Existe-t-il des antidépresseurs moins risqués pour les femmes enceintes ? English
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Institut National de la recherche scientifique (INRS)08 janv, 2020, 07:30 ET
Des chercheurs de l'INRS étudient l'effet des antidépresseurs sur le placenta
MONTRÉAL, le 8 janv. 2020 /CNW Telbec/ - Au Québec, environ une femme sur dix souffrira de dépression pendant sa grossesse. Sans traitement, la maladie comporte des risques pour la mère et l'enfant. Or, les antidépresseurs ne seraient pas sans conséquence pour le développement du fœtus. L'équipe de Cathy Vaillancourt, professeure à l'Institut national de la recherche scientifique (INRS), étudie l'effet de ces médicaments afin d'identifier les moins nocifs.
L'équipe de la professeure Vaillancourt, en collaboration avec celle des professeurs J. Thomas Sanderson et Nicolas Doucet de l'INRS, a modélisé pour la première fois l'interaction des antidépresseurs avec l'œstrogène, et plus précisément avec l'enzyme qui produit cette hormone : l'aromatase. Il s'agit d'une avancée importante, car la production d'œstrogène est essentielle au développement de l'enfant et à l'adaptation physiologique de la mère au cours de la grossesse. Les résultats de leur étude ont récemment été publiés dans la revue The Journal of Steroid Biochemistry and Molecular Biology.
La prescription d'antidépresseurs chez les femmes enceintes est controversée. Des études montrent que l'administration de certains de ces traitements chez la mère pendant la grossesse serait associée à un risque de malformations cardiaques et pulmonaires chez le nouveau-né alors que d'autres pourraient entraîner des troubles de développement cognitif chez l'enfant, comme l'autisme.
L'œstrogène comme cible des antidépresseurs
L'effet nocif des antidépresseurs viendrait de leur interaction avec certaines hormones clés présentes dans notre corps. La majorité des médicaments prescrits aux femmes enceintes contre la dépression ciblent la sérotonine, une hormone produite à la fois dans le cerveau et dans le placenta. Il s'agit de la famille d'antidépresseurs appelés inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) comme le Zoloft ou le Prozac parmi les plus connus. Or, l'œstrogène serait également ciblé par ces traitements.
« On voulait voir comment les antidépresseurs qui ont été développés pour bloquer le transporteur de la sérotonine agissent également sur l'aromatase. Avec des modèles moléculaires, on a constaté que tous les antidépresseurs que nous avons analysés semblent pouvoir se lier directement à l'enzyme et réguler son activité. Ceci reste à confirmer et le mécanisme précis reste à approfondir », rapporte Cathy Vaillancourt, auteure principale de l'étude.
Les chercheurs ont testé l'effet de différents types d'antidépresseurs sur des échantillons de placenta récupérés après l'accouchement. « Les antidépresseurs que nous avons choisi de tester sont les plus prescrits chez les femmes enceintes, soit la sertraline (Zoloff), la venlafaxine (Effexor), la fluoxétine (Prozac), la paroxetine (Paxil) et le citalopram (Celexa). La comparaison de différentes doses et molécules nous a permis de mettre en évidence leurs spécificités », précise Andrée-Anne Hudon Thibeault, première auteure et récemment diplômée d'un doctorat en biologie de l'INRS.
En observant l'effet des antidépresseurs sur le système hormonal du placenta, l'équipe a pu déterminer les risques de répercussions sur le fœtus, avant de les voir. « Le développement de l'enfant est fortement lié au placenta. Tout bébé en santé a un placenta en santé », affirme Cathy Vaillancourt.
Des antidépresseurs plus sécuritaires
Ce ne serait pas tous les types d'antidépresseurs qui ont ces effets nocifs. Les molécules pharmacologiques n'ont pas toutes les mêmes affinités hormonales. « Selon sa forme, la molécule n'aura peut-être pas la même interaction avec l'œstrogène et pourra ainsi être moins dommageable pour le développement du fœtus », souligne la professeure Vaillancourt, qui se spécialise dans l'implication des facteurs environnementaux sur la neuroendocrinologie du placenta humain.
Ce serait plutôt une question de molécules pharmacologiques et de dosage. « En testant plusieurs types d'antidépresseurs à des doses variées, nos travaux contribueront à mieux choisir le type d'antidépresseur et la dose à utiliser chez les femmes enceintes, en minimisant les effets secondaires sur le déroulement de la grossesse et sur le développement du fœtus », ajoute la doctorante Andrée-Anne Hudon Thibeault.
Cesser la prise d'antidépresseurs n'est pas une solution convenable pour toutes, car la dépression peut entraîner des conséquences importantes lorsqu'elle n'est pas soignée. « La dépression est un des premiers risques de mortalité par suicide chez les femmes enceintes. Certaines études suggèrent que la dépression entraîne aussi des problèmes de développement chez le bébé, entre autres à cause d'une mauvaise hygiène de vie », rapporte Cathy Vaillancourt.
En parallèle, la professeure Vaillancourt collabore avec une équipe de chercheurs à Vancouver qui étudie une cohorte de femmes enceintes et qui suit les enfants à long terme. « Tout cela va nous donner une belle cartographie des différents effets chez les femmes et les conséquences sur le développement cardiaque et cérébral de l'enfant, affirme la chercheuse. Nous sommes encore au tout début du projet, mais je suis persuadée qu'il y a des antidépresseurs plus sécuritaires ou que l'on pourra en développer d'autres à administrer pendant la grossesse. »
Au sujet de l'étude
L'article Serotonin and serotonin reuptake inhibitors alter placental aromatase, publié dans la revue The Journal of Steroid Biochemistry and Molecular Biology, présente les résultats des travaux de recherche réalisés par Andrée-Anne Hudon Thibeault, Yossef López de los Santos, Nicolas Doucet, J. Thomas Sanderson et Cathy Vaillancourt. Ceux-ci ont bénéficié du soutien financier de la fondation March of Dimes et du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG). DOI : https://doi.org/10.1016/j.jsbmb.2019.105470
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