La commission d'appel du Conseil de presse infirme deux décisions et maintient le rejet de deux plaintes
MONTRÉAL, le 9 janv. 2025 /CNW/ - La commission d'appel du Conseil de presse du Québec a rendu quatre décisions relativement à des demandes de révision qui lui ont été soumises. Elle a maintenu deux décisions du comité des plaintes et en a infirmé deux autres en partie. Les décisions de la commission d'appel étant finales, ces quatre dossiers sont maintenant clos.
Le rôle de la commission d'appel est de s'assurer que les principes déontologiques ont été appliqués correctement par le comité des plaintes, en première instance.
D2023-07-051 (2) : Christian Rioux c. François Gosselin Couillard
Le premier dossier concerne une chronique d'opinion de Christian Rioux intitulée « Solitude française », publiée dans Le Devoir le 14 juillet 2023. Dans cette chronique, le correspondant du Devoir à Paris décrivait le climat tendu dans lequel se déroulait la Fête nationale des Français, alors que la France venait de vivre huit nuits d'émeutes à la suite de la mort de Nahel Merzouk, un Franco-Algérien de 17 ans tiré à bout portant par un policier lors d'un contrôle routier le 27 juin 2023. Le chroniqueur Christian Rioux a porté en appel les deux griefs de propos discriminatoires entretenant les préjugés retenus en première instance.
Concernant l'utilisation et l'association des termes « djihadistes » et « vandales » par le chroniqueur, alors que le comité des plaintes, tout comme le plaignant, y a vu un amalgame pouvant entretenir des préjugés envers les jeunes arabes, la commission d'appel a constaté que « le seul lien qui est fait noir sur blanc par le chroniqueur est que les terroristes de 2015 et les émeutiers de 2023 ont pris "pour cible des symboles de la civilité française". [...] Lorsqu'il s'agit de rapporter des faits qui concernent certaines communautés qui peuvent être la cible de discrimination, les journalistes doivent prendre garde de ne pas utiliser des termes qui peuvent entretenir des préjugés, comme l'indique le Guide de déontologie. Cela ne signifie pas qu'ils ne peuvent pas parler d'enjeux qui affectent certaines communautés. C'est ici que le comité des plaintes a erré dans son analyse en constatant un amalgame menant à des préjugés alors que, dans le passage visé, Christian Rioux décrivait des faits. »
De la même manière, l'utilisation de l'expression « de visu », que le comité des plaintes a perçue comme une façon pour le chroniqueur d'attribuer l'origine des émeutes à un groupe défini d'habitants des banlieues, soit ceux de minorités visibles issus de l'immigration, signifiait simplement « après l'avoir vu », « d'après ce que l'on a vu ». « Comme au grief précédent, le chroniqueur rapporte ici un fait qu'il a constaté, soit que les émeutiers étaient en grande partie issus de l'immigration. [...] En se basant sur ce fait qu'il constate, le chroniqueur développe son opinion selon laquelle les émeutes de l'été 2023 étaient une conséquence de l'échec des politiques migratoires françaises. [...] Associer les émeutes de 2023 aux populations issues de l'immigration, dans le contexte actuel, n'entretient donc pas de préjugé, cette association étant appuyée sur des faits vérifiés. Les conclusions que le chroniqueur tire de cette constatation factuelle, au sujet des politiques d'immigration du gouvernement français, relèvent de son opinion personnelle, opinion à laquelle il a droit. »
La commission d'appel infirme ainsi la décision relativement aux deux griefs de discrimination entretenant les préjugés retenus en première instance et retire le blâme au chroniqueur et au média.
D2023-03-017 (2) : Maxime Séguin c. Philippe Mercure et La Presse
Le deuxième dossier porte sur un éditorial de Philippe Mercure intitulé « Dernière chance pour les ambulances », publié dans La Presse le 3 mars 2023. Dans cet éditorial, Philippe Mercure dénonçait le fait que les entreprises ambulancières privées « dont les revenus proviennent de l'État » refusent de dévoiler leurs états financiers. Le plaignant en première instance a fait appel de la décision d'absoudre l'éditorialiste et le média en raison de la correction apportée au passage visé par le grief d'information incomplète retenu.
La commission d'appel s'est uniquement penchée sur la sanction donnée par le comité des plaintes, en l'occurrence la décision d'absoudre le média en raison d'un correctif, la décision de retenir l'incomplétude initiale n'ayant pas été portée en appel.
Le passage visé par le grief d'information incomplète laissant croire que la facture des entreprises ambulancières privées s'élevait à 1 milliard de dollars, le plaignant aurait souhaité que l'éditorialiste précise que ce montant n'était qu'une estimation qui incluait le public, le privé et d'autres dépenses. Or, le média a plutôt choisi de corriger l'information en modifiant le montant de la facture pour n'y inclure que la part du privé, l'estimant alors à 600 millions de dollars. Une correction jugée adéquate par le comité des plaintes, qui a retenu le grief d'information incomplète, mais a absous l'éditorialiste et le média en raison du correctif.
Cependant, tel que l'avance l'appelant, la correction apportée par le média le 2 novembre 2023 était inexacte, le montant total de la facture des entreprises ambulancières privées s'élevant plutôt à 500 M$. « L'éditorialiste et le média ont pourtant eu toute la chance de corriger le montant erroné de la facture des services ambulanciers privés, une fois que l'erreur leur a été signalée. Ces chiffres étaient publiquement accessibles, entre autres dans l'Étude des crédits du ministère de la Santé. [...] La commission d'appel annule ainsi l'absolution accordée par le comité des plaintes. Par conséquent, l'éditorialiste et le média reçoivent un blâme pour le grief d'information incomplète retenu. »
D2022-12-229 (2) : Quentin Condo c. Mathieu Bock-Côté et LCN
Ce dossier étudié par la commission d'appel concerne une intervention du chroniqueur Mathieu Bock-Côté à l'émission « La Joute », diffusée sur les ondes de LCN le 5 décembre 2022. Le segment traitait de la version amendée du projet de loi C-21 visant à resserrer le contrôle des armes à feu au Canada, projet de loi que tentait alors de faire adopter le gouvernement fédéral de Justin Trudeau. Alors que le plaignant considérait que Mathieu Bock-Côté y laissait croire que « toutes les armes à feu illégales au Québec/Canada proviennent des communautés autochtones » en soulignant qu'une partie des armes qui circulent dans les gangs de rue au Canada entrent au pays « par les réserves que l'on connaît », le comité des plaintes avait jugé qu'il attribuait au chroniqueur des propos qu'il n'avait pas tenus et qu'il interprétait lesdits propos en associant un problème de trafic d'armes à de la discrimination envers les communautés autochtones. Le grief de discrimination avait été rejeté, une décision portée en appel par le plaignant.
Tout comme le comité des plaintes, la commission d'appel a constaté que Mathieu Bock-Côté n'a jamais tenu les propos qu'on lui reprochait, en plus d'apporter certaines nuances à ses affirmations concernant « les réserves que l'on connaît ». Qui plus est, les réserves autochtones comme lieu de transit des armes de contrebande constituant un problème largement documenté, par des articles de médias reconnus, des études, des positions gouvernementales, des commissions parlementaires et les forces de l'ordre, les propos de Mathieu Bock-Côté ne franchissent pas le seuil de la discrimination puisqu'ils reposent sur des faits avérés. « Mathieu Bock-Côté s'en tient à désigner les réserves comme lieu de transit des armes à feu illégales, sans jamais prétendre que tous les Autochtones sont des trafiquants d'armes et des criminels », souligne la commission d'appel.
La décision du Conseil est maintenue.
D2024-01-003 (2) : Kaven Benoit c. Cédric Bélanger, Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec
Le dernier dossier concerne un article de Cédric Bélanger intitulé « Le Doc Mailloux s'éteint à 74 ans », mis en ligne sur les sites Web du Journal de Montréal et du Journal de Québec le 12 janvier 2024. L'article rapportait le décès du « psychiatre le plus célèbre et controversé du Québec », Pierre Mailloux. Le journaliste revenait sur sa maladie, mais aussi sur les nombreuses controverses qui ont marqué la carrière médiatique du Doc Mailloux, dont celle survenue sur le plateau de l'émission Tout le monde en parle le 25 septembre 2005. Alors que le plaignant considérait que le journaliste déformait les propos que le Doc Mailloux avait prononcés lors de cette émission, le comité des plaintes avait rejeté le grief d'information inexacte, expliquant que le journaliste ne citait pas directement le Doc Mailloux, mais résumait plutôt la portée générale de ses propos controversés, près de 20 ans plus tard.
Une lecture des faits fidèle à la réalité, selon la commission d'appel, qui indique dans sa décision que « l'information que déplore le plaignant n'est pas présente dans le passage du texte visé par la plainte. Comme l'a souligné avec justesse le comité des plaintes, le journaliste se contente d'y résumer une des controverses ayant marqué la carrière médiatique du Doc Mailloux. La décision de première instance est donc maintenue et le grief d'information inexacte rejeté. »
À propos
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Le Conseil de presse remercie Cision d'avoir rendu possible l'envoi de ce communiqué.
SOURCE CONSEIL DE PRESSE DU QUEBEC
RENSEIGNEMENTS : Caroline Locher, Secrétaire générale, Conseil de presse du Québec, [email protected]
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