Enquête indépendante sur l'événement survenu à Québec le 31 juillet 2021 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 8 févr. 2023 /CNW Telbec/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par le policier du Service de police de la Ville de Québec (SPVQ).
L'analyse portait sur l'événement entourant les blessures subies par un homme à Québec le 31 juillet 2021.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à un comité composé de deux procureurs aux poursuites criminelles et pénales (procureurs). Ces derniers ont procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle-ci révèle la commission d'infractions criminelles. La personne blessée a été informée des motifs de la décision.
Le 31 juillet 2021 entre 21 h 34 et 21 h 57, huit appels sont faits au 911 concernant un homme en crise sur la rue Cartier à Québec. L'homme se promène en demandant aux passants d'appeler le 911 parce qu'il se sent menacé. Il parle fort et crie avoir besoin de la police. Dans ses tentatives d'interpeller les gens, il se place parfois sur la voie publique et entrave la circulation. Il tient des propos décousus, indiquant avoir été séquestré pendant plusieurs heures et battu. Plusieurs personnes tentent d'intervenir auprès de lui pour le calmer. Certains passent plusieurs minutes avec lui, sans parvenir à désamorcer la crise.
Un véhicule de patrouille ayant à bord un seul policier s'engage sur la rue Cartier. La voiture est interpelée par un employé d'un restaurant qui lui mentionne l'homme en crise. Le véhicule fait demi-tour et se dirige vers la Grande Allée Ouest. Un contact visuel se fait entre le policier et l'homme. À ce moment, l'homme commence à marcher rapidement en direction opposée du véhicule de patrouille, semblant fuir le policier. L'agent l'interpelle verbalement. Les différents témoins n'entendent pas les propos échangés mais voient l'homme partir en courant sur la Grande Allée Ouest. Après avoir immobilisé son véhicule, le policier part à sa poursuite. Il remarque le comportement instable de l'homme qui lui semble intoxiqué puisque ses propos sont décousus. L'homme se met à genou lorsque le policier lui demande de s'immobiliser mais se relève et fonce subitement vers lui. Il prend alors immédiatement un contact physique avec l'homme qui offre une résistance active. Pendant l'altercation, l'homme est adossé sur le sol et le policier est accroupi par-dessus lui. L'homme s'agrippe au gilet pare-balles du policier et approche ses mains de son cou. Le policier lui donne alors un puissant coup de genou aux côtes dans le but de le maîtriser.
Il n'y a pas de témoin à ce moment mais lorsqu'un témoin reprend un contact visuel avec eux, l'homme est au sol, pris en encolure par le policier qui se trouve sous lui.
Le témoin s'approche et offre son aide à l'agent. Il s'agit d'une femme qui s'assoit sur les jambes de l'homme pour aider à le maitriser. Elle tente de parler à l'homme, mais croit que celui-ci ne la reconnaît pas, bien qu'ils se soient parlé quelques minutes plus tôt.
Plusieurs agents sont arrivés quelques minutes plus tard pour aider à menotter l'homme, qui était encore agité, se débattait et tenait encore un discours décousu. Il est ensuite transporté à l'hôpital par les services ambulanciers, le tout afin d'évaluer son état de santé.
L'intervention était légale. L'article 48 de la Loi sur la police prévoit que les policiers ont pour mission de maintenir la paix, l'ordre et la sécurité publique, de prévenir et de réprimer le crime.
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25(1) du Code criminel sont remplies.
L'article 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
Dans ce dossier, l'intervention était légale et se fondait principalement sur le devoir imposé au policier d'assurer la sécurité et la vie des personnes. Le comportement instable de l'homme et son agitation, tant avant l'altercation qu'après celle-ci, sont confirmés par de nombreux témoins. Bien que personne n'ait assisté à l'ensemble de l'altercation avec le policier, la preuve ne permet pas de rejeter la version du policier à l'effet que l'homme l'a d'abord agressé, qu'il a ensuite résisté aux gestes visant à le maîtriser, qu'il a tenté de le tirer par son gilet pare-balles et que le coup de genou était nécessaire pour pouvoir le maîtriser. Le coup donné par le policier est la cause probable des blessures subies par l'homme, soient des fractures aux côtes et la perforation d'un poumon. Il est possible que ces blessures se soient concrétisées ou aient été aggravées plus tard lorsque l'agent s'agenouille sur le dos de l'homme, avant son menottage.
Le policier explique qu'il a tenté d'avoir le contrôle sur l'homme mais qu'il en fut incapable avant de lui donner le coup de genou. La femme qui a offert son aide au policier a d'ailleurs indiqué aux enquêteurs que la situation lui semblait dangereuse puisque le policier était seul et que l'homme était encore en crise.
Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par le policier était justifié en vertu de l'article 25(1) du Code criminel. L'analyse de la preuve ne révèle pas à son avis la commission d'une infraction criminelle par le policier du SPVQ impliqué dans cet événement.
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Source : Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
Partager cet article