Le DPCP annonce qu'il ne portera pas d'accusation dans le dossier de l'enquête indépendante instituée à la suite de l'événement survenu le 14 novembre 2018 à Montréal, lors duquel un homme a été blessé
QUÉBEC, le 11 nov. 2020 /CNW Telbec/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec les blessures subies par un homme le 14 novembre 2018 à Montréal, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à un procureur aux poursuites criminelles et pénales (procureur). Ce dernier a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si celle-ci révèle la commission d'infractions criminelles. Le procureur a informé les proches de la personne blessée des motifs de la décision puisque cette dernière est décédée quelques mois après l'événement.
Événement
Le matin du 14 novembre 2018, un homme est couché sur le sol de la terrasse extérieure d'un restaurant à Montréal. Une vague de froid sévit à Montréal et avec le refroidissement éolien, il fait environ -20°C.
Personne n'est en mesure de dire depuis combien de temps il est là.
Vers 8 h ou 9 h, un client l'aperçoit et en informe un employé du restaurant. Celui-ci avise sa superviseure de la situation.
Après avoir essayé de le réveiller, sans succès, ils appellent la police pour que celle-ci intervienne. Cet appel est fait au 911 à 10 h 48.
Un peu avant 11 h, les policiers impliqués dans cet événement se rendent sur les lieux. Ils prennent la décision de ne pas le forcer à quitter la terrasse.
Ils expliquent à la personne qui a placé l'appel au 911 que l'homme est en état d'ébriété, qu'il ne peut pas se lever par lui-même, et qu'ils ne l'expulseront pas. Ils lui disent de les rappeler plus tard s'il est toujours là, et ils quittent les lieux.
Le propriétaire arrive au restaurant peu de temps après. Il tente à son tour de réveiller l'homme, toujours sans succès.
Comme il n'y a aucune réaction de la part de l'homme, le propriétaire du restaurant pense qu'il est décédé et décide de rappeler la police immédiatement. Cet appel est fait au 911 à 11 h 45.
D'autres policiers arrivent sur les lieux, en même temps que les pompiers et Urgences-santé. Les pompiers constatent que l'homme n'a pas de pouls et ils commencent des manœuvres de réanimation. L'homme part finalement en ambulance vers l'hôpital.
Lors de son arrivée à l'hôpital, il est toujours inconscient, en arrêt cardio-respiratoire, et il souffre d'hypothermie profonde. Sa température corporelle est alors de 22°C.
Il reprend éventuellement connaissance, mais garde de lourdes séquelles au niveau du cerveau, du foie, du cœur et des parois gastriques.
Analyse du DPCP
La preuve au dossier d'enquête ne permet pas de conclure que les policiers impliqués ont fait preuve de négligence criminelle.
En matière de négligence criminelle, il est interdit à une personne d'accomplir un geste ou d'omettre de poser un geste que la loi exige qu'il pose, lorsque cela montre une insouciance déréglée ou téméraire à l'égard de la vie ou de la sécurité d'autrui.
La simple négligence dans l'accomplissement d'un acte, ou le fait de ne pas remplir une obligation imposée par la loi, sont toutefois insuffisants pour conclure à la négligence criminelle. La conduite doit représenter « un écart marqué et important par rapport à la conduite d'une personne raisonnablement prudente », distinguant ainsi la faute civile de la faute criminelle.
Par ailleurs, la négligence criminelle ne constitue pas une infraction autonome. Toute forme de contribution à la mort ou aux lésions corporelles n'est pas criminelle. Pour être punissables, les gestes ou les omissions doivent avoir contribué de façon appréciable, c'est-à-dire plus que mineure aux lésions corporelles ou encore au décès d'une autre personne.
Malgré leur omission d'agir, l'analyse de l'ensemble de la preuve au dossier d'enquête ne permet pas de conclure que les policiers impliqués dans cet événement ont contribué de façon appréciable aux lésions corporelles subies.
En effet, personne n'est en mesure de dire depuis combien de temps l'homme était à l'extérieur lorsque les policiers impliqués sont intervenus auprès de lui.
De plus, vu l'absence de preuve sur la condition de l'homme au moment de l'intervention des policiers impliqués, le court délai entre les deux interventions, et l'état d'hypothermie profonde dont souffrait l'homme lors de son arrivée à l'hôpital, il n'est pas possible de conclure hors de tout doute raisonnable que les blessures subies auraient pu être évitées ou amoindries si les policiers impliqués avaient décidé d'agir.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'un acte criminel par les policiers du SPVM impliqués dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Source : Me Audrey Roy-Cloutier, Porte-parole, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085
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