Enquête indépendante sur l'événement survenu à Saguenay le 25 août 2022 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 8 sept. 2023 /CNW/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police de Saguenay (SPS).
L'analyse portait sur l'événement survenu à Saguenay le 25 août 2022 à la suite duquel le décès d'un homme a été constaté.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à un procureur aux poursuites criminelles et pénales (procureur). Ce dernier a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si, à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. Le procureur a rencontré et informé les proches de la personne décédée des motifs de la décision.
Le 24 août 2022, vers 13 h 30, un homme est arrêté par des agents du SPS concernant différentes infractions criminelles alléguées. Il est alors décidé que l'homme serait transporté au quartier général du SPS afin qu'il soit interrogé par des enquêteurs et détenu dans l'attente de sa comparution au tribunal.
À son arrivée au quartier général, l'homme est interrogé par des enquêteurs du SPS. Il indique avoir eu des idées suicidaires au début du mois, mais ajoute qu'il n'en a plus du tout à ce moment. À la suite de l'interrogatoire, l'homme est placé dans une cellule du quartier général dans l'attente de sa comparution au tribunal, qui doit se dérouler le lendemain.
Vers 17 h 40, les policiers responsables de la surveillance des détenus constatent, par l'entremise des caméras de sécurité, que l'homme s'est enroulé un morceau de tissu autour du cou et qu'il tente, sans succès, de s'étrangler. Les policiers interviennent rapidement auprès de l'homme. Ce dernier n'est pas blessé et son état ne requiert pas d'assistance médicale. La bande de tissu lui est retirée et ses vêtements sont inspectés afin de s'assurer qu'il n'y a pas d'autres objets dangereux dans la cellule. Les policiers discutent avec l'homme pour le rassurer. Ce dernier leur indique qu'il n'a pas l'intention de poser de nouveaux gestes suicidaires.
Après cet événement, les policiers responsables inscrivent au registre des personnes détenues que l'homme a attenté à sa vie et qu'il faudra, avant de libérer ce dernier, communiquer avec le 811 afin d'évaluer son état psychologique. L'homme, pour sa part, reste calme et aucune anomalie n'est constatée jusqu'au moment de sa comparution.
Le 25 août 2022, vers 11 h 30, l'homme comparaît par visioconférence au tribunal. À la suite de la comparution, l'homme est remis en liberté. Il demeure calme tout au long de la comparution et n'exprime aucune pensée suicidaire ou dépressive.
La tâche de procéder à la libération de l'homme revient à un policier qui n'était pas présent au quartier général la veille, lorsque l'homme a attenté à sa vie. L'homme est libéré des cellules du quartier général à 11 h 55 sans que quiconque ait communiqué avec le 811, et ce, malgré l'inscription au registre des détenus.
À 12 h 36, une femme communique avec le 911. Elle indique que l'homme qui vient d'être libéré lui a envoyé des communications préoccupantes, laissant croire que ce dernier attentera à sa vie. Une patrouille du SPS est dépêchée en urgence au domicile de l'homme. À leur arrivée, les policiers retrouvent ce dernier inconscient.
L'homme est transporté au centre hospitalier, où son décès est constaté.
La preuve au dossier d'enquête ne permet pas de conclure que les policiers impliqués ont fait preuve de négligence criminelle causant la mort.
En matière de négligence criminelle, il est interdit à une personne d'accomplir un geste ou d'omettre de poser un geste que la loi exige qu'il pose, lorsque cela montre une insouciance déréglée ou téméraire à l'égard de la vie ou de la sécurité d'autrui.
La simple négligence dans l'accomplissement d'un acte, ou le fait de ne pas remplir une obligation imposée par la loi, sont toutefois insuffisants pour conclure à la négligence criminelle. La conduite doit représenter « un écart marqué et important par rapport à la conduite d'une personne raisonnablement prudente », en l'occurrence, un policier placé dans la même situation, distinguant ainsi la faute civile de la faute criminelle.
Par ailleurs, la négligence criminelle ne constitue pas une infraction autonome. La négligence, pour être de nature criminelle, doit conduire à la mort ou à des lésions corporelles. De plus, toute forme de contribution à la mort ou aux lésions corporelles n'est pas criminelle. Pour être punissables, les gestes ou les omissions doivent avoir contribué de façon appréciable, c'est-à-dire plus que mineure, aux lésions corporelles ou encore au décès d'une autre personne.
L'analyse de l'ensemble de la preuve au dossier d'enquête révèle qu'au moment de sa libération, l'homme était calme et tranquille. Ce dernier n'avait exprimé aucune pensée suicidaire ou dépressive depuis l'événement survenu la veille. Il aurait été opportun de communiquer avec un intervenant pour évaluer l'état psychologique de l'homme au moment de sa libération. L'omission de le faire ne constitue cependant pas une insouciance déréglée ou téméraire à l'égard de la vie ou de la sécurité d'autrui dans les circonstances. De surcroît, il n'est pas possible d'établir que la conduite des policiers a contribué de façon appréciable au décès de l'homme. Même s'ils avaient communiqué avec un intervenant avant la libération de l'homme, il n'y a aucune certitude que cette action aurait pu empêcher son décès.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du SPS impliqués dans cet événement.
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Source : Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
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