La toxicité des produits esthétiques sous la loupe d'une chercheuse - Une équipe de recherche mène une étude sur la santé des professionnelles en soins esthétiques au Québec. English
MONTRÉAL, le 4 avril 2024 /CNW/ - Une équipe de l'Institut national de la recherche scientifique (INRS) est à la tête d'une étude qui pourrait aider à mieux protéger les femmes qui manipulent au quotidien des produits aux potentiels effets néfastes. Cette recherche, menée en collaboration avec des chercheurs de l'UQAM et de Santé Canada, est financée par l'Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST).
On le sait désormais : shampoings, revitalisants, colorations, vernis et maquillage peuvent présenter des risques pour la santé des personnes qui les utilisent. Pourquoi? Parce que ces substances contiennent des molécules synthétiques qui perturbent notre système endocrinien, et donc, le fonctionnement de nos hormones.
Or, qu'en est-il des personnes qui manipulent au quotidien ce type de produits en raison de leur métier? Sont-elles davantage touchées par ce problème? Si oui, comment mieux les protéger?
C'est ce que veut savoir la professeure Isabelle Pante, spécialiste en toxicologie au Centre Armand-Frappier Santé Biotechnologie de l'INRS, qui étudie les perturbateurs endocriniens depuis de nombreuses années. Elle est d'ailleurs directrice et co-fondatrice du Centre intersectoriel d'analyse des perturbateurs endocriniens (CIAPE).
« Lorsqu'ils entrent dans l'organisme, les perturbateurs endocriniens interfèrent avec nos hormones de différentes façons, ce qui perturbe leur communication, explique la professeure Plante. Il peut en résulter divers problèmes de santé liés notamment au développement, à la fertilité, à la grossesse et augmenter les risques de cancer du sein. »
À ce titre, le cas des femmes qui travaillent dans le monde des soins personnels préoccupe particulièrement la chercheuse, et ce, pour deux raisons. D'une part, parce que leur contexte professionnel peut les mener à une exposition élevée aux perturbateurs endocriniens à cause de la quantité de produits capillaires et esthétiques qu'elles manipulent. D'autre part, parce qu'elles sont exposées à une vaste gamme de produits contenant de multiples molécules perturbatrices.
Or, lorsque combinées, ces différentes molécules pourraient interagir entre elles et provoquer d'autres effets indésirables. Un peu à la manière de médicaments qu'il n'est pas indiqué de prescrire ensemble pour un patient.
En plus des facteurs de risque liés à l'utilisation des produits capillaires et esthétiques, d'autres enjeux peuvent influencer la santé des femmes qui occupent ce type d'emplois. Parmi eux, la précarité, un accès difficile au congé de maternité préventif et de plus faibles revenus.
« L'accumulation de ces sources de risques pourrait générer des inégalités en matière de santé au travail, d'autant plus que ces professions sont fréquemment occupées par des femmes issues de minorités visibles ou racisées », explique la professeure Plante.
Une meilleure compréhension de la réalité de ces travailleuses permettra de s'attaquer à ces inégalités afin de leur assurer une meilleure protection.
« Les résultats de notre recherche nous permettront de sensibiliser les travailleuses en soins personnels aux potentiels dangers associés aux produits cosmétiques qu'elles utilisent dans leur environnement de travail. C'est d'ailleurs la possibilité de faire des liens directs entre nos analyses de laboratoire et la santé des travailleuses qui m'a poussé à faire de ce projet mon sujet de maîtrise », Marie-Caroline Daguste, étudiante à la maîtrise en sciences expérimentales de la santé dans le laboratoire d'Isabelle Plante.
Pour atteindre ces objectifs, la contribution de participantes à l'étude est essentielle.
Les objectifs de l'étude :
- Recruter 500 femmes de partout au Québec;
- Des femmes qui sont coiffeuses, maquilleuses ou esthéticiennes;
- Des femmes qui exercent un tout autre métier et qui serviront de groupe témoin.
Qu'est-ce qui leur sera demandé? Dans un premier temps, elles devront répondre à un questionnaire en ligne. Dans un deuxième temps, si elles le désirent, les participantes pourront fournir un échantillon d'urine qui servira à l'évaluation de leur exposition et à des expériences de toxicité en laboratoire.
La chercheuse espère que les résultats obtenus apporteront des pistes de prévention et d'interventions pour diminuer les impacts potentiels de ces métiers sur la santé des femmes.
L'étude irait même plus loin en s'intéressant à la santé de la descendance.
« Les effets nocifs issus d'une exposition aux perturbateurs endocriniens se transmettent d'une génération à l'autre. En se penchant sur la santé des travailleuses en soins esthétiques, on vise aussi à mieux protéger la santé de leurs enfants et de leurs petits-enfants », conclut-elle.
Le projet a été approuvé par le Comité d'éthique en recherche de l'INRS (CER-22-682, 2022-10-17). Pour participer, cliquez ici.
Ces travaux de recherche sont menés par les professeures Isabelle Plante (chercheuse principale), Cathy Vaillancourt, Géraldine Delbès et le professeur Kessen Patten de l'INRS, en collaboration avec Mathieu Philibert et Joanne Saint-Charles de l'UQAM et Yong-Lai Feng de Santé Canada.
L'INRS est un établissement universitaire dédié exclusivement à la recherche et à la formation aux cycles supérieurs dans des créneaux stratégiques au Québec. Depuis sa création en 1969, il contribue activement au développement économique, social et culturel du Québec. L'INRS est 1er au Canada en intensité de recherche. Il est composé de quatre centres de recherche et de formation interdisciplinaires, situés à Québec, à Montréal, à Laval et à Varennes, qui concentrent leurs activités dans des secteurs stratégiques : Eau Terre Environnement, Énergie Matériaux Télécommunications, Urbanisation Culture Société et Armand-Frappier Santé Biotechnologie. Sa communauté compte plus de 1 500 membres étudiants, stagiaires au postdoctorat, membres du corps professoral et membres du personnel.
SOURCE Institut National de la recherche scientifique (INRS)
Pour plus d'informations : Julie Robert, Service des communications et affaires publiques, Institut national de la recherche scientifique, [email protected]
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