Enquête indépendante sur l'événement survenu à Sherbrooke le 20 décembre 2021 : motifs pour lesquels aucune accusation n'a été portée
QUÉBEC, le 12 mai 2023 /CNW/ - Les procédures judiciaires étant terminées, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) expose les motifs l'ayant mené à ne pas déposer d'accusation dans ce dossier.
Rappelons qu'il concluait, dans son communiqué intérimaire du 14 décembre 2022, que l'analyse de la preuve ne révélait pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police de Sherbrooke (SPS). Cette décision faisait suite à l'examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec l'événement entourant les blessures subies par un homme à Sherbrooke le 20 décembre 2021.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI avait été confié à une procureure aux poursuites criminelles et pénales (procureure). Cette dernière avait procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle-ci révélait la commission d'infractions criminelles. La procureure a informé la personne blessée de la décision.
Le 19 décembre 2021, un homme passe la soirée avec des amis à Sherbrooke. Tout au long de la soirée, l'homme consomme de la bière et de la cocaïne.
Vers 4 h 30 du matin, le 20 décembre 2021, l'homme a une altercation avec une mineure présente sur les lieux. Il quitte ensuite précipitamment les lieux au volant de son véhicule.
Peu de temps après, l'homme cause un accident important en fonçant dans deux véhicules stationnés. Après être sorti de son véhicule, il attaque des résidents de la rue sortis à l'extérieur pour lui venir en aide. L'homme a le visage couvert de sang. Il se frappe la tête et les mains sur son véhicule.
À partir de 4 h 48, plusieurs appels sont faits au 911 pour rapporter l'accident et le comportement violent de l'homme. Une ambulance est demandée.
Les pompiers arrivent sur les lieux à titre de premiers répondants. L'homme se met à courir après l'un d'entre eux avant de tomber au sol, exténué. Vu le comportement erratique et agressif de l'homme, les pompiers attendent l'arrivée des policiers avant d'intervenir auprès de lui.
Lorsqu'ils arrivent sur les lieux, les policiers veulent sécuriser l'intervention des pompiers et des ambulancières. À cette fin, deux policiers menottent l'homme les mains derrière le dos et une fouille par palpation est effectuée. L'homme demeure agité. Un troisième policier vient en renfort auprès de ses collègues lorsqu'il entend l'homme crier. Il tient les jambes de l'homme pour l'empêcher de donner des coups ou de se relever durant l'intervention.
Les pompiers et les ambulancières lui prodiguent les premiers soins. Une ambulancière demande aux policiers de menotter l'homme à l'avant pour faciliter l'intervention, ce qui est fait dès que cela est jugé sécuritaire.
Un policier accompagne l'homme dans l'ambulance lors de son transfert vers un centre hospitalier et un autre policier les suit dans son autopatrouille.
À l'hôpital, l'homme est traité pour ses blessures. L'événement est décrit comme un trauma faisant suite à un accident de voiture à haute vélocité en contexte de poly-intoxication (alcool et drogues).
L'intervention était légale. L'article 48 de la Loi sur la police prévoit que les policiers ont pour mission de maintenir la paix, l'ordre et la sécurité publique, de prévenir et de réprimer le crime.
À la suite de nombreux appels au 911 et considérant les informations fournies par les premiers répondants sur les lieux, les policiers impliqués dans cet événement avaient des motifs raisonnables de croire que l'homme avait commis plusieurs infractions. En raison de son comportement erratique et agressif, ils avaient aussi des motifs raisonnables de croire qu'il représentait un danger pour lui-même et pour autrui et qu'ils devaient intervenir pour sécuriser l'intervention des pompiers et des ambulancières.
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées au paragraphe 25(1) du Code criminel sont remplies.
Le paragraphe 25(1) du Code criminel accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
En l'espèce, la seule force utilisée lors de l'intervention des policiers a consisté à menotter l'homme et à maintenir ses jambes en place pour que les pompiers et les ambulancières puissent lui prodiguer des soins de façon sécuritaire.
Ultimement, la preuve révèle, d'une part, que les blessures subies par l'homme n'ont pas été causées par l'intervention policière et, d'autre part, que celle-ci était légale et que la force employée par les policiers impliqués fut non seulement limitée à ce qui était nécessaire dans les circonstances, mais minimale.
Ils doivent donc bénéficier de la protection accordée par le paragraphe 25(1) du Code criminel.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du SPS impliqués dans cet événement.
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
Partager cet article