Le Canada doit traiter la consommation d'opioïdes comme un problème de santé et non comme une affaire criminelle English
L'Association canadienne pour la santé mentale demande des soins plutôt que des mesures correctives pour désamorcer la crise des opioïdes.
TORONTO, le 17 avril 2018 /CNW/ - Selon un nouveau document d'orientation nationale diffusé aujourd'hui par l'Association canadienne pour la santé mentale (ACSM), la décriminalisation est un élément clé pour contrer la crise des opioïdes qui tue actuellement des milliers de personnes. Le document, élaboré par une équipe pancanadienne d'experts en santé mentale et en recherche, en réponse au nombre croissant de méfaits associés aux opioïdes, recommande une approche de santé publique audacieuse et efficace pour désamorcer la crise, une approche axée sur les soins plutôt que sur les mesures correctives.
« La criminalisation des personnes qui consomment des drogues favorise un climat dans lequel elles ne se sentent pas à l'aise de faire appel à des services salutaires d'intervention et de traitement, et elle marginalise d'autant plus les personnes vivant dans la pauvreté ou qui sont défavorisées sur le plan social », affirme Patrick Smith, docteur en psychologie clinique et directeur général national de l'ACSM. « La guerre antidrogue ne donne aucun résultat : le moment est venu de déposer les armes et de commencer à aider les gens. »
Dans le cadre de ses dix recommandations fondées sur les données probantes, l'ACSM recommande la décriminalisation de toutes les substances illicites destinées à un usage personnel en ayant comme objectif d'assurer l'intégration des lois canadiennes sur les drogues à la santé publique. La décriminalisation, différente en soi de la légalisation, signifie que la possession, l'usage et l'achat de drogues ne seraient plus considérés comme des infractions criminelles; toutefois, l'approvisionnement en drogues ainsi que la production et la vente de drogues demeureraient des infractions criminelles.
Le modèle portugais, selon lequel les substances psychoactives destinées à un usage personnel ont été décriminalisées en 2001, a permis d'accroître de 60 % l'accès au traitement au cours de la première décennie. En 2015, le Portugal a également réduit de 60 % le nombre d'arrestations et d'incarcérations pour des infractions relatives aux drogues.
« Pour être efficace au Canada, la décriminalisation doit être accompagnée d'un investissement considérable dans la réduction des méfaits et dans les mesures de traitement », poursuit Patrick Smith. « Les iniquités sociales constituent une cause fondamentale importante, mais souvent négligée de la crise des opioïdes. Si nous voulons résoudre le problème, nous devons tout d'abord régler les déséquilibres de notre société qui sont la cause première de ce problème. »
Les iniquités sociales occasionnent une quantité considérable de douleur psychologique et de traumatismes, tous deux liés à la maladie mentale et à la consommation problématique de substances. La crise des opioïdes a des répercussions disproportionnées sur les personnes à faible revenu, sans emploi ou handicapées, ainsi que sur les communautés autochtones aux prises avec le racisme systémique, les chocs et les traumatismes intergénérationnels.
En 2016, cette urgence de santé publique a causé l'hospitalisation de 16 Canadiens et Canadiennes par jour, et elle coûte maintenant la vie à plus de Canadiens et de Canadiennes que l'a fait l'épidémie de VIH à son plus fort en 1995.
Parallèlement à la décriminalisation, l'ACSM recommande d'investir dans le logement et la garde d'enfants à prix abordable, dans l'éducation et dans la création d'emplois -- éléments souvent appelés les déterminants sociaux de la santé -- afin de réduire les stresseurs environnementaux comme la pauvreté et l'insécurité face au logement, facteurs qui augmentent le risque de consommation problématique de substances et de maladie mentale.
Ce problème complexe et multiniveau exigera une solution dynamique, comportant une variété de composantes qui viendront s'ajouter à une approche de santé publique solide et exhaustive. D'autres recommandations portent sur la recherche, le financement et l'amélioration de l'accès aux traitements en cas de troubles liés à la consommation d'opioïdes, y compris des options comme l'accès universel à la psychothérapie, des traitements novateurs comme la pleine conscience et la méditation, l'exploration du cannabis comme solution de rechange à la gestion de la douleur, la reconnaissance des pratiques de guérison des Autochtones et l'augmentation de l'accès à la buprénorphine/naloxone pour traiter le sevrage.
« Il est évident que la douleur est mal gérée et mal comprise au Canada, et c'est là que réside une partie du problème. Dans l'état actuel des choses, les vétérinaires reçoivent cinq fois plus de formation sur le traitement de la douleur que les médecins », ajoute Patrick Smith. « Une meilleure formation et davantage d'éducation sont requises, particulièrement en matière de gestion de la douleur chronique. »
Le document d'orientation recommande l'élaboration d'une stratégie nationale relative à la douleur et aux dépendances comprenant de l'investissement en recherche, en éducation et en soins cliniques axés sur la découverte d'approches plus sécuritaires de gestion de la douleur. La stratégie devrait recommander des options de traitement comprenant à la fois des médicaments et d'autres approches; si des opioïdes sont prescrits, le traitement devrait inclure un plan de sevrage progressif.
Le Canada ne part pas de zéro; toutefois, il devrait accroître l'accès aux sites de prévention des surdoses et aux sites de consommation sécuritaire, suivant ainsi le modèle des 20 sites qui ont été ouverts en Colombie-Britannique et qui se sont avérés un succès, puisqu'ils ont permis de neutraliser près de 500 surdoses de décembre 2016 à mars 2017, en donnant de la formation publique sur leur efficacité. Les sites de prévention des surdoses et de consommation sécuritaire sauvent des vies, neutralisent les empoisonnements accidentels et réduisent les maladies transmissibles comme le VIH et l'hépatite C en offrant des fournitures stériles; toutefois, de nombreuses communautés ne disposent pas encore de ces sites. Les coroners de la Colombie-Britannique ont récemment indiqué qu'en janvier 2018, jusqu'à 94 % des décès causés par des drogues illicites étaient survenus à l'intérieur; l'utilisation de la vidéoconférence pour superviser les personnes qui consomment des drogues seules dans leur résidence pourrait constituer une solution novatrice.
Les personnes qui consomment des drogues illicites et qui ne cherchent pas de traitement sont à risque très élevé d'empoisonnement accidentel au fentanyl et à ses analogues. Pour ce groupe, l'ACSM recommande la recherche et le soutien de projets pilotes novateurs offrant des médicaments d'ordonnance comme solution de rechange aux fournitures de drogues contaminées.
« Le Canada fait déjà de grands pas pour élaborer et mettre sur pied des programmes et des initiatives de réduction des méfaits. Nous sommes sur la bonne voie. Ces mesures jettent les bases d'une approche de santé publique encore plus audacieuse et efficace face à une urgence qui prend sa source dans la souffrance, dans les iniquités structurelles, dans la douleur non traitée ainsi que dans les troubles de santé mentale et de dépendance », ajoute Patrick Smith. « Il ne s'agit pas d'un parcours facile, mais le rétablissement est possible pour toute personne qui reçoit un bon soutien. »
Pour télécharger le rapport sommaire sur le document intitulé Des soins plutôt que des mesures correctives : désamorcer la crise des opioïdes au Canada ou le document d'orientation complet de 61 pages, veuillez visiter le www.acsm.ca.
À propos de l'Association canadienne pour la santé mentale
Fondée en 1918, l'Association canadienne pour la santé mentale (ACSM) est l'organisme communautaire du secteur de la santé mentale le plus vaste et le mieux établi au Canada. Grâce à sa présence dans plus de 330 collectivités réparties dans toutes les provinces, l'ACSM œuvre en défense des droits, offre des programmes et des ressources qui contribuent à prévenir les problèmes et les troubles de santé mentale, à soutenir le rétablissement et la résilience, tout en permettant à l'ensemble des Canadiens et des Canadiennes de prospérer et de s'épanouir. Pour obtenir de plus amples renseignements, visitez www.acsm.ca.
SOURCE Association canadienne pour la santé mentale
Katherine Janson, Directrice nationale des communications, 416-646-5557, poste 24923, [email protected]
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