Indemnisation des victimes d'actes criminels - Le Protecteur du citoyen recommande une prise en charge plus efficace et mieux adaptée aux besoins des victimes English
QUÉBEC, le 15 sept. 2016 /CNW Telbec/ - Le Protecteur du citoyen a rendu public aujourd'hui un rapport d'enquête dans lequel il présente ses constats et ses recommandations concernant le régime public d'indemnisation des victimes d'actes criminels (IVAC).
Pour la seule année 2014, au Québec, 75 063 infractions contre la personne ont été signalées. C'est dire l'ampleur de cette réalité. Les victimes de certains crimes peuvent être admissibles au régime public d'indemnisation des victimes d'actes criminels, créé en 1972 à la suite de l'adoption de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels. L'application de cette loi relève du ministre de la Justice du Québec, alors que l'administration du régime d'indemnisation est confiée à la Direction de l'IVAC intégrée à la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail.
Selon la protectrice du citoyen, Raymonde Saint-Germain, « si les visages du crime sont multiples, ses répercussions prennent souvent la forme de traumatismes profonds chez les victimes. Leur vulnérabilité après les faits appelle une réponse diligente, empathique et efficace de la part de la Direction de l'IVAC pour assurer aux personnes admissibles la meilleure prise en charge. Or, notre enquête révèle que ce n'est malheureusement pas toujours le cas ».
Tout en étant favorable à une actualisation de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels, le Protecteur du citoyen estime qu'il faut agir dès maintenant puisque des améliorations peuvent être apportées dans le cadre légal actuel. Dans son rapport d'enquête, le Protecteur du citoyen cible les principaux problèmes qui nécessitent des correctifs.
Longs délais d'attente
Alors que le cheminement des demandes d'indemnisation comporte plusieurs étapes - admissibilité, évaluation des besoins, avis médicaux, prise de décision -, de longs délais au fil de la séquence viennent reporter de plusieurs semaines, voire des mois, la réponse aux victimes. Dans l'intervalle, celles-ci peuvent, par exemple, être en attente d'une indemnité en remplacement d'un revenu ou d'une assistance aussi indispensable qu'une thérapie.
Lacunes dans l'information aux victimes
L'information permettant aux victimes de comprendre les mécanismes d'aide et les conditions pour y avoir droit est incomplète. De même, dans le cas d'un refus d'indemnisation, l'écrit fourni à la victime est souvent laconique et n'expose pas suffisamment les motifs justifiant cette conclusion. Ainsi privée des éléments détaillés sur lesquels s'appuie le refus, la personne n'est pas en mesure de le contester ni d'exercer valablement les recours mis à sa disposition.
Accès au régime ainsi qu'aux services et indemnités
Souvent, la Direction de l'IVAC retient une interprétation restrictive de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels, en fait une application rigide ou encore impose des conditions qui n'y sont pas prévues. À titre d'exemple, il arrive que les victimes doivent, en plus de prouver que l'acte s'est bel et bien produit, démontrer les circonstances précises du crime, y compris son mobile. Ceci va bien au-delà de l'exigence prévue à la Loi.
Autre illustration : selon la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels, une demande d'indemnisation doit être faite dans les deux ans « de la survenance du préjudice matériel, de la blessure ou de la mort de la victime ». Cette survenance correspond au moment où la victime prend conscience du préjudice subi et de son lien probable avec l'acte criminel. Or, dans plusieurs cas, la Direction de l'IVAC retient comme point de départ la blessure physique importante pour le calcul du délai, même lorsque la victime allègue une prise de conscience récente d'une blessure psychologique causée par le même acte criminel. Cela conduit, entre autres, à refuser l'accès au régime aux victimes qui voient apparaître des blessures psychologiques plus tard ou dont elles ne prennent conscience qu'ultérieurement.
De plus, passé le délai de deux ans, la Loi prévoit que la victime peut démontrer, par tout motif valable, qu'elle n'avait pas renoncé à se prévaloir des bénéfices du régime. Or, pour justifier une demande tardive, la Direction de l'IVAC n'accepte généralement que le seul motif, très exigeant, de l'impossibilité d'agir. De l'avis du Protecteur du citoyen, une telle approche va à l'encontre de l'esprit d'un régime public à vocation sociale et réparatrice qui appelle une interprétation large et libérale ainsi qu'une souplesse dans l'application.
Le rapport d'enquête soulève plusieurs autres problèmes dans l'administration du Régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels. Pour y remédier, le Protecteur du citoyen formule 33 recommandations pouvant être mises en œuvre dans le cadre légal actuel. Elles visent principalement à :
- réduire les délais aux différentes étapes de traitement des demandes;
- assurer l'accès au régime et aux services et indemnités, en donnant plein effet aux lois applicables;
- améliorer la qualité et la clarté de l'information pour appuyer davantage les victimes dans leurs démarches;
- communiquer systématiquement de façon verbale avec chacune des victimes pour évaluer leurs besoins;
- en cas de décision défavorable, expliquer clairement et suffisamment les motifs de refus afin que les victimes puissent en comprendre les fondements et exercer adéquatement d'éventuels recours;
- augmenter la rigueur du processus décisionnel, notamment en ce qui concerne les avis du Bureau médical lorsque ceux-ci sont contraires à ceux des professionnels consultés par la victime;
- permettre une reconsidération des décisions erronées dans certaines situations, conformément à la Loi sur les accidents du travail ainsi qu'aux critères établis par la Cour suprême de façon à éviter les recours devant les tribunaux.
Le Protecteur du citoyen estime que la mise en œuvre des recommandations de ce rapport favorisera une administration du régime davantage en phase avec les besoins des victimes et respectueuse du contexte qui les a menées à requérir de l'aide.
À consulter : le rapport d'enquête du Protecteur du citoyen.
SOURCE Protecteur du citoyen
Demandes d'entrevue : Carole-Anne Huot, 418 646-7143/418 925-7994 [email protected]; Joanne Trudel, 418 644-0510/418 580-9259 [email protected]
Partager cet article