Le DPCP annonce qu'il ne portera pas d'accusation dans le dossier de l'enquête indépendante instituée à la suite de l'événement survenu le 1er janvier 2020 à Montréal, lors duquel un homme a été blessé
QUÉBEC, le 3 mars 2021 /CNW Telbec/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec les blessures subies par un homme le 1er janvier 2020 à Montréal, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à un procureur aux poursuites criminelles et pénales (procureur). Ce dernier a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si celle-ci révèle la commission d'infractions criminelles. Le procureur a informé la personne blessée de la décision.
Événement
Le 1er janvier 2020 à 14 h 40, une femme appelle au 911 pour signaler qu'un homme est en crise et qu'il saccage des casiers d'entreposage au sous-sol de l'immeuble à logements où il demeure.
Deux policiers localisent l'homme quelques minutes plus tard dans la ruelle derrière l'immeuble. Ils constatent que l'homme a un couteau en sa possession.
D'autres policiers arrivent sur les lieux. L'homme est sommé de déposer son couteau. La police utilise une arme à impulsion électrique (AIE) en mode démonstration pour obtenir sa collaboration sans succès.
L'homme se rend sur un balcon accessible par des escaliers. Une policière, formée en intervention de crise, et un autre policier amorcent une discussion avec l'homme et tentent d'obtenir sa reddition. Celui-ci est incohérent par moments.
L'homme n'obtempère pas. Il sort un second couteau et brandit alors un couteau dans chaque main. L'homme propose aux policiers de venir le chercher et annonce qu'il va faire en sorte de se faire « tirer » par les policiers. L'AIE est de nouveau utilisé en mode démonstration, sans succès.
Vers 15 h 10, plusieurs policiers d'un premier groupe d'intervention du SPVM arrivent sur place suivi d'un second groupe. La policière et le policier tentent toujours d'obtenir la reddition de l'homme par le dialogue. La présence du groupe tactique d'intervention du SPVM (GTI) est jugée requise.
Vers 16 h 20, plusieurs policiers prennent position sur les lieux. Les tentatives d'obtenir la reddition de l'homme se poursuivent. Il fume plusieurs cigarettes. Il dépose ses couteaux pour fumer et les reprend lorsqu'il termine une cigarette. Les policiers tentent de s'approcher de façon sécuritaire de l'homme, sans succès.
Vers 17 h 55, profitant d'un moment où l'homme n'a pas ses couteaux dans les mains, un policier du GTI lance une grenade cataplexiante vers le balcon (au rez-de-chaussée). Ce type de grenade immobilise temporairement les gens affectés par ses effets. Deux policiers du GTI approchent de l'homme qui leur tourne le dos. Ils utilisent l'AIE en mode projection en direction de l'homme.
L'homme semble atteint, mais il s'empare d'un de ses couteaux avant qu'un des policiers du GTI réussisse à le plaquer au sol avec un bouclier inversé. Des collègues du policier l'aident à maîtriser l'homme.
La main de l'homme tenant le couteau se trouve sous le bouclier et l'homme réussit à se piquer au cou. Un des policiers applique une pression sur la blessure. Les ambulanciers déjà sur place prodiguent les premiers soins à l'homme, qui est ensuite transporté dans un centre hospitalier.
Analyse du DPCP
L'intervention était légale. L'article 48 de la Loi sur la police prévoit que les policiers ont pour mission de maintenir la paix, l'ordre et la sécurité publique, de prévenir et de réprimer le crime.
De plus, dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25 du Code criminel sont remplies.
Cette disposition accorde une protection à l'agent de la paix qui emploie la force dans le cadre de l'application ou de l'exécution de la loi.
Le paragraphe 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou de l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
Dans ce dossier, l'intervention était légale. Les policiers devaient intervenir auprès de l'homme armé de couteaux pour le désarmer puisque le comportement de ce dernier démontrait qu'il pouvait porter atteinte à sa vie. Durant l'intervention, ses gestes et paroles laissaient craindre qu'il devienne un danger pour autrui.
Après que les policiers aient vainement tenté de convaincre l'homme d'abandonner ses armes, il était justifié, dans les circonstances, d'utiliser l'AIE à son endroit pour l'approcher de façon sécuritaire. Cette conclusion s'applique également quant à l'usage subséquent du bouclier inversé et de la maîtrise au sol.
Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par les agents de la paix était justifié en vertu de l'article 25 du Code criminel. L'analyse de la preuve ne révèle pas à son avis la commission d'un acte criminel par les policiers du SPVM impliqués dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique.
Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Me Audrey Roy-Cloutier, Porte-parole, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085
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