Enquête sur l'examen de l'Ordre des infirmières(iers) : l'impact de la pandémie sur la formation n'est pas concluant, l'Ordre doit corriger les failles de son examen
MONTRÉAL, le 3 oct. 2023 /CNW/ - Le Commissaire à l'admission aux professions, maître André Gariépy, rend public aujourd'hui le troisième et dernier rapport d'étape de son enquête concernant le taux de réussite historiquement bas observé à la séance de septembre 2022 de l'examen de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (Ordre).
Le rapport d'étape renferme plusieurs constats concernant l'impact de la pandémie sur la formation des personnes candidates et commente la réponse de l'Ordre au Rapport d'étape 2 de mai 2023 concernant la méthodologie de l'examen. Enfin, il aborde des enjeux connexes apparus en cours d'enquête, dont la perspective d'adopter l'examen américain NCLEX-RN au Québec et le niveau de la formation minimale des infirmières.
Le rapport se termine par des recommandations dont certaines réitèrent et complètent celles du Rapport d'étape 2 de mai 2023. Un résumé du rapport est fourni dans la fiche « Faits saillants » disponible sur les pages Web du commissaire.
Selon l'enquête, l'impact de la pandémie sur la formation et la préparation des personnes candidates n'est pas une explication généralisable, suffisante et concluante du taux de réussite inhabituellement bas à l'examen de septembre 2022.
« Notre enquête a révélé que la pandémie n'a pas affecté tout le monde, tout le temps, et de la même façon », a déclaré le commissaire.
« Malgré les impressions tirées d'observations de même qu'une logique apparente et intuitive, il est difficile de généraliser et d'affirmer que les personnes candidates ayant suivi leur parcours de formation pendant la pandémie sont moins bien formées », d'ajouter Me Gariépy.
L'enquête révèle que l'Ordre n'a pas donné de suites tangibles, valables et complètes aux recommandations du Rapport d'étape 2 de mai 2023 quant aux travaux et mesures à mettre en place notamment pour améliorer la validité et la fiabilité de son examen. Les documents fondamentaux habituels d'un examen demeurent absents, incomplets ou désuets, sans réel engagement de l'Ordre de corriger la situation.
« Contrairement à certaines affirmations de l'Ordre, celui-ci n'a pas appliqué les recommandations du Rapport d'étape 2 pour corriger son examen ou l'a fait de manière sélective ou erronée », de déclarer le commissaire.
Concernant l'enjeu de la note de passage à son examen, l'enquête a révélé un faisceau d'indices de la présence d'un biais qui affecte la crédibilité de l'établissement de la note de passage de l'examen par l'Ordre.
« L'approche de l'Ordre donne à croire à une démarche visant essentiellement à confirmer sa position quant au maintien d'une note de passage généralement élevée à l'examen », s'inquiète Me Gariépy.
« On ne peut intervenir dans l'établissement de la note de passage d'un examen à enjeux élevés, affectant des milliers de personnes, sur la base d'impressions ou de convictions tirées d'observations non validées ou sur une logique apparente et intuitive », de conclure par ailleurs le commissaire.
Le commissaire prend acte de l'orientation de la ministre de l'Enseignement supérieur, Madame Pascale Déry, énoncée en cours d'enquête, quant au maintien du DEC en soins infirmiers comme niveau de formation minimal menant à la profession infirmière, alors qu'une formation universitaire existe avec des domaines spécifiques.
« Le système professionnel est en mesure d'offrir une garantie égale de compétence et une lisibilité utile des capacités d'exercer associées aux niveaux de formation technique et universitaire pour la profession infirmière », souligne le commissaire.
Pour ce faire, on devrait envisager d'utiliser le pouvoir réglementaire sur les catégories de permis prévu au Code des professions afin de créer un permis d'infirmière technicienne et un permis d'infirmière clinicienne (ou bachelière). L'avantage d'une telle formule pour la profession infirmière est de gérer l'enjeu actuel invoqué de deux niveaux de formation qui permettraient d'exercer les mêmes activités. Cela délimiterait mieux les capacités d'exercer (déjà connues) dans le champ de pratique et de donner des garanties égales de compétence en ayant des exigences et un examen adaptés à chaque réalité de formation et de pratique.
Il reviendra au système de santé, pour la dotation en personnel, d'exiger soit la formation collégiale, soit la formation universitaire, et avec le permis qui leur correspondra. Il le fait déjà concrètement, selon l'organisation et l'évolution des soins qu'il dispense.
L'Ordre fait porter l'essentiel des correctifs attendus à son examen sur une utilisation souhaitée et salvatrice de l'examen américain NCLEX-RN. Or, l'échéancier avancé par l'Ordre pour le déploiement potentiel de cet examen, l'année 2024, est irréaliste.
« L'opportunité d'autoriser l'utilisation de l'examen américain au Québec n'est pas encore établie et, quoi qu'il arrive, l'utilisation de cet examen ne saurait survenir avant quelques années », de signaler Me Gariépy.
Pour le commissaire : « L'approche de l'Ordre à l'égard des enjeux de validité et de fiabilité de son examen relève d'un certain attentisme. L'Ordre se trouve à placer les autorités publiques devant un faux dilemme pour faire aboutir une autorisation précipitée et sans justification suffisante concernant l'utilisation de l'examen américain NCLEX-RN. »
Des travaux de comparaison et d'adaptation de l'examen américain avec la réalité et les normes de la profession au Québec doivent être menés par l'Ordre et ses partenaires avant la décision des autorités publiques québécoises concernant l'utilisation de cet examen. Ces travaux prendront vraisemblablement quelques années.
Le commissaire rappelle aussi que, s'agissant d'un examen américain : « L'Ordre doit s'assurer de l'accès en langue française à un matériel préparatoire suffisant pour des chances de réussite équitables pour les personnes candidates du Québec. »
Dans l'attente d'une éventuelle implantation de l'examen américain NCLEX-RN au Québec, l'Ordre doit améliorer la validité et la fiabilité de l'examen professionnel actuel.
À la fin de son enquête, le commissaire conclut : « Les failles et fragilités de l'examen de l'Ordre concernant notamment sa validité, sa fiabilité et l'établissement de sa note de passage demeurent l'explication principale du taux de réussite inhabituellement bas à l'examen de septembre 2022. »
Les recommandations du commissaire contenues dans son Rapport d'étape 2 de mai 2023 concernant la méthodologie de l'examen appellent indiscutablement des suites.
Selon Me Gariépy : « L'Ordre doit se mettre au travail et corriger les failles de son examen. Six mois se sont déjà écoulés depuis que l'Ordre a été saisi la première fois des conclusions et des recommandations du Rapport d'étape 2, sans que des travaux aient été menés. ».
Plusieurs travaux recommandés par le commissaire pour améliorer l'examen actuel de l'Ordre recoupent ceux menant à une adaptation et à une implantation éventuelle de l'examen américain NCLEX-RN au Québec ainsi que ceux utiles à la révision annoncée du devis ministériel du programme de DEC en soins infirmiers au Québec, d'où l'importance de les mener promptement. S'ajoute la réforme annoncée des professions de la santé.
Pour le commissaire : « Il n'y a pas de scénarios rapides et faciles pour sortir de la situation de l'examen de l'Ordre. Étant donné les postures, les intérêts et les préférences des parties prenantes (profession, système de santé et enseignement supérieur), les autorités publiques devraient assurer une présence active, critique, voire orientante dans les différents chantiers concomitants et connexes touchant la profession infirmière. »
Selon la loi, les entités visées ont 60 jours suivant la réception de recommandations pour informer le commissaire des suites qu'elles entendent leur donner et, si elles n'entendent pas y donner suite, des motifs justifiant leur décision.
Rappelons que le Commissaire à l'admission aux professions est institué par le Code des professions (RLRQ, c. C-26), la loi-cadre du système professionnel québécois. Il est rattaché administrativement à l'Office des professions du Québec, mais la loi lui accorde une indépendance dans l'exercice de ses fonctions. Son mandat de surveillance, de veille et d'interventions spécialisées porte sur l'admission de personnes candidates aux professions dont l'exercice est contrôlé par les 46 ordres professionnels. Les personnes candidates ont un recours en plainte auprès du commissaire et celui-ci peut aussi effectuer des vérifications.
La loi dote le commissaire de pouvoirs d'enquête étendus. L'issue des enquêtes se traduit par des conclusions et, selon le cas, des recommandations. En cas de recommandation, l'organisation visée doit informer le commissaire des suites qu'elle entend y donner et, si elle n'entend pas y donner suite, des motifs justifiant sa décision. Les conclusions, les recommandations et les suites qui leur sont données sont rendues publiques.
Documents : le Rapport d'étape 3 de la vérification, constitué de plusieurs documents, et la fiche « Faits saillants » sont disponibles en ligne (https://www.opq.gouv.qc.ca/commissaire/resultats-verifications/particulieres/inf-exam-admis/).
SOURCE Office des professions du Québec
SOURCE : Commissaire à l'admission aux professions, www.opq.gouv.qc.ca/commissaire; Information : André Gariépy, avocat, F.Adm.A., ASC, Commissaire à l'admission aux professions, Courriel : [email protected], Tél. : +1 (514) 864-9744
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