Enquête indépendante sur l'événement survenu à Salluit le 10 avril 2022 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 25 oct. 2023 /CNW/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police du Nunavik (SPN).
L'analyse portait sur l'événement entourant les blessures subies par un homme à Salluit le 10 avril 2022.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à une procureure aux poursuites criminelles et pénales (procureure). Cette dernière a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. La procureure a informé la personne blessée de la décision.
Le 10 avril 2022, vers 18 h, deux policiers se présentent à une résidence pour procéder à l'arrestation d'un homme qui, la veille, a manqué au respect d'une condition d'une ordonnance de mise en liberté et entravé le travail des policiers en prenant la fuite. Une proche de l'homme leur indique dans quelle résidence se trouve l'homme actuellement. À la suite du départ des policiers, cette personne informe l'homme que les policiers sont à sa recherche.
Vers 18 h 05, les deux policiers arrivent à la résidence où l'homme est censé être. L'un des policiers cogne à la porte et l'homme se présente à la fenêtre donnant sur le palier. Le policier lui annonce qu'ils vont procéder à son arrestation pour ne pas avoir respecté une condition d'une ordonnance de mise en liberté et avoir pris la fuite. Le policier lui demande s'il veut sortir ou non. L'homme ne répond pas à la question.
Vers 18 h 10, l'un des policiers décide d'obtenir un mandat d'entrée et se dirige vers l'autopatrouille. Son collègue demeuré sur place voit l'homme se rendre dans la cuisine et s'emparer d'un couteau. Le policier lui demande de lâcher le couteau. L'autre policier ayant entendu les propos de son collègue revient alors sur ses pas. Les deux policiers voient alors par la fenêtre l'homme tenir de sa main droite un couteau de cuisine qu'il pointe vers son abdomen. Ils le somment sans succès de lâcher le couteau. L'un des policiers défonce les deux portes de la résidence. Ils entrent tout en continuant en vain d'ordonner à l'homme de lâcher son couteau. L'un des policiers utilise, sans succès, son arme à impulsion électrique (AIE) en mode projection vers l'homme qui s'inflige une blessure à l'abdomen avec le couteau au même moment; il tombe ensuite au sol.
Les premiers répondants sont appelés pour porter assistance et l'homme est ensuite transporté vers une clinique. Le lendemain, l'homme est transféré dans un centre hospitalier pour y subir une intervention chirurgicale.
Les policiers ont activé leurs caméras corporelles et l'une d'elles a enregistré la partie de l'intervention policière à partir du moment où ils s'apprêtent à entrer dans la maison. On peut ensuite voir et entendre l'utilisation de l'AIE ainsi que l'homme s'infliger une blessure avec le couteau.
L'intervention était légale. L'article 48 de la Loi sur la police prévoit que les policiers ont pour mission de maintenir la paix, l'ordre et la sécurité publique, de prévenir et de réprimer le crime.
Dans ce dossier, l'intervention auprès de l'homme était légale. L'arrestation sans mandat de l'homme était justifiée en vertu d'un manquement à une ordonnance de mise en liberté.
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25(1) du Code criminel sont remplies.
L'article 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
La preuve révèle que l'homme n'a pas offert de collaboration et avant que les policiers aient pu se munir d'un mandat d'entrée pour procéder à son arrestation, il s'est rapidement muni d'un couteau qu'il pointait vers son abdomen. L'utilisation de l'AIE visait manifestement à désarmer l'homme qui menaçait de s'en prendre à sa vie en s'infligeant une blessure avec le couteau.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du SPN impliqués dans cet événement.
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant de toute considération de nature politique, et ce, de façon à préserver l'intégrité du processus judiciaire tout en assurant la protection de la société, dans la recherche de l'intérêt de la justice et de l'intérêt public, de même que dans le respect de la règle de droit et des intérêts légitimes des personnes victimes et des témoins.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Source : Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
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