Enquête indépendante sur l'événement survenu à Saint-Jean-sur-Richelieu le 27 juillet 2022 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 6 nov. 2023 /CNW/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par le policier et la policière du Service de police de Saint-Jean-sur-Richelieu (SPSJSR).
L'analyse portait sur l'événement survenu à Saint-Jean-sur-Richelieu le 27 juillet 2022 entourant le décès d'un homme.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à une procureure aux poursuites criminelles et pénales (procureure). Cette dernière a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. La procureure a rencontré et informé les proches de la personne décédée des motifs de la décision.
Le 27 juillet 2022, vers 2 h 04 du matin, un homme contacte le 911 pour les informer qu'il vient de poignarder deux de ses proches. Pendant l'appel, il mentionne « c'est terminé pour moi », « c'est fini ». Vers 2 h 08, un des proches de l'homme contacte à son tour le 911 et explique que lui et un autre proche de l'homme sont blessés et se sont isolés dans une chambre.
À 2 h 09, un policier et une policière arrivent sur les lieux et aperçoivent l'homme au bas des escaliers extérieurs à l'avant de sa résidence, avec un couteau dans sa main droite. Alors que les gyrophares éclairent la scène, les policiers sortent du véhicule. Au même moment, l'homme avance en direction du policier en pointant le couteau devant lui. Ce dernier sort son arme de service et la braque sur l'homme en lui ordonnant, à plusieurs reprises, de laisser tomber son couteau, de cesser d'avancer et de mettre les mains en l'air, sans succès.
Constatant que l'homme n'obtempère pas et continue d'avancer vers son collègue, la policière utilise à deux reprises son arme à impulsion électrique. Elle fait cela sans annoncer son intention afin de surprendre l'homme. Les deux cartouches de l'arme à impulsion électrique se déploient, mais le résultat de neutralisation neuromusculaire n'est pas atteint. Elle sort alors son arme de service et la braque sur l'homme en répétant les ordres déjà donnés par son collègue. Au fur et à mesure que l'intervention se déroule, elle en transmet les différentes étapes sur les ondes.
L'homme avance toujours en pointant son couteau devant lui et le policier répète ses ordres, toujours sans résultat. Lorsque l'homme se trouve à moins de 3 ou 4 mètres de distance, le policier tire deux coups de feu vers celui-ci qui s'effondre au sol. Ce dernier est atteint à la tête par l'un des projectiles. La policière transmet l'information sur les ondes.
Les policiers se dirigent vers l'homme, le retournent sur le dos, le menottent et débutent des manœuvres de réanimation. Peu après, d'autres policiers arrivent en renfort et interviennent auprès des personnes qui se trouvent dans la résidence, deux d'entre elles présentant des blessures. Les ambulanciers arrivent dans les minutes qui suivent. À 2 h 46, l'homme est transporté vers un centre hospitalier. Son décès est constaté à 3 h 25.
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées aux articles 25(1) et 25 (3) du Code criminel sont remplies.
L'article 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
L'article 25(3) précise qu'un policier peut, s'il agit sur la foi de motifs raisonnables, utiliser une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves s'il croit que cela est nécessaire afin de se protéger ou encore de protéger les personnes sous sa protection contre de telles conséquences.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
Dans ce dossier, l'intervention des policiers était légale et se fondait sur leur devoir d'assurer la sécurité et la vie des personnes. Considérant l'information dont disposait les policiers sur la présence de victimes potentiellement gravement blessées à l'intérieur de la résidence, le danger imminent que représentait l'homme armé d'un couteau s'avançant en direction du policier, de sa proximité avec ce dernier, de son défaut d'obtempérer aux ordres répétés à plusieurs reprises et de l'échec de l'utilisation de l'arme à impulsion électrique, les policiers avaient des motifs raisonnables d'estimer que la force appliquée à l'endroit de l'homme était nécessaire afin d'assurer leur protection, et plus particulièrement celle du policier vers qui l'homme armé se dirigeait, contre des blessures graves ou la mort.
Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par le policier et la policière était justifié en vertu des articles 25(1) et 25(3) du Code criminel. L'analyse de la preuve ne révèle pas à son avis la commission d'une infraction criminelle par le policier et la policière du SPSJSR impliqués dans cet événement.
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant de toute considération de nature politique, et ce, de façon à préserver l'intégrité du processus judiciaire tout en assurant la protection de la société, dans la recherche de l'intérêt de la justice et de l'intérêt public, de même que dans le respect de la règle de droit et des intérêts légitimes des personnes victimes et des témoins.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
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