Expertises médicolégales - Les médecins psychiatres réclament plus d'indépendance, de transparence et un meilleur cadre de pratique
MONTRÉAL, le 6 févr. 2014 /CNW Telbec/ - L'Association des médecins psychiatres du Québec (AMPQ) a dévoilé aujourd'hui sept recommandations visant à améliorer la qualité des expertises médicolégales. Ils réclament plus d'indépendance, de transparence et un meilleur contrôle de la qualité de l'acte.
Qui peut être expert?
Pour l'AMPQ, il importe de mieux documenter les critères de compétence et d'expérience pour améliorer la crédibilité et la validité des expertises. Actuellement, aucun standard établi n'exige qu'un expert ait une pratique récente, pertinente et prépondérante à la cause pour laquelle il soumet une expertise. « Par exemple, un psychiatre qui n'a jamais œuvré en pédopsychiatrie ne devrait pas agir à titre d'expert dans une cause qui requiert l'évaluation d'un enfant. Cette absence de règles mine la crédibilité des expertises, qu'elles soient psychiatriques ou autres », a souligné la présidente de l'AMPQ, la Dre Karine J. Igartua, psychiatre. « Pour nous, la notion d'expert va au-delà du permis de pratique, elle exige une compétence particulière pour éclairer le tribunal. Ce sont de ces experts dont le système de justice a besoin et non d'experts en expertises », a ajouté le Dr Martin Tremblay, psychiatre.
L'Association suggère aussi la création d'une banque d'experts reconnus, sous l'égide du Collège des médecins, à laquelle pourront se référer les procureurs et le tribunal pour choisir les experts.
Des mandats confiés par le tribunal
Pour les litiges qui se rendent à procès, les médecins psychiatres souhaitent que les mandats d'expertises soient, le plus possible, confiés par le juge plutôt que par les avocats de l'une des deux parties. À l'heure actuelle, les procureurs peuvent demander à plusieurs experts une opinion préalable à la cause, et ensuite décider de confier ou non le mandat au médecin de réaliser officiellement l'expertise. On assiste donc à une multiplication des expertises « silencieuses », une pratique qui doit être freinée. Dans certains cas, cette approche vise uniquement à disqualifier un professionnel d'expertiser pour la partie adverse. « L'expertise doit servir à éclairer le tribunal sur une question clinique et scientifique, et non comme atout d'une des parties. À cette fin, l'expertise doit être indépendante et imperméable aux stratégies juridiques », a soutenu la Dre Suzie L. Lévesque, psychiatre.
À défaut de réformer les points précédents, le législateur doit favoriser une plus grande transparence en rendant obligatoire la divulgation du nombre d'expertises sollicitées par les procureurs, et ce, qu'elles soient écrites, verbales, préliminaires ou complètes. Cette divulgation devrait être faite tant aux experts approchés avant que le mandat ne soit confié, qu'au tribunal.
Des inspections professionnelles
Le Collège des médecins planche sur une réflexion entourant le contrôle et l'encadrement de l'expertise. L'AMPQ y participe et a recommandé que soient instaurées des inspections professionnelles pour vérifier la qualité de l'acte. Les expertises médicolégales devraient faire l'objet de vérifications au même titre que la qualité de la tenue des dossiers médicaux. De telles inspections devraient être menées pour vérifier la méthode utilisée et les éléments de contenu de l'expertise. D'ailleurs, l'AMPQ propose d'instaurer, à même le rapport d'expertise, une déclaration solennelle où l'expert réaffirme que son opinion est objective, indépendante du mandant, dénuée de conflits d'intérêts et appuyée par des données probantes dûment citées, ou conforme aux normes de pratique reconnues.
Au surplus, l'Association estime que le Collège des médecins doit aussi vérifier ponctuellement la qualité de l'opinion et la cohérence des expertises réalisées par un même expert au fil du temps, indépendamment du demandeur. Cette vérification pourrait être effectuée par un ou plusieurs pairs de la même spécialité, et ce, afin d'évaluer si l'opinion découle d'un jugement clinique conforme aux normes de pratique et documenté dans la littérature.
« Nous souhaitons que nos recommandations fassent l'objet d'une réflexion rigoureuse et sérieuse tant par le gouvernement que par le Collège des médecins, mais aussi qu'elles inspirent tous les ordres professionnels dont les membres réalisent des expertises », a précisé la Dre Karine J. Igartua. Même si les médecins psychiatres estiment que l'expertise est actuellement de qualité, ils sont nettement majoritaires à appuyer un resserrement des règles. « L'absence de règles et l'utilisation qui est faite des expertises comme outil stratégique à la cour, a nourri la suspicion et compromis la confiance du public, qui y perçoit un marché de l'expertise. Les recommandations que nous proposons permettront de rétablir l'équilibre du balancier », a-t-elle conclu.
En bref : les 7 recommandations de l'AMPQ
RECOMMANDATION NO 1 : | Le médecin doit documenter son habileté à agir comme expert à la cause. |
RECOMMANDATION NO 2 : | Créer une banque d'experts reconnus par le Collège des médecins. |
RECOMMANDATION NO 3 : | Instaurer des inspections professionnelles sur la pratique des expertises. |
RECOMMANDATION NO 4 : | Instaurer la Déclaration de l'expert comme faisant partie intégrante du rapport d'expertise. |
RECOMMANDATION NO 5 : | Favoriser l'octroi des mandats d'expertises par le tribunal plutôt que par les parties intéressées. |
RECOMMANDATION NO 6 : | Pour les causes plus complexes, constituer un banc de trois experts. |
RECOMMANDATION NO 7 : | À défaut que le mandat d'expertise soit octroyé par le tribunal, édicter l'obligation pour les procureurs de divulguer le nombre d'expertises (écrites, verbales, préliminaires et complètes) sollicitées pour la cause. |
L'Association des médecins psychiatres du Québec (AMPQ) regroupe un peu plus de 1100 médecins psychiatres qui pratiquent au Québec. Elle s'intéresse donc à l'organisation des soins en santé mentale et au cadre de travail des médecins psychiatres. L'Association a notamment le mandat de promouvoir les normes professionnelles et scientifiques les plus élevées dans l'exercice de la psychiatrie. Elle œuvre aussi à susciter dans le public une meilleure connaissance de la psychiatrie et de la santé mentale, et à favoriser l'accès à des services psychiatriques pour toute la population du Québec
SOURCE : Association des médecins psychiatres du Qc
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Annick Mongeau
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