La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse remporte le premier jugement condamnant un policier de Montréal pour profilage racial
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Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse23 avr, 2012, 15:46 ET
MONTRÉAL, le 23 avril 2012 /CNW Telbec/ - La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse vient de remporter une importante victoire judiciaire devant le Tribunal des droits de la personne qui a condamné un policier du Service de police de la Ville de Montréal et la Ville de Montréal à verser 18 000 $ à un homme d'origine arabe victime de profilage racial.
La présidente du Tribunal des droits de la personne, madame la juge Michèle Pauzé, a conclu que le policier Dominique Chartrand a interpellé monsieur Milad Rezko sans motif raisonnable, a proféré des insultes racistes à son endroit, a fait des vérifications disproportionnées et a remis un constat d'infraction sur la base de préjugés, agissant ainsi de manière abusive et pratiquant du profilage racial.
L'affaire remonte au mois de mars 2007. Au volant d'une voiture de marque Jaguar, un représentant des ventes dans le domaine du vêtement et d'origine libanaise, vient livrer en fin de journée, des échantillons de vêtements et des documents à son associé en affaires. Il se stationne en face de l'entreprise dans le quartier Chabanel de Montréal. Il lui téléphone et lui demande d'envoyer quelqu'un pour chercher les documents et les échantillons. Celui-ci envoie alors son frère, Milad Rezko, qui descend en t-shirt, malgré le temps froid, entre dans la voiture et s'assoit du côté passager pour discuter quelques minutes avec lui.
Quelques minutes plus tard, le policier Chartrand, qui agit comme patrouilleur, aperçoit la Jaguar et les deux hommes dans le véhicule et décide de se ranger derrière ce dernier, avec ses gyrophares allumés. Il va à la rencontre des passagers et leur demande de s'identifier. Il soutient que monsieur Rezko n'a pas sa ceinture attachée et une altercation s'ensuit car ce dernier n'a pas ses papiers d'identité sur lui.
Le Tribunal a retenu la version de Milad Rezko selon laquelle, il a dit au policier : « Je te jure, j'ai pas mes cartes sur moi » en faisant un signe de croix. C'est alors que le policier Chartrand lui a dit : « Je m'en crisse de ton bouddhisme, ton catholique, tous les Arabes sont des menteurs. » Selon Milad Rezko, le policier Chartrand parlait fort et plusieurs personnes s'étaient arrêtées pour voir ce qui se passait.
La juge Pauzé a statué que le policier avait non seulement proféré des paroles discriminatoires mais qu'il avait fait preuve d'acharnement en faisant une enquête de 53 minutes pour vérifier l'identité d'une personne n'ayant commis aucune infraction au Code de la sécurité routière et qui ne pouvait pas davantage être raisonnablement soupçonnée d'avoir commis un crime, ce qui démontrait manifestement qu'il avait fait l'objet d'un traitement inhabituel et différencié.
D'ailleurs le policier a admis lors de son témoignage, d'avoir menacé monsieur Rezko d'entrave à la fin de son intervention, en lui remettant un constat d'infraction, et il a reconnu qu'il formule cette menace lorsqu'il pense que la personne ment. Monsieur Rezko a contesté sa contravention en Cour municipale qui l'a acquitté le 15 mai 2008. Entre-temps, il avait porté plainte à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.
La juge Pauzé a par ailleurs indiqué que le Tribunal avait pu apprécier la sincérité des témoignages de monsieur Rezko et du représentant des ventes qui fut témoin de l'altercation. Par contre, le policier Chartrand n'a conservé qu'un souvenir « très flou » des événements et sa mémoire est aussi pour le moins « inégale. »
Le président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, monsieur Gaétan Cousineau, s'est réjoui aujourd'hui, de cette décision qui fera jurisprudence. Il a noté qu'il s'agit de la première fois que le Tribunal des droits de la personne entendait les représentations complètes des parties dans un dossier de profilage racial. Le jugement expose donc « les principes développés dans la jurisprudence et la doctrine relatives au profilage racial afin d'en circonscrire les composantes pertinentes à l'appréciation de la preuve produite en l'espèce et les principales caractéristiques attribuées au profilage discriminatoire en droit canadien.
Monsieur Cousineau a souligné que la juge avait noté le travail de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse qui a adopté en 2005 une définition du profilage racial et qui a rendu public, au mois de mai 2011, son rapport de consultation sur la discrimination systémique et le profilage racial des jeunes racisés.
Dans ses conclusions, le Tribunal a ordonné à la Ville de Montréal et au policier Chartrand de payer 10 000 $ en dommages moraux. Le policier devra aussi payer 8 000 $ en dommages punitifs à monsieur Rezko.
Dans les circonstances, monsieur Cousineau a repris les commentaires de la juge en invitant les « autorités policières de travailler avec détermination à la résolution de ces problèmes complexes » que constituent la discrimination systémique et le profilage racial. Il a aussi a dit souhaiter que la Ville de Montréal accepte le verdict du Tribunal et ne porte pas la cause en appel.
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Patricia Poirier
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