Étude de Projet Montréal sur les copropriétés : quatre conversions sur cinq échapperaient au contrôle de la Régie du logement
MONTRÉAL, le 15 mars 2012 /CNW Telbec/ - Le parc de logements locatifs pourrait fondre beaucoup plus rapidement qu'on le croit dans les quartiers centraux de Montréal. En effet, alors que les statistiques ne tiennent généralement pas compte des copropriétés indivises, considérées comme marginales, une étude effectuée par Projet Montréal révèle que sur le Plateau-Mont-Royal, les copropriétés indivises pourraient être autant, voire plus nombreuses que les copropriétés divises (« condos »). Depuis 2007, quatre conversions sur cinq se seraient faites sans que la Régie du logement ait eu son mot à dire, grâce au mode de la copropriété indivise; cette proportion aurait même grimpé à 87 % en 2010-2011. Des tendances similaires ont été observées dans Rosemont-La Petite-Patrie, Mercier-Hochelaga-Maisonneuve et Verdun, où des microéchantillons ont été étudiés. Rappelons que dans le cas de la copropriété indivise, contrairement au condo où le propriétaire détient un droit exclusif sur une part de l'immeuble, plusieurs personnes contrôlent un immeuble en commun. Chacun des copropriétaires détient alors un droit de propriété sur l'immeuble ainsi qu'un droit d'occupation sur son logement. Une convention d'indivision permet de déterminer quelles sont les parties sur lesquelles chacun des copropriétaires détient un usage exclusif.
« Cette recherche ne visait pas à dénoncer la copropriété indivise ni les condos, qui sont des modes tout à fait légaux et légitimes d'accès à la propriété », a précisé d'emblée Richard Bergeron, chef de Projet Montréal. « Nous encourageons l'accès à la propriété, qui est l'une des clés de la prospérité de Montréal. Par contre, nous avons la responsabilité de veiller aux intérêts de tous nos citoyens et de protéger la mixité sociale qui fait tout le charme des quartiers centraux de Montréal. Pour ce faire, nous avions besoin de mieux comprendre la composition réelle du parc de logements », a ajouté Richard Ryan, conseiller d'arrondissement du Mile End.
Réalisée au deuxième semestre de 2011, l'étude a porté sur un échantillon de 2 829 logements répartis en huit îlots du Plateau-Mont-Royal. Son originalité tient au fait qu'elle a exigé le recoupement de données provenant de trois sources différentes, soit le Rôle d'évaluation foncière, le Registre foncier du Québec et la Régie du logement du Québec, ainsi que l'analyse de chaque décision de la Régie du logement et de chaque déclaration de copropriété touchant les immeubles compris dans l'échantillon.
Intensité des transactions immobilières sur le Plateau-Mont-Royal
L'étude a confirmé l'intensité des transactions immobilières sur le Plateau-Mont-Royal : plus de 54 % des logements de l'échantillon ont changé de propriétaires au cours de la dernière décennie. Témoignant d'une profonde et constante transformation du parc de logements, elle confirme que le phénomène des conversions semble se maintenir. Cependant, la popularité relative des deux types de copropriété, divise et indivise, s'est complètement inversée depuis 2001. Au cours de la période de 18 mois terminée à l'été 2011, les conversions en copropriétés indivises ont représenté près de 87 % de toutes les conversions. Depuis 2007, c'est près de 80 % des conversions qui ont été faites en mode indivis, hors du processus décisionnel de la Régie du logement, malgré sa légalité.
Une extrapolation des résultats de l'échantillon démontre qu'au moins 5 000 logements détenus en copropriété indivise s'ajoutent aux 9 000 condos officiellement répertoriés sur le Plateau-Mont-Royal pour former un parc 14 000 unités détenues en copropriété, soit près du quart des 60 000 logements de l'arrondissement. Les nouvelles conversions en copropriétés divises et indivises seraient de l'ordre de 600 par année : si ce rythme se maintient, 6 000 logements supplémentaires pourraient donc être convertis durant les 10 prochaines années à l'échelle de l'arrondissement. Puisque les quatre cinquièmes (80 %) de ces conversions visent la copropriété indivise, elles continueraient à se faire d'une manière indétectable par les mécanismes de surveillance habituels, à moins de changements législatifs importants.
Défis des élus municipaux en matière de parc locatif
Selon Richard Bergeron, cette étude devrait déclencher une profonde remise en question de la Loi sur la Régie du logement. « Si l'on veut imposer un cadre réglementaire lourd et coûteux, il faudrait au moins qu'il rejoigne plus que 20 % des cas. Sinon, il faudra trouver d'autres mécanismes pour préserver l'accès au logement locatif et la mixité sociale de nos quartiers. », a-t-il déclaré.
La progression invisible des copropriétés indivises s'ajoute à une foule d'autres indices signalant que les modes de fonctionnement en place ne jouent plus leur rôle dans les quartiers centraux de Montréal : « Les familles continuent à se rabattre massivement vers les banlieues. la construction de logements locatifs est en panne sèche, le parc de coopératives d'habitation et de logements sociaux peine à se développer et l'itinérance fait maintenant partie de la réalité de nos quartiers », a déploré François W. Croteau, maire de l'arrondissement de Rosemont-La Petite-Patrie.
Notre étude confirme qu'il existe présentement au sein de la population montréalaise un très fort désir d'accéder à la propriété. « Il va de soi que nous souhaitons que les Montréalais deviennent propriétaires à Montréal plutôt qu'en banlieue. Le problème que notre étude a mis en lumière est que cela se fait présentement au détriment des locataires du Plateau et, sans doute, des autres quartiers centraux de Montréal », a ajouté Josée Duplessis, conseillère de ville du district de De Lorimier.
Le défi qu'auront à relever les élus municipaux, et tout particulièrement ceux du Plateau-Mont-Royal, au cours des prochaines années, sera de concilier l'aspiration légitime des Montréalais à devenir propriétaires dans les quartiers centraux au droit des locataires habitant déjà ces quartiers à ne pas en être évincés », a conclu Richard Bergeron.
Pour consulter l'analyse complète : www.projetmontreal.org/document/197
Catherine Maurice
Attachée de presse
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