le côté, puis menotté dans le dos par les deux policiers. Quelques secondes plus tard, un troisième policier se présente sur place pour prêter assistance à ses collègues. Après avoir sécurisé les lieux, les policiers démenottent immédiatement l'homme et débutent les premiers soins à son endroit.
Presque simultanément, plusieurs membres du personnel ambulancier qui se trouvaient à proximité des lieux de l'évènement se déplacent rapidement afin de de poursuivre les manœuvres de réanimation.
Vers 11 h 37, l'homme est admis à l'hôpital qui est situé à quelques mètres seulement. Son décès est constaté vers 11 h 56. Le rapport de la pathologiste judiciaire indique que le décès est attribuable à un traumatisme thoraco‑abdominal par projectiles d'armes à feu.
Analyse du DPCP
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées aux articles 25(1) et 25(3) du Code criminel sont remplies.
L'article 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
L'article 25(3) précise qu'un policier peut, s'il agit sur la foi de motifs raisonnables, utiliser une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves s'il croit que cela est nécessaire afin de se protéger ou encore de protéger les personnes sous sa protection contre de telles conséquences.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
Dans ce dossier, l'intervention initiale des agents de la paix était légale puisqu'elle reposait principalement sur leur devoir d'assurer le maintien de l'ordre et de la sécurité publique. Cette intervention tire son fondement d'un appel fait au 911 par une employée d'un établissement public, préoccupée par la sécurité des citoyens du secteur alors exposés à un homme intimidant et possiblement intoxiqué.
Aussitôt dépêchés sur les lieux, les policiers sont confrontés à un individu imprévisible et menaçant qui refuse d'obtempérer, malgré leurs nombreux avertissements.
Le niveau de dangerosité de la situation escalade rapidement lorsque l'homme commence à crier, puis à lever les poings dans les airs en se frappant sur le torse et en pointant les agents. Le danger est réel et imminent lorsqu'il saisit une arme blanche dans son pantalon et se dirige rapidement vers la policière, le poing toujours levé. Agressif, l'homme refuse volontairement de se plier aux injonctions formulées. De plus, comme il ne cesse de gesticuler, l'usage de l'aérosol capsique (poivre de Cayenne) initialement considéré par le policier pour contrôler l'homme ne peut finalement être envisagé dans les circonstances.
À de multiples occasions, les deux policiers ordonnent fermement à l'homme de lâcher son arme, sans succès. La policière ne se trouve plus qu'à trois pieds de l'homme lorsqu'il fonce sur elle, tant et si bien qu'elle se voit contrainte de reculer dans la voie publique afin de trouver barricade derrière son véhicule de patrouille.
Dans ces circonstances, le troisième policier s'est fondé sur des motifs raisonnables de croire que sa vie ainsi que celle de sa partenaire étaient en péril, et qu'il était nécessaire d'employer une force de nature à causer la mort ou des lésions corporelles graves pour contrôler la menace létale en présence. Les coups de feu tirés en direction de l'homme ont d'ailleurs cessé dès que ce dernier a lâché son arme sur le sol.
Aussitôt les ondes radios avisées, les agents ont été en mesure de sécuriser efficacement les lieux en vue d'assurer la prise en charge de l'homme. Les premiers soins ont ensuite été prodigués très rapidement.
Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par les policiers était justifié en vertu des articles 25(1) et 25(3) du Code criminel. L'analyse de la preuve ne révèle pas à son avis la commission d'une infraction criminelle par les policiers du SPVQ impliqués dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant de toute considération de nature politique, et ce, de façon à préserver l'intégrité du processus judiciaire tout en assurant la protection de la société, dans la recherche de l'intérêt de la justice et de l'intérêt public, de même que dans le respect de la règle de droit et des intérêts légitimes des personnes victimes et des témoins.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Source : Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
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