Intégration économique des immigrants - PLUS À L'EMPLOI MAIS AUSSI PLUS DE DÉLAIS ET D'INCERTITUDE
MONTRÉAL, le 1er juin 2022 /CNW Telbec/ - Alors que le gouvernement actuel s'est engagé à « en prendre moins mais à en prendre soin », les plus récentes données sur les immigrants indiquent que dans les faits, le Québec en accueille plus, qu'ils sont de plus en plus en emploi et que leurs conditions salariales s'améliorent… « Derrière ces bonnes nouvelles se cachent toutefois de nouveaux et nombreux défis, soutient Mia Homsy, présidente-directrice générale de l'Institut du Québec qui dévoile aujourd'hui une étude visant à brosser un portrait de l'immigration économique au Québec. »
Plus d'immigrants avec des statuts temporaires
Plus spécifiquement, cette étude révèle que pour pallier la rareté de main-d'œuvre exacerbée par le vieillissement de sa population, Québec mise de plus en plus sur l'immigration temporaire. Ainsi, entre 2016 et 2019, le solde de résidents non permanents (les immigrants dits temporaires) est passé de 12 671 à 61 668. Alors qu'il représentait en moyenne 9 % du solde des immigrants internationaux entre 2012 et 2016, ce pourcentage a grimpé à 64 % en 2019.
Avec la multiplication des assouplissements, des mesures et des programmes qui visent à faciliter l'attraction et la rétention des immigrants temporaires, notamment les étudiants internationaux et les travailleurs avec des profils qui correspondent aux besoins du marché du travail québécois, tout porte à croire que cette tendance se poursuive au cours des prochaines années.
Comme stratégie, le gouvernement semble donc vouloir privilégier la stabilisation du nombre d'immigrants permanents tout en facilitant davantage la venue de travailleurs temporaires. Toutefois, par leur statut plus précaire, les immigrants temporaires font parfois face à des difficultés sociales et économiques auxquelles les natifs et les immigrants reçus ne sont pas confrontés : permis de travail relié à un employeur abusif ou inéquitable, conditions de travail moins favorables, méconnaissance des droits associés au permis de travail, etc. De plus, comme ces derniers choisissent souvent cette voie en vue d'accéder à la résidence permanente, la recrudescence d'immigrants temporaires au Québec risque de prolonger encore davantage les délais pour l'obtention de leur permanence.
Sans vouloir proposer de seuil optimal ou d'avenue à privilégier, l'IDQ est tout de même d'avis que ce changement d'approche impose une réflexion plus en profondeur sur le plan des possibles impacts.
Intégration des immigrants : des pas de géants
Bien que les immigrants aient été durement touchés par la pandémie, leur situation sur le marché du travail s'est considérablement améliorée depuis le début de l'année 2022. Les données à ce chapitre sont frappantes :
Alors qu'il s'élevait à 12,7 % il y a dix ans, le taux de chômage des immigrants de 25 à 54 ans a chuté à 5,3 % en avril 2022, ce qui représente une baisse importante de 7,4 points de pourcentage.
Au cours de la même période, le taux d'emploi des immigrants de 25 à 54 ans est passé de 69,9 % à 81,9 %, rattrapant ainsi celui de l'Ontario (81,4 % en avril 2022) et égalisant presque celui de la Colombie-Britannique (82,1 % en avril 2022).
Des progrès ont également été enregistrés du côté de la rémunération : le salaire d'entrée des immigrants économiques a même progressé plus rapidement que celui de l'ensemble des travailleurs québécois. Alors qu'en 2010, le salaire qu'ils recevaient au cours de l'année suivant leur admission à la résidence permanente était inférieur de près de 40 % à la médiane québécoise, cet écart a fondu à 1,3 % en 2019. Ainsi, longtemps considérée comme un talon d'Achille pour le Québec, l'intégration économique des immigrants s'est non seulement considérablement améliorée au cours des dernières années mais elle contribue aujourd'hui plus que jamais à la croissance économique du Québec.
Les pires délais administratifs au Canada!
Dans tous les cas de figure, les délais d'obtention de la résidence permanente sont, de loin, beaucoup plus longs au Québec qu'ailleurs au Canada. Ces attentes sont principalement attribuables au temps que le gouvernement fédéral met à traiter les aspects dont il est responsable (vérifications reliées à la santé, à la sécurité et aux normes fédérales). Ce dernier consacre en moyenne 31 mois pour analyser un dossier alors que le processus global peut s'échelonner sur 37 mois.
« Ces délais administratifs démesurés désavantagent considérablement le Québec car ils prolongent indûment la période d'incertitude que vivent les demandeurs et nuisent à l'attractivité et à la compétitivité du Québec, notamment au détriment de l'Ontario qui assure des délais beaucoup plus courts », déplore Mia Homsy.
La régionalisation de l'immigration : au point mort malgré les efforts
Alors qu'à elle seule, la grande région de Montréal compte pour 50,5 % de la population du Québec, près de 85 % des immigrants qui arrivent au Québec s'y établissent en premier lieu. Une proportion qui a d'ailleurs peu varié ces dernières années. Entre 2015 et 2019, 11 des 17 régions administratives du Québec ont accueilli en moyenne moins de 1 000 immigrants permanents par année alors que la région administrative de Montréal en a reçus quelque 37 000.
Ainsi, force est d'admettre que les efforts et les sommes investies pour attirer et retenir les immigrants à l'extérieur de Montréal n'ont pas porté leurs fruits. Une situation qui freine indéniablement le développement économique de plusieurs régions. Par surcroît, le resserrement du marché de l'emploi observé au Québec au cours des dernières années y a été encore plus important. Les postes vacants sont nombreux en région et la population y est plus vieillissante.
À la lumière de ces constats, voici les principales recommandations de l'IDQ :
- Accorder davantage de pouvoirs en immigration au Québec : modifier l'Accord Canada-Québec afin que le Québec obtienne davantage de pouvoirs en immigration et puisse ainsi vérifier par lui-même les critères relatifs à la criminalité, à la sécurité et à la santé des immigrants de la catégorie économique, ce qui accélèrerait considérablement le processus et réduiraient les inacceptables délais du côté fédéral.
- Rehausser graduellement les seuils annuels d'immigration en priorisant l'établissement des immigrants en région dès leur arrivée au Québec avec la création d'une nouvelle voie rapide qui pourrait s'appeler le Programme régional de l'expérience québécoise (PREQ). Inspiré de programmes existants, le PREQ pourrait être délivré à un maximum de 10 000 immigrants temporaires installés en région. Il permettrait d'accélérer l'obtention de la résidence permanente. Ces quelques milliers d'immigrants préalablement établis en région, et admis par le biais du PREQ, viendraient s'ajouter aux 50 000 immigrants admis à la résidence permanente en vertu des programmes existants. Comme le démontrent les données, cette pratique n'entraînerait pas nécessairement de hausse d'immigrants au Québec. Elle aurait simplement pour conséquence de rendre leur statut moins précaire en accélérant leur permanence.
- Accroître la portée et l'envergure des campagnes et des missions de recrutement international afin d'attirer au Québec plus d'étudiants internationaux et de travailleurs temporaires qualifiés en misant davantage sur:
- Investissement Québec international (IQI) pour l'attraction de talents internationaux dans les régions, notamment en lui donnant les moyens d'assurer un accompagnement plus soutenu des entreprises aidées par Investissement Québec ;
- Les établissements d'enseignement postsecondaires dans leurs efforts de recrutement à l'international.
- Réduire les délais administratifs en abolissant l'obligation de cumuler entre 12 et 18 mois d'expérience professionnelle après les études ou 24 mois de travail pour les travailleurs temporaires au Québec avant le dépôt d'une demande de résidence permanente. Comme les délais actuels de traitement des demandes prennent 37 mois en moyenne, une période de travail ou d'étude en sol québécois aurait déjà été effectuée avant l'obtention de la résidence permanente.
- Bonifier le crédit d'impôt (non remboursable) pour frais de scolarité ou d'examen pour les étudiants internationaux qui décident de s'installer de manière permanente dans les régions du Québec après leurs études.
Pour en savoir plus
Téléchargez le rapport Portrait de l'immigration au Québec: L'intégration économique à la hausse... mais les besoins aussi
À propos de l'Institut du Québec
L'Institut du Québec est un organisme à but non lucratif qui publie des recherches et des études sur les enjeux socioéconomiques contemporains du Québec. Il vise à fournir aux autorités publiques, au secteur privé et à la société civile les outils nécessaires pour prendre des décisions éclairées, et ainsi contribuer à bâtir une société plus dynamique et prospère.
institutduquebec.ca | @InstitutduQC
SOURCE Institut du Quebec
Liette D'Amours, Responsable des relations avec les médias, 514 649-2347, [email protected]
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