Juges nommés par Justin Trudeau : une étude démontre qu'ils ont tendance à rendre des jugements conformes à la pensée des Trudeau, surtout en matière de droits individuels
MONTRÉAL, le 24 mars 2024 /CNW/ - Un nouvel ouvrage intitulé La pensée des Trudeau, le Québec et le pouvoir judiciaire lancé aujourd'hui par l'Institut de recherche sur le Québec (IRQ) conclut que les juges nommés par le gouvernement de Justin Trudeau à la Cour d'appel du Québec et à la Cour suprême du Canada sont beaucoup plus enclins à rédiger des jugements conformes à la pensée politique trudeauiste qu'à rédiger des jugements qui n'y sont pas conformes.
Plus précisément, sur 29 jugements analysés, 58,6 % (17 sur 29) sont conformes à la pensée des Trudeau, à peine 27,6% (8 sur 29) sont non conformes et 13,8 % (4 sur 29) sont neutres. Cette tendance est encore plus marquée lorsqu'il s'agit de droits individuels, les jugements étant alors à 70,6 % (12 sur 17) conformes à la pensée des Trudeau, comparativement à 17,6 % (3 sur 17) qui y sont non conformes et 11,8 % (2 sur 17) qui sont neutres.
Pour arriver à ces conclusions, le chercheur Guillaume Rousseau, professeur titulaire à la Faculté de droit de l'Université de Sherbrooke et directeur scientifique de l'IRQ, et son collaborateur à la recherche Sébastien Bouthillier, chargé de cours aux HEC, ont procédé à une analyse minutieuse et approfondie de 29 jugements de fond rendus par des juges nommés par le gouvernement de Justin Trudeau en matière de droits linguistiques, d'autres droits individuels, de pouvoir constituant et de partage des compétences. Sur la base d'une définition de la pensée politique des Trudeau père et fils comme étant favorable au bilinguisme symétrique, au multiculturalisme, aux droits individuels, à un État central et un pouvoir judiciaire forts, mais défavorable à un droit de veto constitutionnel pour le Québec et à une réforme constitutionnelle qui lui donnerait plus d'autonomie, chaque jugement a été classé comme étant clairement conforme à cette pensée, plutôt conforme, neutre, plutôt non conforme ou clairement non conforme.
« Au terme de cette analyse d'une qualité exceptionnelle, notamment par l'ampleur de la recherche jurisprudentielle effectuée, il est difficile de ne pas partager la conclusion selon laquelle les juges dont la nomination a été effectuée par le gouvernement de Justin Trudeau à la Cour d'appel ou à la Cour suprême ont en général plus tendance à rédiger des jugements conformes à la pensée des Trudeau. Je défie tout constitutionnaliste de faire la démonstration du contraire en effectuant une recherche de la même profondeur », souligne Daniel Turp, professeur émérite de la Faculté de droit de l'Université de Montréal et auteur de la préface de l'ouvrage.
À propos de ce qu'il l'a mené à entreprendre une telle analyse, Guillaume Rousseau explique : « On savait déjà par les médias que des avocats donateurs au Parti Libéral du Canada étaient favorisés lors des nominations de juges. Toujours grâce aux médias, on savait aussi que le premier ministre Justin Trudeau était intervenu dans un cas précis pour refuser la nomination à la Cour suprême d'un juge qu'il considérait trop peu favorable à une approche libérale en matière d'interprétation des droits individuels, dans un contexte où il dépeignait son parti comme étant celui de la Charte canadienne. À notre connaissance, il n'était pourtant jamais intervenu pour bloquer une nomination à la Cour d'appel du Québec ou concernant un juge qu'il considérait trop peu favorable à la centralisation fédérale. Nous avons donc voulu valider notre hypothèse selon laquelle les jugements rendus par les juges nommés par le gouvernement Trudeau avaient tendance à être conformes à la pensée de ce premier ministre, surtout lorsqu'il s'agissait de décisions portant sur les droits individuels prononcées par la Cour suprême. Nous avions vu juste. »
Les résultats de cette étude incitent à réfléchir concernant les mécanismes de nomination des juges et l'équilibre entre le pouvoir politique et le pouvoir judiciaire. En proposant des pistes de réflexion relatives à des solutions potentielles pour contrer cette tendance, telles que la réforme des procédures de nomination ou la création d'une instance de nomination québécoise, l'auteur invite à un débat essentiel sur les tribunaux de nomination fédérale, de la Cour supérieure à la Cour suprême en passant par la Cour d'appel. À l'heure des réflexions sur l'adoption possible d'une Constitution québécoise formelle qui inclurait sans doute des droits individuels, on est amenés à se questionner sur l'instance qui aurait le pouvoir d'interpréter cette nouvelle constitution. Dans un contexte où l'on sait maintenant que l'idéologie trudeauiste a une influence sur les juges nommés par le gouvernement de Justin Trudeau à la Cour d'appel et la Cour suprême, voudrions-nous confier à ces cours ce pouvoir? Ne serait-il pas préférable de créer une instance de nomination québécoise, comme un conseil constitutionnel? Et, si oui, est-ce possible sur le plan du droit constitutionnel canadien? Voilà autant de réflexions que l'Assemblée nationale du Québec devra entreprendre à la lumière des révélations de cette nouvelle étude réalisée sous l'égide de l'IRQ.
Le grand public peut se procurer l'ouvrage La pensée des Trudeau, le Québec et le pouvoir judiciaire en format papier ou PDF sur la boutique Accent bleu https://bit.ly/3vzIV8R. Les journalistes qui souhaitent obtenir un exemplaire gratuit du livre en PDF peuvent en faire la demande à l'adresse [email protected].
Guillaume Rousseau a terminé une maîtrise en droit comparé à l'Université McGill, avec une spécialisation en droits de la personne et diversité culturelle, avant d'obtenir des doctorats en droit de l'Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, de l'Université Laval et de l'Université de Sherbrooke. Il est maintenant avocat, professeur titulaire et directeur des programmes de droit et politique appliqués de l'État à la Faculté de droit de l'Université de Sherbrooke, en plus d'être professeur associé à l'Université Laval. Ses recherches ont notamment mené à la publication des livres Le droit linguistique au Québec (préface du professeur émérite Henri Brun) et Restaurer le français langue officielle (préface de l'ex juge à la Cour d'appel Jean-Louis Baudouin), tous deux maintenant cités par les tribunaux. Guillaume Rousseau est également collaborateur au Journal de Montréal, chroniqueur chez Cogeco et directeur scientifique de l'IRQ.
Fondé en 1999, l'Institut de recherche sur le Québec (IRQ) est un organisme non partisan et sans but lucratif qui s'intéresse à l'évolution de la nation québécoise. Il rassemble des chercheurs de différents horizons et de différentes disciplines comme la science politique, la sociologie, l'histoire, le droit et la démographie, et vise à alimenter la discussion publique et l'action politique par la production de réflexions liées aux intérêts supérieurs du Québec et basées sur une démarche scientifique rigoureuse.
SOURCE INSTITUT DE RECHERCHE SUR LE QUEBEC
Guillaume Rousseau, Auteur et directeur scientifique de l'IRQ, [email protected], #RechercheIRQ
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