Enquête indépendante sur l'événement survenu à Saint-Hubert le 29 avril 2024 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 5 févr. 2025 /CNW/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police de l'agglomération de Longueuil (SPAL).
L'analyse portait sur l'événement survenu à Saint-Hubert le 29 avril 2024 entourant le décès d'un homme.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à une procureure aux poursuites criminelles et pénales (procureure). Cette dernière a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. La procureure a rencontré et informé les proches de la personne décédée des motifs de la décision.
Événement
Le 29 avril 2024, vers 22 h 23, un citoyen communique avec le 911 concernant un homme désorganisé, son chambreur, qui a quitté la résidence et dont il craint pour sa sécurité.
À 22 h 40, en apercevant le véhicule de patrouille approcher, l'homme ingurgite une grande quantité de matière blanche non identifiée. Deux policiers arrivent sur les lieux et discutent brièvement avec le citoyen ainsi qu'avec l'homme devant la résidence. Selon la version du citoyen, les policiers lui mentionnent qu'ils ne peuvent intervenir puisqu'il n'est pas interdit de consommer des stupéfiants et demandent à l'homme de rester tranquille. Ce dernier obtempère et retourne à l'intérieur de la résidence calmement. Le citoyen craint pour sa sécurité, mais ne le mentionne pas aux policiers. Les policiers quittent les lieux à 22 h 42. Vers 23 h, l'homme quitte à nouveau la résidence, cette fois en courant.
À 23 h 28, un deuxième citoyen communique avec le 911 pour les informer qu'un homme est allongé au sol sous le balcon de sa résidence. Ce deuxième citoyen entend l'homme qui semble dire « Aide-moi ». Il remarque que l'homme frotte frénétiquement ses doigts sur le mur de béton de la fondation de la résidence. À ce moment, une bonne quantité de sang se trouve sur le mur et sur les doigts de l'homme.
À 23 h 34, un duo de policiers, qui ne sont pas ceux étant intervenus plus tôt, arrive sur les lieux et localise l'homme. Ils tentent de communiquer avec l'homme sans réponse de ce dernier. Quelques instants plus tard, deux autres duos de policiers arrivent sur les lieux en assistance. Afin de déloger l'homme tout en veillant à la sécurité des policiers, un des policiers se place en retrait et retire son arme à impulsion électrique (AIE) de son étui en prévention. L'AIE n'est pas allumée ni pointée vers l'homme. L'AIE ne sera finalement pas utilisée considérant l'état de l'homme. Une fois déplacé, l'homme est conscient, mais confus et ne répond pas aux commandes des policiers.
À 23 h 39, les policiers demandent l'assistance d'une ambulance en urgence. À ce moment, l'homme n'a pas le contrôle de son corps, il fait de courtes convulsions et a le regard vide. À 23 h 43, une deuxième demande pour une ambulance en urgence est faite et un délai de sept minutes est annoncé aux policiers.
Les convulsions de l'homme s'accentuent et ce dernier ne répond à aucun stimulus. À 23 h 47, l'un des policiers administre une dose de naloxone par vaporisation nasale puisqu'il considère que l'état de l'homme peut être lié à la consommation de stupéfiants. La naloxone ne donne aucun résultat. Tout au long de l'intervention, il n'y a eu aucun usage de la force.
À 23 h 48, les ambulanciers arrivent sur les lieux et prennent en charge l'homme. Ce dernier a un faible pouls et respire difficilement. Après une séquence de convulsions, l'homme inconscient tombe en arrêt cardiorespiratoire. Les ambulanciers débutent des manœuvres de réanimation assistés des policiers.
À 0 h 08, les ambulanciers quittent avec l'homme vers un centre hospitalier. Une fois arrivés, ils se dirigent en salle de choc où les manœuvres de réanimation sont poursuivies. Le décès de l'homme est constaté à 0 h 45.
Le rapport d'expertise toxicologique conclut en la présence d'une concentration létale de cocaïne dans le sang de l'homme et en la présence de naloxone. Pour sa part, le pathologiste observe une fracture du sternum et d'une côte, blessures secondaires au massage cardiaque pratiqué, et arrive à la conclusion que la cause du décès est une intoxication à la cocaïne.
Analyse du DPCP
La preuve au dossier d'enquête ne permet pas de conclure que les policiers impliqués ont fait preuve de négligence criminelle causant la mort.
En matière de négligence criminelle, il est interdit à une personne d'accomplir un geste ou d'omettre de poser un geste que la loi exige qu'il pose, lorsque cela montre une insouciance déréglée ou téméraire à l'égard de la vie ou de la sécurité d'autrui.
La simple négligence dans l'accomplissement d'un acte, ou le fait de ne pas remplir une obligation imposée par la loi, sont toutefois insuffisants pour conclure à la négligence criminelle. La conduite doit représenter « un écart marqué et important par rapport à la conduite d'une personne raisonnablement prudente », en l'occurrence, un policier placé dans la même situation, distinguant ainsi la faute civile de la faute criminelle.
Par ailleurs, la négligence criminelle ne constitue pas une infraction autonome. La négligence, pour être de nature criminelle, doit conduire à la mort ou à des lésions corporelles. De plus, toute forme de contribution à la mort ou aux lésions corporelles n'est pas criminelle. Pour être punissables, les gestes ou les omissions doivent avoir contribué de façon appréciable, c'est-à-dire plus que mineure aux lésions corporelles ou encore au décès d'une autre personne.
L'analyse de l'ensemble de la preuve au dossier d'enquête révèle que les policiers sont intervenus auprès de l'homme afin de lui porter assistance et qu'ils n'ont fait aucun usage de l'emploi de la force. Les policiers sont intervenus sans délai en contactant les services d'urgence et en administrant une dose de naloxone. La preuve révèle également que le sang se trouvant sur le visage et les mains de l'homme est dû au frottement sur le mur de béton.
Quant à l'intervention de 22 h 40, les policiers font face, à leur arrivée, à un homme relativement calme et qui obtempère aux instructions. Ils sont informés que l'homme a consommé une substance inconnue. Dans ces circonstances et au regard de la preuve, les policiers étaient justifiés de ne pas intervenir.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du SPAL impliqués dans cet évènement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant de toute considération de nature politique, et ce, de façon à préserver l'intégrité du processus judiciaire tout en assurant la protection de la société, dans la recherche de l'intérêt de la justice et de l'intérêt public, de même que dans le respect de la règle de droit et des intérêts légitimes des personnes victimes et des témoins.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales

Source : Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
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