Expropriation des compagnies pétrolières et gazières : lettre ouverte au Premier Ministre Legault
QUÉBEC, le 14 oct. 2021 /CNW Telbec/ -
Monsieur le Premier Ministre,
Je me permets de vous écrire cette lettre, d'un homme d'affaires à un autre.
Ressources Utica, l'entreprise que j'ai fondée, est l'une des plus importantes détentrices de droits d'exploration au Québec.
Comme vous le savez, la Loi sur les hydrocarbures, adoptée en 2016, avait pour objectif de créer un cadre juridique pour la mise en production du pétrole et du gaz naturel découverts en grande quantité sur notre territoire, ce qui a ouvert la voie pour le développement de cette industrie stratégique pour les Québécois. Comme vous à cette époque, je soutenais l'idée que nous aurions tout avantage à produire chez nous les ressources en hydrocarbures que nous consommons chaque année au prix de plusieurs milliards de dollars en coûts d'importation.
Mon équipe et moi avons accueilli avec enthousiasme votre élection à titre de Premier Ministre du Québec en octobre 2018. Nous étions alors persuadés que vous supporteriez nos projets, menés dans une perspective de création de richesse collective, de sécurité des approvisionnements énergétiques et de réduction des GES, d'autant que la production locale demeure une meilleure option environnementale que l'importation. Vos déclarations publiques, étalées sur plusieurs années, s'alignaient parfaitement avec nos vues sur cette question stratégique pour le Québec.
Nous avons donc suivi rigoureusement la réglementation québécoise et déposé une demande d'autorisation de forage dans le cadre du projet Galt, en Gaspésie, dans lequel le gouvernement du Québec (par l'entremise de Ressources Québec) est partenaire. Or, bien que les spécialistes du MERN qui ont effectué une analyse approfondie du dossier aient recommandé à l'unanimité d'émettre l'autorisation de forage, y compris la sous-ministre associée qui a affirmé que notre dossier ne pouvait être mieux monté et qu'elle n'avait aucun doute sur sa qualité, l'autorisation de forage a néanmoins été refusée par le ministre Julien, ce qui nous a malheureusement contraints à nous adresser à la Cour.
Le refus du ministre des Ressources naturelles du Québec d'émettre l'autorisation de forage n'est pas conforme à la Loi sur les hydrocarbures et n'est pas étayé par une analyse approfondie ou une compréhension détaillée du dossier, qu'il admet par ailleurs ne pas avoir lu. Ce n'est pas le comportement qu'un homme d'affaires sérieux attendrait d'un ministre important du gouvernement, en particulier celui dont la responsabilité est de favoriser le développement des ressources naturelles au Québec pour le bénéfice de tous, et non de les entraver pour apaiser une minorité activiste. Le comportement du gouvernement est d'autant plus difficile à comprendre que Ressources Québec et le MERN avaient précédemment demandé à Utica d'aller de l'avant avec le projet Galt et qu'un membre de votre cabinet nous avait ensuite confirmé que votre gouvernement supporterait ce type de projet.
Au cours des dernières semaines, les médias ont rapporté que votre gouvernement s'apprêterait à exproprier les entreprises qui détiennent des droits pour l'exploration et la production d'hydrocarbures au Québec. Ceci au moment même où une crise énergétique sans précédent se déroule en Europe et se manifeste également chez nous, notamment avec l'envolée des prix du gaz naturel. Cette crise pourrait bien se poursuivre, ce qui impliquera des coûts de production significativement plus élevés pour une multitude d'industries québécoises grandes consommatrices de gaz naturel ainsi que pour des centaines de milliers de consommateurs résidentiels et commerciaux. Nous comprenons mal comment le renoncement à produire nos propres réserves de gaz naturel, une énergie essentielle de la transition énergétique, pourrait être une bonne décision pour le Québec, sans prendre le risque de reproduire la crise européenne ici. Comme vous le savez, le Québec a encore moins d'alternatives que l'Europe pour résoudre une telle crise, car nous sommes entièrement dépendants des États-Unis et de l'Ouest canadien pour notre approvisionnement en gaz.
De bonne foi et encouragée par le gouvernement du Québec, l'industrie a investi des centaines de millions de dollars pour trouver des ressources suffisantes pour garantir une indépendance énergétique à la province, lesquelles ressources valent aujourd'hui des centaines de milliards de dollars. Exproprier sans compenser équitablement les entreprises aurait des effets dévastateurs sur la réputation du Québec auprès des investisseurs internationaux, dont les capitaux sont absolument essentiels à notre développement économique. Ce serait, de plus, contraire à la législation québécoise, qui prévoit un rachat au minimum à la juste valeur au marché en cas d'expropriation. Comment pourrait-il en être autrement? En effet, comment un citoyen, dont l'entreprise ou la maison aurait été expropriée sans qu'une compensation à la valeur du marché ne lui soit offerte par le gouvernement, pourrait-il se sentir traité équitablement?
Dans tous les cas, le moment est venu d'agir. Après tant d'années à envoyer des signaux contradictoires, le gouvernement du Québec doit prendre ses responsabilités et décider une fois pour toutes. Ou bien il travaille de bonne foi avec l'industrie afin de développer sur son territoire les importantes ressources de pétrole et de gaz naturel d'une manière respectueuse de l'environnement, en profitant à la fois de prix de l'énergie stables et de plus d'emplois; ou bien il exproprie notre industrie en offrant des compensations justes et équitables.
Cette lettre est d'autant plus difficile à écrire pour moi que j'ai été un fier supporteur de votre parti dont la principale vision, l'enrichissement collectif du Québec, correspondait parfaitement à ma vision ainsi qu'à celle de la majorité de vos électeurs.
Je crois, en terminant, qu'il serait urgent qu'une rencontre soit organisée afin de discuter de cette question très importante pour l'avenir du Québec.
Veuillez agréer, monsieur le Premier Ministre, l'expression de mes sentiments les meilleurs.
Mario Lévesque, président et chef de la direction
SOURCE Ressources Utica
Ressources Utica, M. Mario Lévesque, Président et chef de la direction, Par courriel : [email protected]
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