La Convention-cadre pour la lutte antitabac fête ses 10 ans: une opportunité pour le Québec de compléter son engagement
MONTRÉAL, le 27 févr. 2015 /CNW Telbec/ - La Coalition québécoise pour le contrôle du tabac tient à souligner le 10e anniversaire de l'entrée en vigueur de la Convention-cadre pour la lutte antitabac (CCLAT), le premier traité international négocié sous les auspices de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). Bien que le Canada en soit signataire, le Québec s'est lui aussi engagé à respecter ce traité via une motion supportée par Dr Couillard en 2004, qui avait dit « souhaiter que l'Assemblée nationale appuie unanimement la motion ».
Au cours du 21e siècle, près d'un milliard de personnes mourront des conséquences du tabagisme si les pays du monde n'adoptent pas d'importantes mesures législatives pour combattre ce fléau; cette prévision est d'ailleurs l'une des principales motivations derrière la création du traité. En effet, grâce à la CCLAT, le rythme d'adoption de mesures de lutte au tabagisme dans les pays signataires s'est grandement accéléré, même si l'implantation n'est pas encore complète. La Convention a été créée à un moment où d'importants progrès se faisaient dans les pays à revenus élevés, pendant que le marketing et la consommation se déplaçaient vers les nations à revenus faibles ou moyens. Ainsi, ce traité permet de coordonner le travail des différents pays et de soutenir les pays avec moins de ressources. La CCLAT compte aujourd'hui 180 parties, ce qui en fait un des traités les plus largement ratifiés au monde.
En 2004, lors du débat entourant la motion, Dr Couillard avait précisé que « si elle était inventée aujourd'hui, la cigarette serait selon toute vraisemblance interdite … Le tabagisme en effet est un phénomène qui n'a pas sa raison d'être, et son existence apparaît aujourd'hui comme une erreur de développement des sociétés. Il faut tout mettre en œuvre pour le réduire constamment, et ce, à un rythme aussi rapide que possible. … il faut déployer une intervention aux composantes multiples et de nature variée. Les mesures législatives y occupent une place de choix, notamment pour contrôler l'intervention de l'industrie du tabac, celle-ci ayant un rôle évident dans l'existence et la pérennité du tabagisme, et cela est aujourd'hui reconnu par toutes les autorités en la matière » [nos soulignés].
« Le 10e anniversaire de la Convention internationale sur le tabac est une bonne occasion pour rappeler l'urgence de mettre à jour notre Loi sur le tabac, » explique Dre Geneviève Bois, porte-parole de la Coalition. « Le Québec a beaucoup accompli par le passé pour réduire le tabagisme. Lorsqu'ils étaient ministres de la Santé, Jean Rochon et Philippe Couillard avaient chacun fait adopter des précédents mondiaux, qui ont par la suite été reproduits par de nombreux gouvernements à travers le monde. Par exemple, le Québec était la première juridiction au monde ayant complètement interdit la commandite de tabac, et la première ayant interdit la vente de tabac dans les lieux socioculturels comme les salles de spectacles, les centres sportifs, et les restaurants et bars. Mais cela fait dix ans que nous n'avons pas adopté de nouvelles mesures d'envergure pendant que l'industrie, elle, a continué d'innover. Il est grand temps de renforcer notre loi, d'abord pour de protéger les nouvelles générations contre les ravages du tabac, mais aussi pour remplir nos obligations face au traité de l'OMS et regagner notre statut de leader mondial de la lutte contre le tabac. »
Bien que le Québec ait instauré la majorité des mesures demandées par le traité (interdiction de publicité, zones sans fumée, support à la cessation, etc.), plusieurs aspects cruciaux n'ont pas encore été abordés, dont la promotion véhiculée par l'emballage ainsi que l'aromatisation (voir détails dans encadré plus bas). Ainsi, « lors de ce dixième anniversaire de la convention internationale sur le tabac, il importe non seulement de souligner les victoires du passé, mais encore plus de se tourner vers l'avenir et de compléter la mise en œuvre de l'ensemble des directives du traité antitabac de l'OMS, » ajoute Dre Bois.
Influence de l'industrie
Au moment où le gouvernement d'apprête à réviser la Loi sur le tabac, il est pertinent de souligner l'article 5.3 de la CCLAT, qui stipule qu'« en définissant … leurs politiques de santé publique en matière de lutte antitabac, les Parties veillent à ce que ces politiques ne soient pas influencées par les intérêts commerciaux et autres de l'industrie du tabac ». Afin de respecter cette obligation, les directives d'application recommandent une série de principes et d'interventions.
Par exemple, « les Parties ne devraient avoir d'interaction avec l'industrie du tabac que lorsque cela est nécessaire » et, lorsqu'elles en ont l'obligation, « les Parties devraient veiller à ce qu'elles aient lieu … en public, par exemple dans le cadre d'auditions publiques. » Selon la Dre Bois, « le registre des lobbyistes nous démontre que l'industrie du tabac compte exercer son influence auprès de nombreux titulaires de charges publiques, dont le cabinet du premier ministre, à l'égard de la réglementation des produits du tabac. Des rencontres de ce genre, dont la fréquence et le contenu demeurent inconnus au public, vont à l'encontre de la Convention. »
De plus, les directives recommandent d'« informer et éduquer tous les secteurs de l'État et le public … [des] stratégies et tactiques que cette dernière utilise pour s'ingérer dans l'élaboration et l'application des politiques de santé publique concernant la lutte antitabac, » notamment la pratique « consistant à utiliser … des groupes de façade ». Ici aussi, le gouvernement du Québec se doit intervenir : « De nombreux groupes façade ont déjà œuvré au Québec afin d'affaiblir les mesures antitabac. Nous soupçonnons qu'il y en a qui sont actifs aujourd'hui, compte tenu du refus de certains groupes de dévoiler la proportion de leur budget provenant de l'industrie du tabac. Nous comptons donc sur le gouvernement pour assurer une transparence quant aux différents intérêts qui chercheront à influencer les orientations de la future loi, » précise Dre Bois.
ANNEXE
Groupes façades au Québec
Voir ici la liste des groupes façades actifs au Québec et les extraits de documents internes de l'industrie à leur égard:
http://www.cqct.qc.ca/Documents_docs/DOCU_2015/DOCU_15_02_17_GroupesFacades_Qc.pdf
Emballages
Au cours des dix dernières années, les emballages ont évolué pour devenir les principaux véhicules promotionnels en faveur du tabac. Ainsi, l'article 11 de la Convention oblige les parties à s'assurer que l'emballage des produits du tabac « ne contribue[nt] pas à la promotion d'un produit du tabac par des moyens fallacieux, tendancieux ou trompeurs, ou susceptibles de donner une impression erronée quant aux caractéristiques, effets sur la santé, risques ou émissions du produit, y compris des termes, descriptifs, marques commerciales, signes figuratifs ou autres qui donnent directement ou indirectement l'impression erronée qu'un produit du tabac particulier est moins nocif que d'autres ».
Ses directives d'application pour l'article 11 recommandent donc « d'adopter des mesures visant à limiter ou interdire l'utilisation de logos, de couleurs, d'images de marque ou de textes promotionnels sur les conditionnements hormis le nom de la marque et celui du nom du produit imprimés avec des caractères normaux et dans une couleur standardisée (conditionnement neutre). Cela pourrait conférer plus de relief et d'efficacité aux mises en garde sanitaires et aux messages, en empêchant que la forme de conditionnement ne détourne l'attention des consommateurs et en faisant échec aux techniques de design employées par l'industrie du tabac pour tenter de faire croire que certains produits sont moins nocifs que d'autres ». L'Australie a répondu à cette recommandation en adoptant en 2012 l'emballage neutre et standardisé, dont les bénéfices ont déjà été bien étudiés et documentés. Voir ici un survol des impacts :
http://www.cqct.qc.ca/Documents_docs/DOCU_2014/DOCU_14_12_18_Impacts_Australie_EmballagesNeutres.pdf
Aromatisation
Au cours des dix dernières années, l'industrie du tabac a également inondé le marché de produits de tabac aromatisés aux saveurs de fruits et de friandises, produits qui ont rapidement surpassé la cigarette conventionnelle en popularité chez les jeunes au Québec. L'article 9 de la Convention s'attarde à cette problématique et « propose des directives pour … la réglementation de [la] composition et [des] émissions » du tabac, en « réglement[ant], en la limitant ou en l'interdisant, l'utilisation d'ingrédients pouvant servir à améliorer le goût des produits du tabac », selon les directives pour l'application, car « du point de vue de la santé publique, il n'existe aucune justification pour autoriser l'utilisation d'ingrédients tels que des aromatisants qui aident à rendre les produits du tabac plus attractifs. »
Pour voir le communiqué au complet, avec toutes les références, cliquez ici :
http://cqct.qc.ca/Communiques_docs/2015/PRSS_15_02_27_10e_anniversaire_CCLAT.pdf
SOURCE Coalition québécoise pour le contrôle du tabac
Dre Geneviève Bois, 514-598-5533, 514-602-2508 (cell.)
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