Une équipe de recherche canadienne met en évidence la sensibilité du placenta face à ces contaminants environnementaux, durant la grossesse.
MONTRÉAL et LAVAL, QC, le 28 avril 2022 /CNW Telbec/ - On les retrouve dans les cosmétiques, les contenants de plastique, le mobilier, les jouets, ou les biberons. Les perturbateurs endocriniens, ces molécules qui dérèglent nos hormones, sont omniprésents dans notre quotidien. Pourtant leurs effets inquiétants sur la santé humaine sont peu connus du public. Un nombre grandissant d'études démontrent que l'exposition à ces contaminants environnementaux durant la grossesse peuvent mener à des problèmes de santé à moyen et long terme, aussi bien chez la mère que le fœtus.
C'est ce que montre un groupe de chercheuses de l'Institut national de la recherche scientifique (INRS), de l'Université TELUQ et de Queen's University, qui a fait une revue exhaustive de la littérature en passant au crible plus d'une dizaine de perturbateurs endocriniens (PE) parmi les plus courants, mais également plusieurs dont les effets sont moins connus. Elles se sont intéressées aux PE qui ont des effets sur le système reproducteur, le métabolisme et le développement des glandes mammaires durant la grossesse. Leur travail fait l'objet d'un article qui a été publié dans l'édition spéciale de la revue Environmental Research, en avril.
« L'idée était de montrer que durant la période de la grossesse, il n'y a pas juste une personne qui est sensible aux perturbateurs endocriniens, mais bien deux ! On voulait mettre en évidence cette co-sensibilité de la mère et de son enfant face à ces contaminants environnementaux qui sont partout », confie la professeure Isabelle Plante, auteure principale de l'étude et chercheuse en toxicologie environnementale à l'INRS. Elle est également la co-directrice du Centre intersectoriel d'analyse des perturbateurs endocriniens (CIAPE).
La grossesse est un processus complexe qui implique de grands bouleversements physiologiques chez la mère et l'enfant. Cette période de vie est régie par diverses hormones et des voies de signalisation. C'est donc une fenêtre particulièrement sensible aux dérèglements des contaminants extérieurs.
En compilant les travaux existants, les chercheuses ont mis en évidence le rôle du placenta et sa vulnérabilité face aux PE. Le placenta est le modulateur de la physiologie maternelle et du développement du fœtus durant la grossesse. Il produit des hormones nécessaires à la grossesse. Toute altération dans son fonctionnement affecte la santé de la mère et son enfant à court, moyen et même à long terme. En effet, un mauvais fonctionnement du placenta peut mener à des complications de santé plus tard dans la vie, telles que le diabète, l'obésité ou d'autres maladies chroniques.
« La vie périnatale incluant la grossesse est une période importante du développement, car c'est à ce moment-là que se mettent en place les mécanismes essentiels tout au long de la vie de l'enfant et même de la mère. Ainsi, l'altération du placenta par les PE peut avoir des effets invisibles qui seront observés uniquement plus tard dans la vie », explique la professeure à l'INRS, Cathy Vaillancourt, coauteure de l'article, qui se spécialise dans l'implication des facteurs environnementaux sur l'endocrinologie du placenta humain. Elle est également membre du comité scientifique du CIAPE et directrice du RISUQ.
Les chercheuses ont également démontré qu'une exposition précoce de la mère à certains perturbateurs endocriniens pouvait affecter le développement des glandes mammaires chez les bébés à naître. Cela peut les rendre plus susceptibles de développer un cancer du sein à l'âge adulte. C'est le cas du bisphénol A (BPA), présent dans certains plastiques alimentaires et du diethylstilbestrol (DES), un œstrogène de synthèse qui a été largement utilisé auprès des femmes pour le traitement de la ménopause ou encore pour éviter les risques de complications de grossesse.
« Beaucoup de femmes croient être sensibilisées aux perturbateurs endocriniens et à leurs effets sur la santé, mais peu amorcent des changements au niveau de leurs habitudes de vie, explique la professeure Plante. Par exemple, certaines arrêtent de se maquiller durant la grossesse, mais continuent de se teindre les cheveux ou d'utiliser des lotions et des crèmes sur le corps. »
Près de milliers de molécules sont suspectées d'interférer avec des récepteurs hormonaux ou la fabrication des hormones, mais il en existe certainement des centaines de milliers d'autres. Les chercheuses ont donc ciblé des molécules connues et d'autres, moins connues, comme par exemple, celles présentes dans les liquides qui sortent des eaux de fracturation lors de la recherche pétrolière.
« Le message que nous voulons faire passer est que les femmes enceintes ou celles qui ont un désir de maternité représentent une population particulièrement vulnérable face aux perturbateurs endocriniens. Il faut qu'elles soient sensibilisées aux effets que ces contaminants peuvent avoir, non seulement sur leur santé, mais aussi celle de leur futur enfant », conclut la professeure Plante.
L'article « Killing two birds with one stone: Pregnancy is a sensitive window for endocrine effects on both the mother and the fetus » par Isabelle Plante, Louise M.Winn Cathy Vaillancourt Petya Grigorova et Lise Parent a été publié dans la revue Environmental Research, le 1 avril 2022 (DOI: 10.1016/j.envres.2021.112435).
L'INRS est un établissement universitaire dédié exclusivement à la recherche et à la formation aux cycles supérieurs. Depuis sa création en 1969, il contribue activement au développement économique, social et culturel du Québec. L'INRS est 1er au Québec en intensité de recherche. Il est composé de quatre centres de recherche et de formation interdisciplinaires, situés à Québec, à Montréal, à Laval et à Varennes, qui concentrent leurs activités dans des secteurs stratégiques : Eau Terre Environnement, Énergie Matériaux Télécommunications, Urbanisation Culture Société et Armand-Frappier Santé Biotechnologie. Sa communauté compte plus de 1 500 membres étudiants, stagiaires postdoctoraux, membres du corps professoral et membres du personnel.
SOURCE Institut National de la recherche scientifique (INRS)
Julie Robert, Service des communications et des affaires publiques de l'INRS, 514 971-4747, [email protected]
Partager cet article