Enquête indépendante sur l'événement survenu à Saint-Basile le 11 octobre 2021 : motifs pour lesquels aucune accusation n'a été portée
QUÉBEC, le 26 mars 2024 /CNW/ - Les procédures judiciaires étant terminées, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) expose les motifs l'ayant mené à conclure, dans son communiqué intérimaire du 21 septembre 2022, que l'analyse de la preuve ne révélait pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers de la Sûreté du Québec (SQ).
Cette décision faisait suite à l'examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec l'événement entourant les blessures subies par un homme à Saint-Basile le 11 octobre 2021.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI avait été confié à un procureur aux poursuites criminelles et pénales (procureur). Ce dernier avait procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révélait la commission d'infractions criminelles. Le procureur a informé la personne blessée de la décision.
Le 11 octobre 2021, un agent de la SQ effectue une opération radar. À cette occasion, il aperçoit une voiture de couleur noire rouler à vive allure. L'agent n'a pas le temps de déverrouiller son cinémomètre afin de capter la vitesse avec précision. Toutefois, il l'estime à environ 140 km/h dans une zone limitée à 80 km/h.
Dans l'espoir de pouvoir procéder à l'interception de l'automobiliste, l'agent active les gyrophares de son véhicule et part à sa poursuite. Toutefois, il perd sa trace rapidement. Dans les instants qui suivent, il tente de le retrouver.
Puis, pendant ses recherches, l'agent entend un collègue, par l'entremise des ondes radio, dire qu'il voit un véhicule circuler à environ 150 km/h. La description de celui-ci correspond aux observations précédentes de l'agent; il s'agit du même automobiliste.
Le collègue prend le conducteur en chasse et le voit commettre plusieurs manœuvres dangereuses. Par la suite, lors d'une tentative de dépassement, un face-à-face survient entre le véhicule de l'homme et une autre voiture venant en sens inverse.
La voiture du fuyard termine sa course dans un fossé en bordure de route. L'homme est grièvement blessé, mais il survit.
Le rapport d'expertise en toxicologie révèle la présence de plusieurs drogues dans le sang de l'homme dont notamment, de la méthamphétamine, de la méthadone, de la cocaïne et du propofol. Par ailleurs, selon le rapport du reconstitutionniste, l'accident résulte des stratégies de conduite de l'homme, notamment la vitesse à laquelle il circulait ainsi que ses manœuvres de dépassement.
L'infraction de conduite dangereuse, décrite à l'article 320.13 du Code criminel, se définit comme le fait de conduire un véhicule à moteur d'une façon dangereuse pour le public, en tenant compte des circonstances, incluant l'utilisation qui en est faite, la nature et l'état du lieu ainsi que l'intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu. Le test applicable en matière de conduite dangereuse a été établi par la Cour suprême et prévoit que la preuve doit démontrer que la façon de conduire était objectivement dangereuse pour le public. À cet égard, c'est le risque de dommage ou de préjudice créé par la conduite qui doit être évalué, indépendamment des conséquences d'une collision ou d'un accident survenu à l'occasion de la conduite du véhicule.
La preuve doit également établir que la conduite objectivement dangereuse adoptée par le conducteur constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait un conducteur raisonnable dans les mêmes circonstances, en l'occurrence, un policier. Le critère de l'écart marqué souligne le haut degré de négligence nécessaire pour engager la responsabilité criminelle. Ainsi, une imprudence, une simple négligence ou une erreur de jugement sont insuffisantes pour engager la responsabilité criminelle d'un individu.
L'accusation de conduite dangereuse causant des lésions corporelles ou la mort exige la preuve d'un lien de causalité entre la conduite du véhicule et de telles conséquences. À cet égard, la norme juridique applicable est que la conduite doit avoir contribué de manière appréciable aux lésions corporelles ou à la mort.
Par ailleurs, le Code de la sécurité routière (CSR) contient certaines dispositions relatives à la conduite d'un véhicule d'urgence. L'article 378 précise que le conducteur d'un véhicule d'urgence ne doit actionner les feux clignotants ou pivotants ou les avertisseurs sonores ou un dispositif de changement des signaux lumineux de circulation visés à l'article 255 dont est muni son véhicule, que dans l'exercice de ses fonctions et si les circonstances l'exigent. Il n'est alors pas tenu de respecter certaines dispositions du CSR.
Dans ce dossier, deux agents sont impliqués. Le premier n'a pas commis l'infraction de conduite dangereuse. En effet, alors qu'il était en accélération afin de tenter de rattraper l'homme, il l'a rapidement perdu de vue. Donc, il n'y a pas eu de poursuite à cette étape.
Quant au second agent, la preuve révèle qu'il tentait de rejoindre l'homme, mais ce dernier était loin devant lui. L'accident subi par l'homme ne résulte donc pas de la conduite du policier et aucun élément ne tend à établir qu'il a commis une infraction criminelle à cette occasion.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers de la SQ impliqués dans cet événement.
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant de toute considération de nature politique, et ce, de façon à préserver l'intégrité du processus judiciaire tout en assurant la protection de la société, dans la recherche de l'intérêt de la justice et de l'intérêt public, de même que dans le respect de la règle de droit et des intérêts légitimes des personnes victimes et des témoins.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Source : Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
Partager cet article