MONTRÉAL, le 21 juill. 2020 /CNW Telbec/ - Le Conseil jeunesse de Montréal (CjM) est composé de 15 jeunes issu.es d'une diversité socio-culturelle, linguistique et géographique permettant de refléter et représenter la jeunesse montréalaise et de porter ses préoccupations à l'administration montréalaise. Le CjM vous écrit afin de prendre action pour répondre promptement aux revendications des jeunes montréalais.es afin de mettre fin au racisme et à la discrimination systémiques sur le territoire de la Ville de Montréal.
Depuis de nombreuses années, les communautés racisées montréalaises dénoncent le profilage racial, la brutalité policière et le racisme systémique qui sont ancrés dans les processus institutionnels. Ces dénonciations, par le biais de mouvements sociaux comme « Say their names », ne doivent plus être ignorées. Plusieurs Montréalais.es issu.es des communautés autochtones et ethnoculturelles endurent quotidiennement de la discrimination lors de leurs interactions avec la police, les services municipaux ou encore lors des processus d'embauche à la Ville de Montréal.
Un vent de changement est amené par la mobilisation de la jeunesse montréalaise, illustré par la pétition en vertu du droit d'initiative pour déclencher la consultation de l'OCPM ou encore lors des manifestations du mouvement Black Lives Matter dans les rues de Montréal. Le CjM salue et soutient cet engagement de la jeunesse montréalaise. Il est d'autant plus important pour le CjM de prendre la parole à ce sujet que les jeunes de 15 à 34 ans représentent 65,4% des interpellations du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM)1. Les membres du CjM sont 1 sensibilisé.es et touché.es par cet enjeu : 47% des membres du CjM sont issu.es de minorités visibles et 20 % issus de minorités ethniques. Le CjM se joint au mouvement et à l'appel au changement aux côtés des communautés racisées de Montréal et de plusieurs autres organismes.
Nous avons été durement marqué.es par le meurtre de George Floyd, ainsi que des récentes victimes du racisme au Canada dont Chantel Moore à Fredericton, Regis Korchinski-Paquet à Toronto, Ejaz Chaudhry à Mississauga pour n'en nommer que quelques-unes. Les mouvements de solidarité en lien avec ces victimes témoignent l'urgence d'agir.
En tant que citoyen.nes de la Montréal, les différents événements nous incitent à se poser des questions fondamentales. Pourquoi les jeunes racisé.es sont-ils.elles plus interpellé.es par les agent.es du SPVM? Est-ce une pratique institutionnalisée? Comment ces pratiques persistent-elles, malgré les efforts pour mettre fin au racisme et les protections contre la discrimination des chartes canadienne et québécoise des droits et libertés de la personne?
Dans le même ordre d'idées, à Montréal, le rapport sur les interpellations policières remis au SPVM l'automne dernier examine en profondeur les pratiques policières faisant état d'une situation accablante. Le CjM tient à mettre l'accent sur quelques données particulièrement choquantes :
Les personnes noires et autochtones ont une probabilité 4 à 5 fois plus élevée d'être interpellées par le SPVM2 et les jeunes arabes de 15 à 24 ans ont en moyenne 4 fois plus de chance d'être interpellées comparativement aux personnes blanches3. De plus, les personnes noires qui ne représentent que 9,5% de la population totalisent cependant 27% des personnes interpellées4 ce qui s'est traduit par 29 759 interpellations entre 2014 et 2017, une sur-interpellation de 66% en proportion absolue5.
En ce qui concerne les femmes autochtones, elles 11 fois plus susceptibles d'être interpellées comparativement aux femmes blanches6. Les personnes autochtones reçoivent 9% des constats d'infractions municipaux, 13 fois plus que leur proportion au sein de la population7. De plus, la probabilité d'être interpellé par le SPVM chez les personnes autochtones a augmenté. En effet, en 2014, les personnes autochtones avaient 2 fois plus de chance d'être interpellés qu'une personne blanche, une probabilité qui est montée à 6 fois plus de chance en 20178.
Les auteurs.trices du rapport concluent que « les données montrent que la plupart des groupes racisés font l'objet d'une sur-interpellation au regard des infractions municipales. En d'autres mots, les personnes arabes, sud-asiatiques, est-asiatiques et noires sont interpellées plus fréquemment que ce que leur participation aux infractions municipales le justifierait »9.
De plus, les auteur.trices affirment « que le profilage racial est le produit de préjugés des policiers, mais aussi des politiques organisationnelles du SPVM ». Citant un autre rapport réalisé par des chercheurs universitaires, ils.elles notent que « la lutte du SPVM contre les gangs de rue et sa réglementation sur les "incivilités" sont deux politiques qui soumettent les jeunes des minorités racisées à un niveau excessif d'attention et d'interpellation de la part de la police »10. À la lumière des réalités soulevées, il est évident qu'il faut repenser la structure des institutions de sécurité publique et son effet sur le racisme et la discrimination systémique
En réaction à ces constats, la Ville de Montréal a fait un certain nombre d'annonces. Le CjM accueille avec enthousiasme la nomination de Mme Cathy Wong en tant que membre du comité exécutif responsable de la diversité, de l'inclusion en emploi, de la langue française et de la lutte au racisme et à la discrimination. Le CjM souhaite également souligner les mesures annoncées par la Ville telles que le déploiement progressif des caméras portatives pour les agent.es du SPVM et la tenue d'une consultation publique dans le cadre de l'élaboration d'une nouvelle politique en matière d'interpellations policières. Nous demandons à la Ville de Montréal de maintenir les efforts pour améliorer les conditions de vie des communautés et en particulier celle des minorités ethniques et culturelles.
Le CjM, ayant à coeur les intérêts de la jeunesse des Montréalais.e.s, se sent le devoir de dénoncer la discrimination raciale et de proposer des solutions efficaces et sensibles aux réalités des Montréalais.es racisées. Il est nécessaire de faire suite aux travaux de l'OCPM, où de nombreux organismes et individus ont déposé des mémoires dans le cadre de la consultation sur le racisme et la discrimination systémique. Outre une discussion ouverte sur le racisme et la discrimination systémique avec les jeunes issu.es de la diversité, nous demandons la Ville de s'engager activement contre le racisme. Dans le cadre de la consultation publique de l'OCPM, le CjM a déposé un mémoire comprenant 41 recommandations. Nous continuons à suivre de près ces enjeux et prévoyons notamment publier un mémoire sur l'utilisation des technologies perturbatrices (reconnaissance faciale, utilisation des données de masse) à l'automne 2020.
Voici 5 recommandations, tirées de notre mémoire sur la discrimination et le racisme systémique, que nous désirons prioritairement mettre de l'avant :
Recommandations
- Que la Ville de Montréal poursuive les initiatives en matière de soutien à l'éducation et à l'insertion professionnelle, comme les stages rémunérés, le projet Classe Affaires, l'Opération retour à l'école, et renforce son Programme d'accès à l'égalité en emploi (PAÉE), notamment par l'embauche de jeunes racisé.es et de jeunes Autochtones (CjM, Montréal, ma ville, mon choix? Avis sur le sentiment d'appartenance des jeunes, 2007).
- Que la Ville de Montréal, tel que recommandé par la Commission sur le développement social et la diversité montréalaise et la Commission de la sécurité publique en 2017, exige un rapport annuel concernant la mise en œuvre du plan stratégique en matière de profilage social et racial du SPVM et présente ce rapport en séance publique à la Commission de la sécurité publique.
- Que la Ville de Montréal, tel que recommandé par la Commission sur le développement social et la diversité montréalaise et la Commission de la sécurité publique en 2017, mandate une équipe de recherche indépendante pour développer des indicateurs pour détecter les comportements de profilages social et racial dans les autres entités administratives de Montréal, notamment : l'OMHM, le Service des ressources humaines, la STM, la cour municipale, etc.
- Que la Ville de Montréal entreprenne les actions suivantes, d'ici l'échéance du présent mandat du directeur du SPVM :
- Mener et publier les résultats d'une analyse éthique et criminologique en collaboration avec des équipes de recherche montréalaises avant que le SPVM déploie toute technologie de prévision policière et de reconnaissance faciale à grande échelle;
- Encadrer toute éventuelle utilisation de ces technologies pour qu'elles n'amplifient pas le profilage racial et social (OCPM, Rapport de consultation publique sur le racisme et discrimination systémiques dans les compétences de la Ville de Montréal, 2020).
- Que la Ville de Montréal fournisse davantage de ressources aux comités logement de Montréal afin qu'ils puissent adéquatement remplir leur rôle de défense des locataires en mettant notamment en lumière les cas de discrimination dans l'octroi de tous logements.
À travers cette lettre, le CjM espère contribuer à insuffler un vent de changement. Nous avons choisi de vous interpeller directement afin de mettre l'accent sur l'urgence de poser des actions concrètes, ainsi que d'en assurer le suivi. La Ville se doit de continuer à prendre en considération les priorités des citoyen.nes afin qu'elles soient le reflet de leurs réels besoins : une ville plus inclusive, plus sûre, et ce, sans discrimination.
Le CjM se réjouit de pouvoir continuer à collaborer avec vous sur ces enjeux pressants. Dans l'attente d'une réponse et de l'annonce de nouvelles mesures de la Ville, nous demeurons disponibles pour toutes questions relatives à cette lettre.
Recevez nos salutations distinguées,
Les membres du Conseil jeunesse de Montréal
Alice Miquet (Présidente), Yazid Djenadi (Vice-président), Audrey-Frédérique Lavoie (Vice-présidente), Rizwan Ahmad Khan, Jessica Condemi, Rime Diany, Sherlyne Duverneau, Benjamin Herrera, Xiya Ma, Philippe Marceau-Loranger, Anne Xuan-Lan Nguyen, Sébastien Oudin-Filipecki, Shophika Vaithyanathasarma, Pentcho Tchomakov, Michael Wrobel.
_____________________________
1 Armory, Hassaoui et Mulone, 2019, p.65
2 Ibid., p.84.
3 Ibid., p.84
4 Ibid., p.90.
5 Ibid., p.100.
6 Ibid., p.88.
7 Ibid., p.79.
8 Ibid., p.86.
9 Ibid., p.103.
10 Livingstone et al., dans Armory, Hassaoui et Mulone, 2019, p.26.
SOURCE Conseil jeunesse de Montréal
Conseil jeunesse de Montréal, Secrétariat, 514 868-5809, [email protected] ; Facebook : /cjmtl, Twitter : @cjmtl, Instagram : @conseiljmtl, www.cjmtl.com
Partager cet article